Algérie: Le Premier ministre ne veut plus être le souffre-douleur de l'entourage de Bouteflika

Ahmed Ouyahia, Premier ministre d'Algérie.

Ahmed Ouyahia, Premier ministre d'Algérie.. DR

Le 14/11/2018 à 15h05, mis à jour le 14/11/2018 à 15h10

Revue de presseDans la perspective de la succession plus ou moins imminente de Absdelaziz Bouteflika, le premier ministre Ahmed Ouyahia fait l'objet d'incessantes attaques. Il a décidé de plus faire profil bas et rendre coup pour coup.

C'était jusqu'ici le bouc émissaire favori du parti présidentiel, dont il est pourtant le plus précieux allié. Mais Ahmed Ouyahia, qui n'a jamais aimé répondre aux attaques, commence à rendre les coups, estime Tout sur l'Algérie. Parce qu'il en a assez de se faire taper dessus? Sans doute. Parce que s'il se fait trop discret, l'après-Bouteflika, de plus en plus imminent, pourrait se faire sans lui? Oui, certes. 

En l'espace d'une semaine, il a émis deux réponses oficielles à des attaques venant de membres de son gouvernement et à une polémique que la presse et ses "adversaires politiques" faisaient enfler concernant l'emploi d'un terme inaproprié pour qualifier les martyrs algériens. 

Dans le premier cas, son ministre de la Justice, Tayeb Louh, issus du Front de libération nationale, avait critiqué sans prendre de gants les choix politiques du Premier ministre.

Lors d'une visite à Oran, il avait estimé, sans employer les mêmes termes, que Ahmed Ouyahia était un pyromane et que Abdelaziz Bouteflika, le chef de l'Etat était le pompier qui éteignait les feux allumés par le premier. "Vous vous rappelez tous des taxes sur les pièces d'identité, qui les a annulées? Le président de la République?", avait dit Louh aux journalistes lors de cette visite.

Tayeb Louh avait également égratigné Ouyahia concernant l'emprisonnement de milliers de cadres de l'administration durant les années 1990. Cet épisode, dont le leader du Rassemblement national démocratique n'est pas vraiment fier, est d'ailleurs ce qui l'a poussé à réagir.

Le mardi 7 novembre, il a donc vigoureusement réagi dans un communiqué, qualifiant "d'accusations fallacieuses" la sortie de Louh. 

Dans le second cas, invité à Paris le 11 novembre dernier, pour la commémoration de l'Armistice de 1918 marquant la fin de la Première Guerre mondiale, Ouyahia avait utilisé le terme "mort" à la place de celui de "martyrs".

Ce qui lui a valu les attaques les plus virulentes, mais sa réaction ne s'est pas fait attendre. "Une chaîne privée de télévision s’est livrée à une odieuse tentative de manipulation par montage des propos de M. le Premier ministre au sujet des martyrs de la Guerre de libération nationale qui auraient été cités comme des morts et non des chouhada", a-t-il écrit dans un communiqué largement diffusé dans la presse. 

Ouyahia, il faut le rappeler, a longtemps était affublé du sobriquet "d'homme des sales besognes", aussi bien par la presse que par les politiciens algériens. Il a plusieurs fois servi de fusible qu'on faisait sauter chaque fois que l'on avait plus besoin de ses services.

Et souvent, c'est par des attaques semblables que ses adversaires s'y prenaient avant de se débarrasser de lui d'une manière plus douce. Mais jamais auparavant, il n'a réagi à des attaques, ces deux fois-ci sont donc bien des premières. 

S'il adopte cette nouvelle posture face aux invectives de l'entourage du président Bouteflika, c'est parce que l'Algérie se trouve à un moment charnière où l'on se dirige vers une succession. Or, Ahmed Ouyahia a toute la légitimité pour lui succéder.

Mais s'il veut réellement se positionner en tant que tel, il ne doit plus être ce bouc-émissaire... 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 14/11/2018 à 15h05, mis à jour le 14/11/2018 à 15h10