Algérie: l'article 102 évoqué par Gaïd Salah n'est qu'une partie de la solution

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Le 27/03/2019 à 18h21, mis à jour le 27/03/2019 à 18h24

Le chef de l'armée algérienne a pris les devants pour jouer un rôle dans les changements en cours. Sauf qu'il n'a pas encore accédé à la quintessence de la demande des manifestants qui consiste à faire déguerpir tout le système, dont font partie gouvernement, parlement, justice, voire armée.

Passé le moment d'euphorie, les Algériens se montrent de plus en plus sceptiques concernant la proposition du général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah. C'est le sentiment général qui se dégage dans la presse de ce mercredi 27 mars.

Dans Tout sur l'Algérie, on affirme que "Gaïd Salah apporte la moitié de la solution, le plus dur est à venir".

Le site d'information estime que la messe est dite concernant Bouteflika. Son départ est devenu simplement une affaire de procédure. Gaïd Salah y a mis la forme en demandant au Conseil constitutionnel d'enclencher la procédure de destitution prévue par l'article 102 de la loi fondamentale algérienne.

Bouteflika devrait donc quitter le pouvoir après l'exécution de la procédure prévue en cas d'empêchement du chef de l'Etat, plus précisément "l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions pour cause de maladie grave et durable".

Ainsi, sur demande du Conseil constitutionnel, c'est l'Assemblée nationale populaire qui décide, à la majorité des deux tiers, l'empêchement de Bouteflika. Il sera alors remplacé pour 45 jours par la deuxième personnalité de l'Etat, en l'occurrence Abdelkader Bensalah, actuel président du Sénat. Au bout de cette période d'intérim, la vacance du pouvoir sera constatée et une élection présidentielle organisée sur trentaine.

Bouteflika partira donc. C'est certain. Sauf que ce n'est là qu'une partie de ce que réclament la rue et l'opposition algériennes. Car, dans la configuration actuelle, le système risque de se substituer à lui-même, alors que la principale revendication des manifestants, depuis bientôt 5 semaines, c'est le départ de ce régime.. 

Plusieurs partis politiques de l'opposition, craignant que le pouvoir ne soit confisqué, ont clairement exprimé leur désaccord concernant la proposition de Gaïd Salah. Plusieurs questions restent entières. Les juges du Conseil constitutionnel, qui ont déjà validé la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat, peuvent-ils être considérés comme des acteurs neutres? Il est clair qu'ils ne risquent pas de poser des questions concernant les résultats de l'élection présidentielle future que les acteurs du système actuel leur demanderont de valider. 

On peut également avoir des doutes sur ces mêmes acteurs qui ont été à l'origine de toutes les fraudes lors des précédentes élections. Or, ce que propose Gaïd Salah pourrait les maintenir à leur poste, malgré le départ de Bouteflika.

En réalité, tant que des changements majeurs ne sont pas apportés à l'appareil judiciaire et à l'administration territoriale, et tant qu'un organe indépendant pour l'organisation des élections ne sera pas mis en place, aucune élection ne sera transparente. 

Par ailleurs, si le parlement actuel reste en place, rien ne changera réellement au sein du système. Cela ne sera possible qu'après des élections législatives où l'on proposera aux Algériens de nouvelles têtes qui ne seront pas issues des partis classiques, notamment du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement national démocratique (RND) dans leur composition actuelle. Ce qui est plus difficile à dire qu'à faire, puisqu'au stade actuel, les manifestants veulent le départ du système, mais ne proposent rien à sa place. 

Enfin, la fin du système actuel suppose une réforme de l'armée, voire un départ de Gaïd Salah lui-même. Encore, une gageure que ne peut satisfaire le seul article 102. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 27/03/2019 à 18h21, mis à jour le 27/03/2019 à 18h24