Algérie: la présidentielle du 4 juillet plus que jamais compromise

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Le 15/04/2019 à 17h17, mis à jour le 15/04/2019 à 17h20

Après la rue et les magistrats, les maires aussi ont annoncé leur intention de boycotter la présidentielle. Partant, il sera difficile de réunir les conditions d'un scrutin transparent et juste. Du coup, la nouvelle sortie de Gaïd Salah, prévue le mardi 16 avril à Ouargla, est très attendue.

Le général Gaïd Saleh et le gouvernement Bédoui ont du pain sur les planches. En effet, la présidentielle fixée au 4 juillet 2019 a peu de chance de se dérouler comme convenu. Et pour cause, après la rue qui a catégoriquement refusé un processus de transition dirigée par le système en place, ce sont les partis de l'opposition, les avocats et les maires qui annoncent leur volonté de boycotter le scrutin présidentiel, au lendemain de la convocation du corps électoral.

Or, sans la supervision des magistrats et des élus locaux, on voit mal la présidentielle se dérouler dans de conditions acceptables. Ainsi, de nombreux maires refusent même d’ouvrir les guichets dédiés aux élections pour la révision des listes électorales.

Même s’ils ne sont qu’une quarantaine de maires pour le moment, sur 1500 élus locaux, à s’opposer à l’encadrement des élections, le boycott des citoyens pourrait empêcher la tenue d’une élection présidentielle dans plusieurs villes et régions d’Algérie. Parmi ceux qui s’opposent à la présidentielle figurent les élus du RCD –Rassemblement pour la culture et la démocratie-, parti bien implanté au niveau de la Kabylie, une région très fortement mobilisée contre le système.

Cette situation devrait pousser Gaïd Salah, le véritable homme fort du régime, à revoir ses cartes. C’est dans ce contexte qu’une énième intervention du général est annoncée pour le mardi 16 avril.

Va-t-il enfin se départir de son engagement à «respecter la constitution» et répondre à la volonté du peuple? C’est la question que tout le monde se pose. Une chose est sûre: le général lui aussi n’a pas beaucoup de marge de manoeuvre. Soit il poursuit sa logique et va vers des élections qui seront boycottées par les Algériens, avec un risque de durcissement des manifestations comme le laissent entrevoir les heurts entre policiers et manifestants de vendredi dernier. Soit il finit par se ranger du côté du peuple et dégage tout le système politique en place en espérant être épargné par la vague de contestation qui commence à le cibler.

Pour calmer la rue algérienne, il sera obligé d’arrêter tout le processus de transition et préparer une nouvelle feuille de route qui prendra en compte les exigences de ceux qui ont fait partir l’ex-président, Abdelaziz Bouteflika. Les manifestations des deux derniers vendredi, plus importantes que celles enregistrées lors que Bouteflika était au pouvoir, montrent, si besoin en est, que le peuple algérien ne compte pas se faire voler sa révolution par une transition menée par des hommes du sérail. 

Gaïd Salah va-t-il alors pousser les «3B» -Bensalah, Belaiz et Bédoui- vers la porte de sortie et offrir au peuple une transition menée par des hommes intègres et indépendants.

En tout cas, les Algériens attendent de lui qu’il lève toute ambiguïté de la part de l’institution militaire par rapport à la transition démocratique souhaitée par le peuple. C'est pourquoi ils placent beaucoup d'espoir sur son discours du mardi 16 avril à Ouargla. 

De toutes les manières, il n’a pas le choix. Les difficultés des ministres du gouvernement Bédoui à remplir convenablement leurs tâches montrent bien que la présidentielle sera difficile à organiser dans les conditions actuelles.

Les dernières sorties ratées sur le terrain des ministres du gouvernement, dont le Premier ministre Noureddine Bédoui, sont là pour montrer qu'il sera difficile aux candidats à la présidentielle de battre campagne dans des conditions actuelles. A moins qu’il persiste dans sa logique du 10 avril, où il a souligné que les revendications des manifestants sont irréalisables, tout en accusant la main étrangère.

Dans tous les cas de figure, il sera difficile de tenir des élections le 4 juillet prochain. D’ailleurs, un seul candidat s’est vraiment déclaré jusqu’à présent. Les autres préférant attendre pour ne pas griller leur capital de sympathie auprès des manifestants qui n’ont qu’un seul mot d’ordre, que le système «dégage». C’est dire que celle-ci est plus qu’hypothéquée.

Par Karim Zeidane
Le 15/04/2019 à 17h17, mis à jour le 15/04/2019 à 17h20