Algérie: Salima Ghazali tire à boulets rouges sur Gaïd Salah

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Le 30/05/2019 à 15h16, mis à jour le 30/05/2019 à 15h18

Salima Ghazali vient de publier une lettre ouverte adressée, dans sa forme à Abdelkader Bensalah, mais elle interpelle tellement de fois Gaïd Salah et l'armée que, dans le fond, son destinataire final ne laisse aucun doute. Elle invite ainsi le général de corps d'armée à ne pas flouer le peuple.

Habituée des sorties au vitriol contre le régime, la députée kabyle Salima Ghazali a adressé une lettre ouverte à Abdelkader Bensalah, "en tant que représentant de l'institution présidentielle, comme prévu par la loi dans cette conjoncture particulière".

Mais dans le fond de son propos, il s'agit là surtout d'une lettre adressée à Ahmed Gaïd Salah, qui incarne la réalité de la fonction en lieu et place de Abdelkader Bensalah.

Salima Ghazali invite ainsi le chef d'état-major de l'armée algérienne à laisser le peuple poursuivre sa révolution jusqu'au bout.

Dans ce courrier, publié sur le site Tout sur l'Algérie, la députée kabyle conclut que "le peuple a fait tomber le mur de la peur, c’est à lui que doit revenir, par les urnes, le droit de construire les citadelles de l’Etat de Droit".

Mais pour en arriver à cette ultime déduction, elle commence par réfuter une affirmation formulée par Ahmed Gaïd Salah, selon lequel la classe politique a refusé de formuler des solutions pour sortir le pays de l'impasse dans laquelle il s'est engouffré. 

"Il n’est pas juste de dire qu’il n’y a pas eu de proposition politique de sortie de crise qui respecte le cadre constitutionnel", dénonce Salima Ghazali.

Sauf que, quand les citoyens ont tenté de faire avancer la démocratie algérienne, "la dictature a toujours traité par le déni, la répression ou le mépris" leurs propositions, estime-t-elle. 

Coencernant les rapports entre les acteurs politiques et l'armée, son avis est tranché.

"S’il ne fait aucun doute que l’ensemble du pays doit se féliciter que l’ANP ait mis à profit ces dernières années pour se renforcer en formation, structuration et potentialités, aucun militant sincère ne peut, a contrario, accepter que soit mise à profit l’extrême débilisation de la scène publique induite par les «années Bouteflika» et par l’action de la police politique pour imposer une inféodation du politique au militaire", affirme la députée du Front des forces socialistes (FFS). 

Dans le même temps, Salima Ghazali ne se laisse pas tromper par les décisions du vice-ministre de la Défense.

"Il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte que les mesures prises jusqu’ici, avec l’arrestation des ailes «financières» et « politico-policières et de renseignement» du clan dominant, l’ont été dans une logique de «containment d’urgence» pour réduire l’intensité des actions nuisibles du «Gang» que dénonce avec force le peuple à travers le Hirak", écrit-elle dans sa lettre ouverte. 

Et d'ajouter: "il reste encore les ailes bureaucratiques, médiatiques et politiques, du «Gang» et les autres coteries criminelles, dont la neutralisation exige la collaboration de toutes les forces saines du pays".

Sauf qu'Ahmed Gaïd Salah n'a jamais eu l'intention de trouver de réelles solutions, d'où ses propositions aussi nombreuses qu'inutiles pour sortir de la crise.

"C'est l’une des nombreuses techniques d’empêchement du politique utilisées par les dictatures que de saturer l’espace public de propositions, aussi farfelues que les candidatures grotesques, qui ont dénaturé jusqu’au sérieux des institutions", dit-elle. L'allusion au nouvel homme fort d'Alger est clair. Ce dernier fait tout pour désinstitutionnaliser le politique, autre "pratique favorite des tenants de l'inégalité devant les lois, non écrites, mais bien ancrées dans les moeurs du régime". 

Enfin, la députée kabyle invite Gaïd Salah, apostrophé à maintes reprises dans cette lettre officiellement adressée au président de la république Abdelkader Bensalah, à rendre publiques les "informations" qu'il détient sur le "Gang" de Saïd Bouteflika afin d'assainir la scène politique dévoyée de ses missions par "des majorités factices".

En réalité, Salima Ghazali a, en fait, peur qu'en gardant de telles informations cachées dans des tiroirs, le général de corps d'armée "n'utilise ce personnel sans scrupules ni principes, habitué à «changer de crèmerie», pour être toujours au service des donneurs d’ordre".

La technique utilisée, pour habile qu'elle soit, laisse une question en suspens: le message de cette lettre ouverte est-il passé auprès de son réel destinataire?

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 30/05/2019 à 15h16, mis à jour le 30/05/2019 à 15h18