Voici pourquoi l'Union européenne fait l'impasse sur la question algérienne

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Le 09/12/2019 à 15h28, mis à jour le 09/12/2019 à 15h29

Revue de presseLes minitres européens des Affaires étrangères ont décidé d'ignorer l'élection présidentielle en Algérie en parlant, dans leur réunion de ce lundi 9 décembre, plutôt d'autres pays plus ou moins lointains. L'Espagne serait la première à bloquer la machine de Bruxelles concernant le voisin algérien.

"Comme si de rien n’était", écrit le quotidien espagnol El Pais, "les ministres des Affaires étrangères de l'UE, qui se réunissent pour la première fois ce lundi sous la présidence de Josep Borrell en tant que haut représentant (de l’Union européenne: ndlr) pour les Affaires étrangères, n’ont pas prévu de se prononcer sur les élections qui se tiennent en Algérie".

Toujours selon le média ibérique, ce conseil des ministres préfère se pencher sur le cas libyen, les manifestations en Iran ou la situation en Bolivie. Mais, rien sur l’Algérie, "malgré des protestations massives contre d'élections à la légitimité douteuse et à propos desquels des organismes indépendants, comme l'International Crisis Group, mettent en garde contre la détérioration de la situation au Maghreb voisin".

Selon des sources communautaires citées par El Pais, ce silence assourdissant est lié à la "volonté de ne pas s'immiscer dans une situation très délicate que toute intervention internationale pourrait aggraver".

Mais, en réalité, ce silence s’explique par le veto des trois pays européens, géographiquement les proches de l’Algérie, que sont la France, l’Espagne et l’Italie qui défendent ainsi leurs "intérêts", selon des "sources diplomatiques".

Parmi ls trois, c’est l’Espagne qui traîne le plus des pieds et qui bloque Bruxelles, toujours selon les sources d’El Pais. C’est d’ailleurs, le seul pays à avoir publiquement apporté son soutien pour l’organisation de la présidentielle du 12 décembre, dont les "cinq candidats, sont tous d’anciens ministres de Bouteflika".

"L'Espagne a toujours considéré que [la situation en Algérie] relève des affaires intérieures, et le gouvernement espagnol soutient le processus électoral qui se tiendra le 12 décembre", avait déclaré le ministre de l'Intérieur Fernando Grande-Marlaska, après une rencontre avec son homologue algérien le 28 novembre.

L’Espagne, dont les côtes sont à un jet de pierre de l’Algérie, a peur de subir une vague migratoire sans précédent en cas de troubles de l’Algérie. D’où son jeu d’équilibriste. Il y a également la question du djihadisme qui est étroitement lié à la stabilité de l’Algérie.

Au-delà, l’Espagne pense à ses approvisionnements en gaz, dont 50% proviennent de ce voisin bien encombrant, certes, mais dont on ne sait que faire. De plus, de grandes entreprises espagnoles, comme Repsol ou Cepsa, ont des intérêts en Algérie qu’il est crucial de préserver.

La France et l’Italie sont presque tenues par les mêmes contraintes, ce qui les pousse à avoir la même attitude de réserve, en poussant l’exécutif européen à fermer les yeux sur les droits de l’homme.

Pourtant, le Parlement européen a vigoureusement dénoncé les violations systématiques des droits de l’Homme. Même s’il n’a fait aucune référence concernant la "crédibilité de la présidentielle".

Evidemment, la prudence européenne n’a pas que du mauvais, bien au contraire: "même l'un des personnages les plus charismatiques du mouvement de protestation, l'avocat des droits de l'homme Mustafa Bouchachi, a exprimé des doutes sur l’impact que pourrait avoir une intervention étrangère".

"Au contraire. Dans de nombreux pays de la région, l'intervention étrangère a provoqué l'échec des révolutions", a déclaré Bouchachi. Evidemment, si les pays étrangers ont les yeux braqués sur l’Algérie, c’est bien la faute du régime, avant tout.

Car, estime Bouchachi, "lorsque les droits de l'homme sont violés, les pays étrangers doivent parler". Ce n'est pas le cas de l'exécutif de l’UE qui, pour le moment, est silencieux.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 09/12/2019 à 15h28, mis à jour le 09/12/2019 à 15h29