Algérie: Abdelmadjid Tebboune sort de vieilles recettes pour redresser l'économie

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Le 08/01/2020 à 12h21, mis à jour le 09/01/2020 à 13h50

Le président algérien doit répondre au plus vite aux attentes de ses compatriotes, notamment sur le plan économique. A l'issue de son premier conseil des ministres, il a dit tout ce qu'il veut faire, en oubliant de préciser comment il compte s'y prendre.

Lors de la cérémonie d'investiture du jeudi 19 décembre, Abdelmadjid Tebboune avait donné un avant-goût de son futur programme économique. Ce premier conseil des ministres du tout nouveau président algérien apporte plus de précisions.

Chez Tebboune, le maître-mot demeure la prudence. Cependant, il est tellement prudent que les Algériens auront une vague impression de "déjà vu", constate le site d'information Tout sur l'Algérie.

Ce qu'il vient d'énoncer ne présente aucune originalité, sans doute parce qu'en Algérie, on sait depuis toujours ce qu'il faut corriger, mais aucun gouvernement n'est jamais parvenu à implémenter la bonne formule. Faute de compétence? Ou entêtement à conserver un modèle d'Etat-providence incompatible avec une économie moderne? Sans doute les deux à la fois.

Dans le détail, Abdelmadjid Tebboune veut "diversifier l'économie" et "l'affranchir de la bureaucratie", "réduire le chômage", "'garantir l'autosuffisance alimentaire", investir "dans les énergies alternatives et renouvelables", "'relancer le tourisme". Autant de choses qu'au fil des années, les Algériens ont maintes fois entendues.

Comment devra-t-il s'y prendre pour diversifier une économie qui ne dépend que du pétrole? Jusqu'à 70% du produit intérieur brut et plus de 92% des exportations proviennent du secteur des hydrocarbures. L'Algérie continue d'importer l'essentiel de ses produits alimentaires.

L'année dernière, la Sonatrach a même eu l'intelligence d'acheter une raffinerie en Italie pour 700 millions de dollars, afin d'y produire des dérivés à partir du pétrole algérien, qui seront ensuite réimportés afin de réduire le déficit. Sauf que cette acquisition privait l'Algérie des emplois liés à une installation locale, tout en enrichissant l'Etat italien à cause des impôts et taxes à payer, et présentait plusieurs surcoûts liés au transport et à la vétusté des installations. En effet, cette raffinerie date pratiquement de la seconde guerre mondiale et son ex-propriétaire n'y avait rien investi durant les dix dernières années de détention.

Ce sont de tels choix qui réduisent à néant les bonnes intentions des gouvernements algériens. Les exemples sont malheureusement légion.

Ainsi, dans sa volonté de diversifier l'économie, l'Algérie a trouvé l'idée lumineuse de copier le Maroc et la Tunisie dans leur politique de mise en place d'une industrie automobile. Sauf qu'elle a voulu sauter des étapes qui ont condamné sa stratégie à l'échec. Un gâchis si l'on sait que le pays avec plus de 400.000 unités de véhicules neufs écoulés était en 2016 le deuxième marché automobile africain, derrière l'Afrique du Sud. L'Algérie s'est ainsi lancée dans le CKD et le SKD sans trop penser au taux d'intégration qui aurait dû profiter à l'industrie locale. Au passage, des oligarques ont bénéficié de largesses en tous genres de l'Etat algérien en termes de financement et d'avantages fiscaux. Résultat: la stratégie a fait pschitt et les oligarques sont actuellement tous en prison.

En revanche, ses deux voisins avaient commencé par le bon bout, en se positionnant d'abord dans la sous-traitance automobile, attirant dès le début des années 2000 de grands fournisseurs de l'industrie. Actuellement ce sont des entreprises à capitaux marocains, comme Afrique Câbles, Dolidol, Synfa, Tuyauto, Induver, etc., qui se positionnent comme sous-traitants de Renault Tanger Med. Ils n'auront aucun mal à le faire pour Peugeot dont l'activité, qui vient de démarrer, ambitionne de fabriquer ses modèles avec au moins 50% de valeur ajoutée locale.

En 2018, les exportations du secteur automobile marocain avaient atteint quelque 62,5 milliards de dirhams. En y intégrant les activités annexes, le chiffre atteint 70 milliards de dirhams. Le Maroc a produit 402.000 véhicules automobile en 2018, et ce chiffre devrait faire un bond significatif dès cette année, avec l'entrée en production de l'usine de Peugeot à Kénitra.

Quoi qu'il en soit, les autorités algériennes n'ont jamais réellement réussi à faire autre chose que les hydrocarbures bruts, sans aucune valeur ajoutée locale. Les bonnes intentions sur le tourisme, les énergies alternatives et renouvelables, la production agricole…, se sont toujours révélées vaines.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 08/01/2020 à 12h21, mis à jour le 09/01/2020 à 13h50