Algérie: acculé, Tebboune gracie des militants emblématiques du Hirak

Un protestataire tenant un panneau réclamant la libération de Karim Tabbou lors d'une manifestation à Alger, en 2019 (Afp).

Un protestataire tenant un panneau réclamant la libération de Karim Tabbou lors d'une manifestation à Alger, en 2019 (Afp).. Afp

Le 02/07/2020 à 12h37, mis à jour le 03/07/2020 à 13h39

Le président Abdelmadjid Tebboune a accordé sa grâce à un certain nombre de détenus du mouvement de contestation populaire algérien. Une décision qui sonne comme un aveu d’échec de la politique de répression en vigueur depuis plusieurs semaines et qui a fini par nourrir une reprise du Hirak.

Le président Abdelmadjid Tebboune a décrété jeudi 2 juillet une grâce présidentielle au profit de nombreux détenus du Hirak. Parmi les bénéficiaires de cette décision figurent, entre autres, Allal Chérif Nasserdine, Malik Riahi, Daoud Ben Amrane Djilali, Djeloul Cheddad, Hocine Khadher et Lyes Behlat. Il s’agit de détenus du mouvement populaire interpelés et condamnés suite à leur participation aux manifestations populaires.

Outre les noms cités, la grâce devrait également bénéficier à l’un des dirigeants emblématiques du Hirak, Karim Tabbou, même si son nom ne figure pas sur la liste des détenus ayant bénéficié de la grâce présidentielle. En tout cas, son avocat a déclaré aux médias algériens que la demande de remise en liberté du militant avait été accordée ce jeudi par la chambre d’accusation près la Cour d’Alger. Pour rappel, Tabbou a été condamné à 12 mois de prison, dont 6 mois avec sursis, le 11 mars dernier avant que cette peine ne soit portée à une année de prison ferme le 24 mars.

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On annonce aussi les libérations d’Amira Bouraoui, Fodil Boumala et Samir Benlarbi. La Cour d’Alger va se prononcer sur ces cas ce jeudi 2 juillet.

Cette grâce présidentielle illustre l’échec de la répression initiée par le gouvernement du président Abdelmadjid Tebboune qui a voulu profiter de la pandémie du coronavirus pour régler ses comptes avec les dirigeants du mouvement de manifestation populaire algérien en jetant en prison toutes les figures emblématiques de la contestation.

L’objectif était de casser le mouvement et de tuer par la même occasion toute velléité de reprise du Hirak après le déconfinement.

Seulement, ces arrestations ont produit l’effet contraire. Certains dirigeants du Hirak étant à l’origine de l’appel à la suspension des manifestations populaires du mardi (étudiants) et du vendredi (toute la population) à cause de la pandémie du coronavirus, leur incarcération a poussé certains membres du mouvement populaire de contestation à demander la reprise du Hirak pour exiger leur libération.

C’est ainsi que des manifestations ont été organisées dans certaines régions, en dépit du confinement, notamment à Tizi-Ouzou et Béjaïa. Des manifestations qui ont tourné parfois à des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.

C’est donc conscient de l’échec de cette politique de répression et de l’image qu’elle suscite à l’international que le président Tebboune change son fusil d’épaule. Ainsi, l’affaire KarimTabbou a été portée auprès de l’ONU par le biais du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme et les rapporteurs de l’office des Nations unies avaient adressé un questionnaire aux autorités algériennes leur demandant de s’expliquer sur «des allégations de l’arrestation, de détention arbitraire et de la condamnation de M. Karim Tabbou». Une situation qui a terni un peu plus l’image de l’Algérie à l’international.

Ainsi, en décidant de libérer les détenus du Hirak, le président Tebboune essaie d’atténuer les critiques aussi bien au niveau national qu’à l’international.

Par Karim Zeidane
Le 02/07/2020 à 12h37, mis à jour le 03/07/2020 à 13h39