Une journaliste française, Veronique Jacquier, a fait une déclaration sur la période précoloniale en utilisant des propos qui ont fait sortir les médias algériens de leurs gonds. Dans ce contexte où l'Algérie demande des excuses à la France pour ce qui s'est passé au moment de la colonisation, il n'est jamais bon pour la presse du régime de rappeler que la repentance doit être dans les deux sens.
Ainsi, le Courrier d'Algérie barre sa Une d'un titre qui témoigne de son ressenti vis-à-vis du commentaire de cette journaliste sur la chaîne CNews. "Les aboiements de Véronique Jacquier", titre le média en la qualifiant de "peudo-journaliste" qui "glorifie la France coloniale et insulte l'Algérie et son histoire".
Toujours selon ce journal, Jacquier se fait le porte-voix de l'extrême droite française et sa déclaration "charrie à la fois mensonges, insultes, racisme, islamophobie et contre-vérités sur les 132 ans de colonisation française en Algérie".
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On note la même levée de boucliers dans la presse proche de l'appareil militaire. "Fini cette France des lumières, de la pensée, de l’universel, de la grande presse qui connut des moments plus glorieux avant de tomber entre les mains de scribouillards et autres braillards dont la principale préoccupation est moins de s’astreindre à la rigueur journalistique que de verser dans la recherche du buzz", écrit par exemple un site connu pour son chauvinisme.
Il faut dire que Véronique Jacquier, qui intervenait sur la chaîne CNews, n'y est pas allée de main morte, même si dans le fond elle tient des propos pas très éloignés de ceux déjà exprimés par beaucoup d'autres analystes.
Commentant les propos tenus par Emmanuel Macron lors de la précampagne électorale en février 2017, qualifiant alors la colonisation de "crime contre l'Humanité", elle dit qu'il "faut quand même rappeler pourquoi la France a colonisé l'Algérie en 1830. C'était pour mettre fin à la piraterie barbaresque et à l'esclavage en Méditerranée (contre les populations européennes, Ndlr). L'esclavage pratiqué à l'époque par les Musulmans".
Mais ce qui a le plus fâché les Algériens, c'est la petite phrase qui allait suivre. "A l'époque, l'Algérie c'était rien!", ajoute-t-elle en martelant ses propos.
Selon elle, "la France a construit des ponts, des routes, des hôpitaux... Emmanuel Macron, il faudrait peut-être qu'il tienne ce discours, au lieu d'être dans l'autoflagellation".
C'est alors qu'elle a également invité les Algériens à faire une introspection et à regarder en face également l'histoire, un autre propos de trop, estiment les médias de l'ancienne colonie. Surtout que Véronique Jacquier ne s'arrête pas en si bon chemin et affirme que "la France aussi est droit de demander des excuses pour le massacre d'Oran et pour le massacre de tous les Harkis, et le massacre de tous les Français pendant cette période".
Si les propos sont manifestement teintés de racisme, il est clair que, aussi bien la presse algérienne que Véronique Jacquier, enfoncent des portes déjà ouverte.
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En effet, le président Abdelmadjid Tebboune a été le premier à dire, en utilisant des propos différents, que l'Algérie n'a réellement existé qu'à partir de 1962, c'est-à-dire qu'avec l'indépendance. Justement, parce qu'elle a souffert de cette histoire, elle comptait conserver jalousement son indépendance.
A propos de l'Algérie, il a dit dans une interview accordée le lundi 13 juillet au quotidien L'Opinion: " Les Romains y sont restés des siècles. Les Espagnols sont ensuite venus, puis les Turcs au nom du califat, et enfin des Français. Nous sommes aujourd’hui libres et entendons le rester. L’Algérie ne se laissera plus caporaliser par quiconque".
A propos de l'esclavage, évidemment Véronique Jaquier semble oublier qu'en 1830, si quelques corsaires d'Afrique du Nord continuaient effectivement à chercher des esclaves parmi les populations européennes, le commerce triangulaire battait encore son plein. En effet, la première abolition de l'esclavage après la révolution française de 1794 n'était que de la poudre aux yeux. Il a fallu attendre plus exactement 1848 pour assister à une deuxième abolition qui, elle, sera réellement mise en oeuvre, soit 54 ans plus tard.
Il serait donc paradoxal à un Etat encore esclavagiste d'aller en coloniser un autre pour mettre fin à une pratique qu'il défendait encore et qu'il défendra 18 longues années, après avoir colonisé l'Algérie.
Concernant aussi la reconnaissance par l'Algérie de ce que lui reproche la France, il y a lieu de constater que comme toutes les colonies qui se sont libérées de manière violente, il y aura toujours de la poussière soigneusement cachée sous le tapis. C'est d'ailleurs pourquoi la commission qui sera mise en place par Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sera composée de deux historiens issus respectivement des deux pays. Cela permettra peut-être à l'extrême droite française de se calmer et évitera à la presse algérienne de montrer son irritation au moindre retour sur des faits historiques.