C’est en catimini que le général-major à la retraite Khaled Nezzar est revenu en Algérie. Et ce n’est que plusieurs jours après un retour savamment négocié avec l’oligarchie militaire -le président Abdelmadjid Tebboune étant absent du pays depuis bientôt 2 mois et déconnecté de la réalité du pays- que la presse algérienne a été mise au parfum.
Ce retour n’a cessé depuis de soulever moult questions, sachant que l’ancien puissant ministre de la Défense était sous le coup d’une condamnation à 20 ans de prison par contumace à la suite d’un procès expéditif et à l'issue duquel Saïd Bouteflika et les généraux Bachir et Toufik ont été condamnés chacun à des peines de 15 ans de prison ferme.
Pour Karim Tabbou, l’un des dirigeants emblématiques du mouvement populaire algérien qui lutte pour un changement radial du système politico-militaire qui dirige l’Algérie depuis l’indépendance, «s’il y a bien eu un mandat d’arrêt, la logique voudrait qu’il [Khaled Nezzar] ait été arrêté sitôt posé le pied sur le territoire national».
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Toutefois, ce ne fut pas le cas. Ce faisant, ce retour rocambolesque de Khaled Nezzar à une seule et unique explication, a souligné Karim Tabbou, lors de son passage à l’émission «Offshore» de Radio M. Pour lui, le retour de Khaled Nezzar entre dans le cadre d’un processus de «réconciliation des clans du pouvoir contre le hirak».
Une explication qui tient bien la route quand on sait que la chambre criminelle près de la Cour suprême algérienne a annulé le 20 novembre dernier le jugement à l’encontre de Saïd Bouteflika et des généraux Tartag et Toufik. Un fait extrêmement rare en Algérie et qui suscite beaucoup de questions.
Suite à cette décision, les prévenus, dont Khaled Nezzar, devraient être rejugés au début de l’année prochaine par le tribunal militaire de Blida, mais avec une nouvelle composante. Toutefois, le retour de l’ancien ministre de la Défense prouve que ce nouveau jugement n’a plus sa raison d’être.
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Autre élément abondant dans le sens de l’argument avancé par Karim Tabbou: l’ancien chef des services de renseignements algériens (ex-DRS) de 1989 à 2015, Mohamed Mediene dit Toufik, n’est plus en prison depuis plusieurs semaines, d’après l’un de ses avocats. Il serait depuis 3 mois en «convalescence» dans une clinique militaire.
En clair, le régime algérien, aux abois après ses débâcles diplomatiques suite à la sécurisation du passage frontalier entre le Maroc et la Mauritanie à El Guerguerat et la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Etats-Unis d'Amérique, tente de remettre en selle les anciens caciques pour combler les lacunes des hommes qui sont actuellement au pouvoir.
Avec un président absent du pays depuis presque deux mois et un chef d’Etat-major des armées aussi malade et effacé, les anciens caciques, aux réseaux encore solides, sont appelés à la rescousse dans le cadre d’une réconciliation qui devrait concerne certains civils de l’ancien régime, emprisonnés du temps de l’ancien homme fort du pays, feu Ahmed Gaïd Salah, ancien chef d’Etat-major et vice-ministre de la Défense sous le règne d’Abdelaziz Bouteflika.
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Cette réconciliation des clans est d’autant plus nécessaire que le régime, fragilisé par la maladie du président Tebboune, doit se préparer à faire face à la contestation qui ne tardera pas à reprendre, une fois la pandémie du Covid-19 dépassée. Le mouvement populaire, mis en veilleuse pour des raisons sanitaires, ne compte pas abandonner sa revendication principale, à savoir la fin du système politico-militaire. Une situation que craignent aussi bien les dirigeants civils actuellement au pouvoir que les militaires qui souhaitent conserver leurs acquis et avantages.
Après tout, revenant sur la condamnation de l’ancien ministre de la Défense, le dirigeant hirakiste, plusieurs fois emprisonné, explique que «la situation de Nezzar, comme celle d’autres affaires liées aux personnes influentes au sein du système, ne relève pas du droit, mais de la politique et du fonctionnement obscur des institutions de l’Etat».
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Et pour preuve, avance-t-il, «la manière dont les procédures ont été engagées et par qui elles l’ont été, montre qu’il y a de l’obscurité plaçant l’Algérie dans une logique de lutte des clans et de règlements de comptes entre les différentes factions du pouvoir».
Pour rappel, l’ancien ministre de la Défense est rentré en Algérie le 11 décembre après un exil en Espagne. Impliqué dans le «complot» ayant eu pour but de porter atteinte à l’autorité militaire et à l’autorité de l’Etat, il a fait l'objet d'un mandat d’arrêt lancé contre lui par le tribunal militaire d’Annaba le 6 août dernier.