Algérie: la tension sociale à son paroxysme avec des brasiers allumés partout

Manifestations de supporters de JSK.

Manifestations de supporters de JSK.. DR

Le 02/02/2021 à 12h29, mis à jour le 02/02/2021 à 12h42

De plus en plus de foyers de tensions sociales naissent en Algérie à mesure que s'aggrave la crise économique et financière. Il est d'autant difficile pour le pays d'Afrique du Nord d'éviter le chaos, à l'approche du deuxième anniversaire du mouvement de contestation qui a renversé Bouteflika.

D'abord, à Laghouat, samedi 30 janvier, des milliers de manifestants ont occupé la place principale de la ville pour réclamer des logements, du travail et de meilleures conditions de vie. Puis, comme s'ils s'étaient donné le mot, c'est Jijel à l'extrême nord-est du pays, qui a pris le relais. Durant deux nuits de suite, samedi 30 et dimache 31, les habitants sont sortis brandissant les mêmes revendications et scandant des slogans identiques qu'à Laghouat, notamment celui qui risque d'être un hymne de la contestation "Ya Tebboune arwah tedi ton million".

Ensuite, hier, 1er février, ce que redoutaient tant les autorités en ce mois de février, arriva, dans la ville qu'il appréhendait le plus, à savoir Alger. Des centaines de jeunes présentés comme des supporters du clud de football, le MC Alger, se sont attaqués à ce qui est le principal symbole tant de la rente financière des hydrocarcurbes que de sa mauvaise utilisation, le siège principal de la Sonatrach. C'est un dangereux précédent qui montre un niveau d'exaspération jamais atteint en Algérie, à cause notamment des difficults financières que traverse le pays.

Et puis enfin, il y a cette épidémie de blocage continue des axes routiers pour cause de mécontentement. "Le phénomène de des coupures des routes s’est accentué depuis le début de l’année en cours à Béjaïa", écrit le site d'information Jeune Indépendant. La même source note que "ces actions de protestation continuent de pénaliser lourdement les usagers et l’économie de la région qui a déjà pris un coup dur déjà depuis le début de la pandémie du coronavirus. Des automobilistes, voyageurs et transporteurs de marchandises sont souvent pris au piège".

Ici, ce sont des transporteurs privés de voyageurs de la ville de Sidi Ayad qui protestaient contre des aires de stationnement qu'on leur a attribuées. Mais, à Toudja, des citoyens ont bloqué le siège de l’APC pour réclamer «l’annulation» de la liste des 112 bénéficiaires des logements sociaux affichée le 06 janvier dernier. Ils réclament également «la reprise de fond en comble des enquêtes sociales sur les bénéficiaires estimant que celles-ci avaient été faites depuis plusieurs années et la liste avait été établie il y a trois années», note la même source.

Le problème, c'est qu'il y a toujours une raison pour sortir manifester pacifiquement ou bloquer une route ou brûler le siège d'un des symboles du pouvoir...

Pourtant, tout ceci était prévisibe, si l'on en croit les sorties répétées de représentant de salariés ou d'autres responsables de la société civile. Pas plus tard que ce matin du 2 février, Boualem Amoura, le secrétaire général du Syndicat algérien des travailleurs de l’éducation et de la formation (SATEF), s'exprimant dans une interview accordé au quotidien Liberté, a mis en garde les autorités contre une explosion sociale imminente.

Selon lui, le pays est caractérisé par une “absence criante de justice sociale” et “une mal-répartition des richesses”, alors que “les couches moyennes ont disparu et l’Algérien s’appauvrit davantage”. Il trouve inconcevable "qu’en 2021, le travailleur algérien continue à percevoir, pour certains, un salaire de 18.000 dinars (112 euros)", alors que c'est le quintuple, soit "80.000 dinars", qui aurait été nécessaire pour avoir un niveau de vie décent.

Enfin, “Il nous faudra, ensuite, aller vers une répartition équitable des richesses du pays et la supprimer la ségrégation salariale en Algérie”, a-t-il exigé.

C'est à quelque chose près, le discours qu'a tenu, mardi 26 jnavier dernier, Salim Labatcha, le secrétaire général du plus grand syndicat du pays, l'Union général des travailleurs d'Algérie (UGTA), pourtant fervent soutien de la politique gouvernementale. Selon lui, également, il faut un salaire de 75.000 dinars pour que les travailleurs algériens puissent boucler les fins de mois.

Le problème, c'est que le Smig algérien qui n'est que de 18.000 dinars, soit 112 dollars, est largement inférieur à ce que les travailleurs estiment unanimement être le minimum vital et qui est entre 75.000 et 80.000 dollars. Même le salaire d'un ingénieur débutant dans la fonction publique, qui n'est que de 36.000 dinars, ne lui permet plus de vivre décemment.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 02/02/2021 à 12h29, mis à jour le 02/02/2021 à 12h42