Algérie: les "faux barrages de la décennie rouge" ressuscités avec la crise économique

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Le 12/02/2021 à 14h52, mis à jour le 12/02/2021 à 15h51

En Algérie, le phénomène des barrages de route s'intensifie et devient l'une des principales formes de contestation, dans un contexte de crise économique et financière sans précédent. C'est devenu fréquent à un tel point que certains n'hésitent plus à le comparer à la décennie rouge.

Si pendant les années 1990, ces fameux barrages avaient causé la mort de dizaines, voire de centaines de victimes, cette fois, ce sont les conséquences économiques et sanitaires qui inquiètent. Le constat est fait par un citoyen algérien qui fait la navette quotidiennement entre son domicile de Béjaïa et l'entreprise où il travaille à Akbou.

"Chaque jour, des milliers de citoyens se retrouvent piégés et immobilisés, cherchant désespérément une hypothétique voie de contournement à travers des pistes défoncées ou d’improbables routes de campagne ou de montagne", déplore le quotidien El Watan.

Comme des milliers de ses concitoyens qui sont obligés de se déplacer, les dernières informations sur le blocage des routes, l'intéressent davantage que la météo. C'est crucial pour lui de "trouver un itinéraire de rechange".

La conclusion qu'en tire le qotidien algérien est simple: les barrages de routes "menacent gravement l’économie locale et la stabilité sociale".

Cependant, la question qui se pose est de savoir si les Algériens qui s'adonnent si fréquemment à cette pratique ont le choix ou pas. "Il semble, désormais, que les comités des villages et diverses catégories sociales et professionnelles ont décidé de faire de ce fâcheux procédé l’ultime moyen de faire parvenir leurs problèmes et leurs doléances jusqu’aux oreilles des responsables", répond El Watan.

Et d'ajouter: "Tous les problèmes de base et les retards liés au développement local, comme l’eau, le logement, le transport, la santé, les routes ou le gaz de ville, pour ne citer que ceux-là, qui dévalent des montagnes finissent immanquablement par couper la route dans la vallée".

Le problème est que malheureusement, ce ne sont pas les raisons de barrer les routes qui manquent à Béjaïa, région ayant un important "retard de développement". Par conséquent, "l’enfer que vivent les automobilistes de la région de Béjaïa n’est pas près de prendre fin", conlut le journal, sans oublier de faire le paralèlle avec les lenteurs constatées dans une infrastructure emblématique de la région. En effet, l'autoroute censée désenclaver le chef-lieu de la wilaya n'avance qu'au rythme de 8,8 kilomètres par an.

En tout cas, pour le moment, le régime fait tout pour éviter que la situation ne s'envenime pas, surtout en ce mois de février qui promet d'être très chaud, à cause du premier anniversaire du Hirak.

"Un ancien journaliste, qui a longtemps travaillé sur la question de fermeture des routes et qui a recueilli l’avis des anciens walis en off, soutient que tous refusent de faire intervenir la gendarmerie pour libérer les axes routiers par crainte d’une escalade de la violence", écrit El Watan.

Quoi qu'il en soit, de telles situations vont encore se poser, en raison d'une demande sociale beaucoup trop forte et à laquelle il est impossible de répondre en redistribuant de maigres parts de la rente pétrolière, comme ce fut le cas au début des années 2010, à l'occasion du printemps arabe. En ce moment, les cours du pétrole étaient à leur plus haut niveau et donc l'Etat algérien pourvait dépenser sans compter. Mais, depuis, avec des déficits budgétaires record, il est impossible d'augmenter les salaires ou encore de promettre des emplois.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 12/02/2021 à 14h52, mis à jour le 12/02/2021 à 15h51