Vidéo. Algérie: le ramadan débute sur une nouvelle bousculade pour de l'huile, les pénuries et l'inflation

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Le 13/04/2021 à 16h34, mis à jour le 13/04/2021 à 17h03

VidéoC’est un mois de ramadan difficile qui débute pour les familles algériennes pour lesquelles files d’attentes et bousculades sont devenues leur lot quotidien. En plus des pénuries qui touchent de nombreux produits, les prix flambent dégradant leur pouvoir d’achat face à un pouvoir spectateur.

Les Algériens ont débuté, ce mardi 13 avril 2021, le jeûne du mois sacré de ramadan, à l’instar de nombreux pays musulmans. Toutefois, ce mois, synonyme aussi de dépenses en produits alimentaires, démarre dans un contexte particulièrement difficile pour les ménages algériens. Et pour cause, le pays fait face depuis plusieurs semaines à des pénuries de nombreux produits alimentaires auxquelles sont venues se greffer logiquement une flambée des prix des produits de première nécessité.

Malgré les démenties des autorités, les images sur les pénuries de produits alimentaires se multiplient et sont largement partagées sur les réseaux sociaux. Ce début du mois de ramadan est en effet marqué par des files d’attente devant les magasins d’alimentation générale partout en Algérie.

Le produit qui illustre le plus cette situation est actuellement la pénurie d’huile qui provoque d'interminables files d’attente et de nombreuses bousculades lors des distributions dans les centres commerciaux et/ou les lieux de ventes installés par les autorités sous la supervision de la police et de la gendarmerie. Après Sétif en mars, El Milia, dimanche dernier, c'est à Tébessa, dans un supermarché, qu'a eu lieu une bousculade lors d’une vente de bidons d’huile de 5 litres. Résultat: de nombreux blessés, malgré la forte présence des forces de sécurité, en ce 1er jour de ramadan, comme le montre les images largement partagées sur les réseaux sociaux.

Des preuves qui démontrent le mensonge des autorités annonçant une absence totale de pénurie. En effet, outre l’huile, ce début de ramadan est aussi marqué par les pénuries de semoule, du lait, du sucre et de tant d’autres produits aujourd'hui en quantités insuffisantes alors qu’ils sont très demandés durant cette période. Preuves en sont, les interminables files d'attente de citoyens venus tenter de se procurer ces produits devenus rares. De images qui ne sont pas sans rappeler l’ère des dernières années de l’Union soviétique marquées par de forts rationnement de produits.

Dernière en date, les images de longues files d’attente à Bab El Oued, à Alger, où une foule compacte s’est dressée devant un camion de distribution de lait. Et afin que tout un chacun puisse en trouver, la vente a été rationnée.

Outre les pénuries, les ménages doivent faire face à une hausse généralisée des prix des produits alimentaires constatée depuis quelques jours, venant s'ajouter aux augmentations enregistrées au cours des derniers mois. 

A titre d’exemple, les prix des pâtes alimentaires ont augmenté de presque 100% en quatre mois. Et ce premier jour de ramadan, le kilogramme de tomate, ingrédient indispensable pour la soupe très prisée, a atteint 180 dinars, celui de la pomme de terre a atteint 75 dinars, contre 55 dinars il y a quelques jours. Pour les haricots verts, il faut débourser 300 dinars, soit environ 2 euros. Et il faut aller jusqu'à 450 dinars pour un kilo d’olives, selon les données relevées par TSA.

Les prix d’autres produits ont aussi pris l’ascenseur. C’est le cas des viandes. Le kilo du poulet est vendu à 360 dinars, soit 2,25 euros, et le kilo de la viande d’agneau à 1.400 dinars, soit 9 euros. Pour les desserts, il faut disposer de 260 dinars pour un kilo d’orange, 250 dinars pour la banane et 480 dinars pour la pomme.

Quant au poisson, les Algériens préfèrent l'oublier depuis que le kilo de la sardine à atteint 1.000 dinars.

En clair, la situation est compliquée pour les familles qui voient leur pouvoir d’achat s’éroder de manière inquiétante. Le ministre du Commerce, Kamel Rezig, avait pourtant annoncé des soldes durant le ramadan. A la place, c’est une flambée des prix que les Algériens constatent.

Du coup, les familles algériennes ont de plus en plus du mal à joindre les deux bouts. Et la sonnette d’alarme est tirée par de nombreux syndicats, associations, économistes face à la détérioration inquiétante du pouvoir d’achat des ménages algériens. Ainsi, selon le secrétaire général de l’UGTA, il faut un salaire de 75.000 dinars pour qu’un Algérien puisse vivre dignement. Or, le salaire minimum en Algérie est de 25.000 dinars, soit 156,25 euros. Autrement dit, il faut multiplier par 3 le salaire minimum afin qu’une famille algérienne puisse vivre avec dignité. Quant au salaire moyen en Algérie, il ressort à 216,54 euros, 34.646 dinars algériens.

En clair, la situation est intenable pour de nombreuses familles. La réaction d’une femme recueillie par TSA lors de la première journée du ramadan illustre parfaitement la dégradation du pouvoir d’achat des Algériens. "Nous sommes cinq à la maison (…) J’ai dépensé 4.500 dinars juste pour le repas de ce soir, sans le dessert. Impossible d’anticiper sur les autres jours avec ces prix de folie", a-t-elle déploré.

Et pour ne rien arranger, même pour leur maigre salaire, les Algériens doivent encore emprunterune nouvelle file d'attente et subir les bousculades pour espérer récupérer leur dû, à cause d’une autre la pénurie, celle des liquidités et ce, en dépit des assurances des autorités quant à leur disponibilité.

Reste à savoir pourquoi existe-t-il autant de pénuries qui entrainent inéluctablement des hausses des prix? La réponse est à chercher au niveau de la crise financière aiguë que traverse l’Algérie et dont les autorités essaient, tant bien que mal, de cacher l’ampleur. Celle-ci a atteint un niveau inquiétant avec une décrue des réserves en devises du pays qui ont poussé les autorités à surseoir aux importations de nombreux produits dont particulièrement ceux de d’alimentation. Or, avec ses 44 millions d’habitant, l’Algérie produit très peu de produits alimentaires pour nourrir sa population.

En plus, certains produits locaux dépendent des intrants importés. C’est le cas du lait dont une bonne partie est liée aux importations de lait en poudre. Or, en réduisant les importations d'intrants, c’est la chaîne de production locale de sachets de lait qui est bloquée. Le pays n’arrive pas à trouver une solution à la pénurie du lait depuis quelques années, dans le sillage de la politique de réduction de la facture des importations.

Du côté des hausses généralisées des prix, outre l’impact des pénuries entrainant des spéculations, les industriels expliquent les hausses par les effets combinés de la chute de la valeur du dinar sous l’effet de sa "dévaluation déguisée" et l’augmentation des prix des matières premières sur le marché international. Et ils sont obligés de répercuter les effets de ces deux facteurs sur leurs prix de vente afin de ne pas réduire leur marge bénéficiaire. Et du coup, les grossistes et les commerçants sont aussi obligés de réviser à la hausse les prix pour conserver leurs marges bénéficiaires. Et au final, c’est le consommateur qui paie cash la facture de la politique de dépréciation du dinar par le gouvernement pour atténuer son déficit budgétaire.

Une chose est sure, ces pénuries et flambées des prix que connaît l’Algérie depuis quelques mois, et qui touchent particulièrement les couches les plus vulnérables et la classe moyenne, signent l’échec politique du président Abdelmadjid Tebboune qui n’arrive pas à faire oublier aux Algériens l’échec lamentable de son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika et ces deux décennies de pouvoir. Ce n’est pas étonnant. Ils sortent tous du même moule politique qui dirige l’Algérie depuis l’indépendance. 

Par Karim Zeidane
Le 13/04/2021 à 16h34, mis à jour le 13/04/2021 à 17h03