En dépit des effets d'annonce sur la disponibilité en quantité suffisante des différentes denrées alimentaires, les pénuries et les flambées des prix se succèdent à une cadence soutenue en Algérie.
Ainsi, à peine deux mois après la pénurie et la flambée des prix qui a touché la pomme de terre, voici que ce produit de large consommation des couches populaires connaît une nouvelle forte hausse des prix, alors que les autorités avaient rassuré la population sur la disponibilité du produit et surtout sur un prix accessible à toutes les bourses. Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avait lui-même souligné que le prix de la pomme de terre ne devait pas dépasser 60 dinars (0,374 euro).
Ainsi, le prix du kilo de la pomme de terre, qui se situait autour de 50 à 60 dinars algériens (0,312 à 0,374 euros), s’établit actuellement autour de 100 à 120 dinars (0,624 euro à 0,811 euro). Et même dans la région d’Oued Souf, l’une des principales région de culture de ce tubercule en Algérie, le kilo a atteint les 95 dinars (0,593 euro).
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Une histoire que se répète. En effet, il y a moins de deux mois, le pays avait déjà été frappé par une pénurie de la pomme de terre et une inflation inquiétante de son prix. Une situation qui avait alors poussé les autorités à puiser dans le «stock stratégique» de pomme de terre du pays et de l’injecter, en grande quantité, sur le marché afin de juguler la pénurie et faire baisser les prix. Cette mesure avait eu un impact limité poussant le président algérien à ordonner, «à titre urgent et exceptionnel», le recours aux importations pour faire face à la pénurie et à la hausse des prix. Pourtant, à peine une année auparavant, l’Algérie, dont le président annonçait des exploits agricoles inédits avec une production de 25 milliards de dollars, avait fait part de l’exportation des excédents de ce tubercule.
La situation est d’autant plus inquiétante que le prix de la pomme de terre est considéré comme un indicateur clé de la santé de pouvoir d’achat des couches populaires algériennes, surtout dans un contexte de paupérisation de la population à cause de la hausse généralisée des prix de nombreux produits alimentaires face à une stagnation générale des salaires. En effet, la pomme de terre et la semoule restent parmi les principales denrées alimentaires dont les couches populaires ne peuvent se passer, surtout dans le contexte actuel de perte de pouvoir d’achat.
Avec une consommation annuelle moyenne de pomme de terre par habitant de 111 kg en 2018, on comprend aisément l’importance de ce produit dans le panier de la ménagère algérienne. Et la flambée vertigineuse de son prix ne peut qu’impacter négativement le pouvoir d’achat des ménages algériens.
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La situation est d’autant plus corsée pour les familles que ces hausses des prix touchent de nombreux autres produits agricoles cultivés localement, mais certainement en quantité insuffisante. Ainsi, en plus de la pomme de terre, les prix de nombreux légumes sont en hausse. C’est le cas de ceux de la tomate, de la courgette, des haricots verts dont les prix se sont établis à respectivement 150 dinars, 120 dinars et 400 dinars.
De quoi grignoter le pouvoir d’achat des ménages, notamment des plus fragiles. Avec un salaire national minimum garanti (Snmg), en dessous duquel un employeur ne peut rémunérer son employé, fixé à 20.000 dinars par mois (soit 124,80 euros/mois), soit un taux horaire de 115,4 dinars, il est certain que les smicards algériens ne peuvent joindre les deux bouts. De même, ces hausses généralisées des prix soumettent à rude épreuve les classes moyennes et ouvrières qui vivent uniquement de leurs salaires.
Face à cette nouvelle flambée du prix de la pomme de terre, les autorités algériennes crient à nouveau au complot. Et ce sont, à nouveau, les commerçants, accusés de jouer à la spéculation, qui sont pointés du doigt.
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Toutefois, cette énième inflation sur le prix de la pomme de terre était plus que prévisible. En effet, lors de la dernière pénurie, les autorités avaient prélevé sur le stock stratégique qui ne s’est pas reconstitué entre temps entraînant des pénuries et en conséquence, la loi de l’offre et de la demande jouant, une hausse des prix inéluctable. Ensuite, cette augmentation se justifie par l’absence d’une politique de régulation de la production de la pomme de terre qui illustre la mauvaise gouvernance du régime.
En effet, avec une production de 5,02 millions de tonnes métrique en 2019, selon les chiffres des autorités, le pays a de quoi satisfaire la demande annuelle du pays qui est est même devenu, selon la FAO, le premier producteur africain de pomme de terre, surclassant l’Egypte. Si la pomme de terre se trouve en abondance lors des récoltes, elle se raréfie quelques mois plus tard, ce qui provoque des pénuries à cause de l’absence d’une régulation de la chaîne d’approvisionnement et de stockage.
Cette absence de structure de stockage fait perdre aux agriculteurs une grande partie de leur récolte, poussant certains d’entre eux à la faillite et donc à délaisser la culture de ce tubercule. Et ceux qui conservent cette culture sont obligés d’investir dans des structures de stockage ou de les louer à des prix élevés. Ils répercutent alors ces charges sur le consommateur final, entraînant une hausse justifiée des prix.
En outre, la sécheresse cette année a contribué à réduire la production de la pomme de terre au niveau de nombreuses régions, notamment celle d’Oued Souf.
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Par ailleurs, cette inflation s’explique aussi par la politique des autorités qui ont exporté des quantités importantes de pomme de terre alors que la consommation locale n’est pas satisfaite. En février 2021, l’Algérie a exporté 56 tonnes de pommes de terre d’Oued Souf vers la Mauritanie dans le seul but d’effets d’annonce alors que la demande locale est largement supérieure à l'offre.
Ainsi, cette nouvelle flambée des prix des produits alimentaires produits localement illustre l’incapacité des autorités à mettre fin aux pénuries récurrentes et aux hausses des prix qui s’en suivent. Elle montre les limites des mesures de colmatage prises par les autorités dont particulièrement les saisies de produits auprès des grossistes et commerçants taxés de spéculateurs, le durcissement de la loi pour criminaliser les «spéculateurs», les importations d’urgence pour parer aux pénuries…
Une situation qui a poussé Issam Bedrissi, directeur de l’office au niveau de l’Union générale des commerçants et artisans à réagir aux accusations des autorités ciblant, une fois de plus, les commerçants, en soulignant que cette nouvelle hausse des prix de la pomme de terre illustre l’échec de coordination entre les ministères du Commerce et de l’Agriculture en ce qui concerne la régulation du marché, traitant les solutions apportées par les autorités du «bricolage».