Pétrole: le schiste et la triche risquent de plomber les cours et les Etats dépendants

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Le 10/02/2017 à 15h22, mis à jour le 10/02/2017 à 15h24

Malgré les accords de l’OPEP sur la réduction de la production mondiale de pétrole, les cours ne parviennent pas à emprunter un trend haussier. La barre des 60 dollars le baril reste difficile à franchir. Une situation qui ne manque pas d’impacter les économies africaines dépendantes du pétrole.

L’espoir né d’une rapide remontée des cours du pétrole grâce à l’accord d’Alger des membres de l’OPEP, rejoint par certains grands producteurs non membres du cartel, sous la houlette de l’Algérie, très affectée par la chute des cours du baril de pétrole, semble tombé. En effet, les producteurs de pétrole avaient beaucoup misé sur la réduction de l’offre de pétrole pour doper les cours vers le haut. Or, si l’accord a permis de faire remonter les cours du baril au dessus du seuil des 52 dollars depuis début décembre dernier, plus personne ne pense désormais à une nouvelle flambée des cours.

Et pour cause, l’accord ne pouvait pas cerner entièrement les impacts de trois facteurs majeurs affectant l’offre: le pétrole de schiste américain qui est grandement à l’origine de la chute des cours du baril, le comportement de certains pays producteurs ayant signé l’accord, en crise à cause du niveau des cours et qui essayent, tant bien que mal, de tirer profit de la moindre remontée des cours pour améliorer leurs recettes, souvent en ne respectant pas les quotas qu’ils ont pourtant défendus, et, enfin, l’effet des producteurs n’ayant pas signé l’accord et qui profitent de la moindre évolution des cours pour accroître leur production.

Pétrole: l’Algérie ne respecte pas les quotas de l'OPEP

Pour rappel, ces accords se sont traduits par une baisse de la production de l‘ordre de 1,8 million de barils de pétrole par jour durant 6 mois. Ils ont permis de faire remonter un peu les cours du baril qui a atteint son plus haut niveau à 57 dollars. Toutefois, cette perspective haussière a réveillé les producteurs de pétrole de schiste américain dont certaines exploitations sont redevenues rentables et en a poussé d’autres à forer davantage de puits dans la perspective de maintient des cours à un niveau supérieur à 60 dollars.

Une situation qui devrait aller crescendo à partir de cette année avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Celui-ci n’a jamais caché son soutien aux producteurs de pétrole de schiste américain en promettant de les soutenir afin d’atténuer davantage la dépendance pétrolière américaine vis-à-vis des pays tiers. Conséquence, toute remontée des cours du pétrole profite davantage au schiste américain et entraîne de nouveaux producteurs dans le circuit et annihilent les efforts des pays producteurs de l’OPEP.

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Toutefois, le pétrole de schiste n’est pas le seul facteur plombant la remontée des cours du baril de pétrole. Il faut aussi souligner qu’en plus des dérogations accordées à certains pays producteurs de pétrole et membre de l’OPEP comme le Nigeria et la Libye, du fait des situations sécuritaires, ceux qui devaient appliquer l’accord ne l’ont pas tous fait dans la transparence totale. Ainsi, à titre d’exemple, selon Standard & Poor’s Global Platts, l’Algérie, grand initiateur de la réduction de la production, n’a pas respecté son nouveau quota en dépassant celui-ci de plus de 10.000 barils quotidiennement.

En outre, certains producteurs d’or noir ne faisant pas partie de l'OPEP profitent eux aussi de cette remontée des cours pour écouler davantage de pétrole et réaliser de meilleures recettes, sachant que d'ordinaire les accords de l’OPEP ne tiennent pas longtemps. 

Ainsi, ceux qui pensaient à un retournement rapide de la conjoncture se sont lourdement trompés. Et cela d’autant que les signes d’une reprise économique vigoureuse de l’économie mondiale se font attendre, ce qui ne manquera pas d’impacter négativement la hausse de la demande mondiale de pétrole. De même, la baisse des tensions sécuritaires et géopolitiques devrait accroître la production de certains pays comme la Libye et le Nigeria.

L'Algérie a épuisé le matelas de ses réserves tirées du pétrole

Bref, pour nombre d’observateurs, les cours ne devraient pas trop remonter en 2017. Cette situation ne manquera pas d’avoir une incidence négative sur bon nombre de pays africains producteurs de pétrole qui avaient notamment anticipé une remontée des cours et bâti leur loi de finances sur la base des hypothèses d’un baril de pétrole largement au dessus des 50 dollars.

Le tassement du prix du baril légèrement au dessus des 50 dollars affectera les premiers producteurs du continent que sont l’Algola, le Nigeria et l’Algérie qui sont presque totalement dépendants des recettes de l’or noir. Et ce n’est pas pour rien que l’Algérie s’est démenée corps et âme pour aboutir à un accord de réduction des quotas de production afin d’améliorer ses recettes et sortir de la crise.

Partant, et au cas où une remontée significative des cours n’était pas enregistrée, il faut s’attendre à une aggravation des déficits budgétaires et des crises dans ces pays rentiers.

En tout cas, ce niveau actuel des cours reste bénéfique pour un grand nombre de pays africains non-producteurs de pétrole qui bénéficient des cours bas de l’or noir avec un impact positif sur leur balance commerciale et sur celle des opérations courantes, tout en disposant de plus de marge pour accroître leurs investissements, diversifier leurs économies et leurs sources énergétiques en tablant sur les énergies renouvelables à même de les prémunir contre une nouvelle hypothétique flambée des cours du pétrole.

Par Moussa Diop
Le 10/02/2017 à 15h22, mis à jour le 10/02/2017 à 15h24