Les flux financiers illicites font perdre 100 milliards de dollars par an à l'Afrique

DR

Le 16/05/2018 à 14h45, mis à jour le 16/05/2018 à 14h47

Les flux financiers illicites (FFI) pompent 100 milliards de dollars aux économies africaines chaque année, selon un constat établi par des experts, en marge d'une réunion des ministres de l'Economie et des finances du continent qui tient ses assises à Addis-Abeba.

Les flux financiers illicites (FFI) délestent les économies africaines de 100 milliards de dollars chaque année.

Ce constat a été établi lundi par des experts dans le cadre de la réunion des ministres de l’Economie et des finances de la Commission économique de l’Afrique (CEA) et de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui tient actuellement ses assises à Addis-Abeba, en Ethiopie.

A ce titre, les experts «demandent aux pays d’unir leurs forces pour lutter contre ce fléau» dont le mode opératoire est rendu possible et incontrôlable par les mouvements de capitaux au niveau international.

Au cours des débats, Abdallah Hamdok, secrétaire exécutif adjoint de l’organisation, a indiqué que «l’argent transféré illégalement entre les pays et l’évasion fiscale représentaient aujourd’hui, une perte de 100 milliards de dollars par an pour les pays africains. Je pense que personne ne doute de la gravité d’une telle situation. Il s’agit juste de savoir comment y mettre fin», a-t-il expliqué.

Ce haut responsable a encore ajouté «c’est un problème africain. La seule manière de le résoudre est de collaborer avec nos partenaires internationaux».

Pour sa part, Nakara Mokam, directrice de la recherche au Forum africain sur l’administration fiscale, a mis en lumière la destination des fonds et le profil des personnes impliquées dans les transferts irréguliers: «certaines multinationales utilisent l’évasion fiscale, les fausses factures et des transferts de bénéfices abusifs. La coopération avec nos partenaires internationaux est une nécessité absolue pour lutter contre ces trafics. Les flux financiers illicites (FFI) impliquent les acteurs du monde entier. Les lois et règlements des états non africains ont des répercussions sur ces flux en provenance d’Afrique, et il est devenu urgent de revoir la pertinence des cadres internationaux de lutte contre ce phénomène. Ainsi, des financements sont-ils nécessaires pour renforcer l’assistance technique sur les questions fiscales et améliorer les prestations des administrations chargées d’établir l’assiette de l’impôt».

Quant à Akingbolahan Adeniran, conseiller juridique du vice-président du Nigeria, il a crié au recel de fonds africains par de puissantes entités à travers le monde en choisissant des termes relativement simples. Un niveau de langage qui devrait être compris d’une large frange de l’opinion: «sur le plan national, recevoir de l’argent volé est un délit. Pourquoi détenir des fonds d’un autre pays à partir de flux financiers illicites (FFI) resterait un acte légal du point de vue de la législation internationale?», a-t-il lancé.

Au cours de la rencontre, il a été admis que la lutte contre ce fléau relève d’abord d’une question «de volonté politique», car de nombreux états à travers le monde se montrent réticents à s'engager du fait de l’influence et de la puissance des bénéficiaires de ces activités, véritables criminels en col blanc.

La principale niche génératrice des FFI se trouve dans les industries extractives dont la gouvernance est au centre d’une énorme controverse en Afrique. Mais ces mouvements touchent aussi d’autres secteurs de l’économie. Cela est particulièrement vrai du point de vue de l’évasion fiscale, une astuce tout à fait légale, qui permet aux multinationales de payer le moins possible dans les pays abritant leurs activités, grâce à des combinaisons savantes et des techniques hautement sophistiquées, aux antipodes de l’éthique et des considérations morales.

Par ailleurs, on doit noter une vive inquiétude par rapport à l'hallucinante progression de ces FFI, qui voici deux ans étaient estimés à 50 milliards de dollars -montant déjà supérieur à l’enveloppe globale de l’Aide publique au développement (APD) consacrée au continent- et qui passent désormais du simple au double. Autant dire qu’il y a urgence et péril en la demeure.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 16/05/2018 à 14h45, mis à jour le 16/05/2018 à 14h47