CEDEAO. Buhari donne une nouvelle douche froide à la future monnaie unique, l'Eco

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Le 12/02/2020 à 08h08, mis à jour le 12/02/2020 à 08h10

Alors que la réunion à huis clos de la CEDEAO, tenue ce week-end à Addis Abeba, avait une fois de plus salué les avancées de la zone CFA, le président nigérian, Muhammadu Buhari, demande de repousser la mise en place de l'Eco.

"La position du Nigeria concernant la monnaie Eco est que les critères de convergences ne sont pas encore atteints par la majorité des pays. Par conséquent, il est nécessaire de retarder la date de lancement de la monnaie unique", a écrit dans un tweet la présidence nigériane, hier lundi 10 février dans l'après-midi.

Ce message de Muhammadu Buhari, qui intervient à peine 24h après le sommet extraordinaire qui s'est tenu à Addis-Abeba, en marge de l'Assemblée générale de l'Union africaine, pose une question de taille. Pourquoi la puissance sous-régionale n'a-t-elle pas réussi à inscrire ce nouveau délai sur la déclaration finale de cette rencontre.

En effet, au sujet de l'Eco, cette déclaration, en ses dispositions 15, 16 et 17, a pratiquement repris mot pour mot ce qui avait été dit le 23 décembre dernier lors de la rencontre d'Abuja qui avait précédé l'annonce de la réforme du CFA par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara, une journée plus tard à Abidjan. Mieux, les chefs d'Etat ont même exprimé leur satisfaction sur les réformes annoncées par Ouattara.

"La conférence a été informée par Alassane Ouattara, président de la République de Côte d'Ivoire, président de la Conférence des chefs d'Etat de l'UEMOA, sur la réforme du franc CFA", écrivent les chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO, ce 9 février à Addis-Abeba.

"Cette réforme est une étape pour parvenir à la mis en place de l'Eco telle que prévu par la feuille de route adoptée par la Conférence des chefs d'Etat de la CEDEAO", poursuit le communiqué final.

Et enfin, en conclusion, la déclaration finale affirme que "la conférence a exprimé sa satisfaction sur ces importantes évolutions engagées par l'UEMOA ainsi que les éclairages apportés par le président de la Conférence des chefs d'Etat de l'UEMOA sur cette question".

A aucun moment, il n'a été fait mention des craintes de Muhammadu Buhari. Pourtant, dès la sortie de la rencontre à huis clos entre chefs d'Etat de la CEDEAO, Garba Shehu, le porte-parole de la présidence nigériane s'est empressé de rappeler que la position de Muhammadu Buhari n'avait pas changé au sujet de l'Eco. Il a réaffirmé exactement, à l'agence Xinhua, le contenu du tweet partagé hier par les services du président nigérian.

Cette dichotomie entre ce qui est dit par la conférence des chefs d'Etat et les déclarations successives des officiels nigérians montre les divergences flagrantes entre les pays de l'UEMOA qui sont majoritaires au sein de la CEDEAO, avec un poids de 8 pour 15.

Or, au niveau de la CEDEAO, tous les chefs d'Etat ont les mêmes droits de vote, ce qui veut dire que si les huit pays de l'UEMOA parlent de la même voix, ils pourront décider, même si le Nigéria, dont le poids économique représente 70% du PIB global, n'est pas du même avis.

Vendredi, le camp des pays anglophones va encore se réunir à Freetown, en Sierra Leone, sous la bannière de la Zone monétaire de l'Afrique de l'Ouest (ZMAO), à laquelle sont également censés appartenir ceux de l'UEMOA.

Le fait est que sur le plan institutionnel, les pays de l'UEMOA ont une longueur d'avance, puisqu'ils ont leur monnaie unique qui existe depuis les années 1940, avec une banque centrale fonctionnelle et des mécanismes bien rodés. Sauf que cet acquis seul ne suffit pas, vu le poids économique du Nigeria et du Ghana pour la réussite de la monnaie unique.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 12/02/2020 à 08h08, mis à jour le 12/02/2020 à 08h10