Algérie: la liquidité bancaire continue de s'assécher, compromettant la relance

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Le 11/06/2020 à 15h02, mis à jour le 11/06/2020 à 15h04

Malgré les mesures de la Banque centrale algérienne, la liquidité du système bancaire ne cesse de s'assécher. Le pays devra tôt ou tard relancer la planche à billets ou se tourner vers l'emprunt extérieur pour résorber ses difficultés.

Tout mettre indéfiniment sous le tapis en espérant faire disparaître ses problèmes est un exercice bien difficile. L'Algérie, dont le ministre de l'Energie avait osé affirmer en avril dernier que la crise actuelle n'affecterait pas son pays, est en train de l'apprendre à ses dépens. Et les difficultés financières ressurgissent à mesure que la manne s'assèche. 

Aussi, à fin mai 2020, la liquidité du système bancaire algérien a-t-elle baissé de 180 milliards de dinars, soit 1,40 milliard de dollars, par rapport au début de l'année, selon les données publiées par la Banque d'Algérie et reprises par la presse locale.

Désormais, la somme disponible dans le système bancaire locale et dont une partie peut faire l'objet de prêts bancaires est inférieure à 920 milliards de dinars, soit à peine 7,15 milliards de dollars, contre 12,14 milliards de dollars début 2019.

Dans un contexte où la relance de l'économie passera par les efforts du système bancaire à accorder des crédits, il est clair que cette situation est des plus regrettables. Il y a moins de deux mois, la banque d'Algérie avait pris plusieurs dispositions pour inverser la tendance, notamment en abaissant le taux de réserves obligatoires, mais aussi le principal taux directeur, afin de rendre l'argent moins cher. 

Ainsi, concrètement, le taux de réserves obligatoires était passé en mars denier de 10 à 8% puis à 6% en avril, ce qui correspondant à une injection de liquidité virtuelle de l'ordre de 20 à 30 milliards de dinars. De plus, le taux directeur avait été réaménagé de 50 points de base grâce à deux baisses successives. 

La Banque centrale algérienne avait même ouvertement demandé aux banques commerciales d'ouvrir les vannes afin de permettre aux entreprises de se financer afin d'amorcer la relance. 

Seulement les mesures ainsi annoncées n'ont pas eu d'effet. Non pas parce qu'elles sont inefficaces par nature, mais simplement parce que le problème est ailleurs. Le système financier algérien et toute l'économie du pays ne dépendent malheureusement que d'une seule ressource: les revenus du pétrole. Or l'argent ne rentre plus. Pire, il en sort chaque jour un peu plus que le pays ne reçoit de devises. 

Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire que les seuls instruments de politique monétaire, comme le taux de réserves ou encore les taux directeurs, demeurent bien insuffisants. 

A ce rythme, il est clair que l'Algérie sera contrainte d'aller vers la planche à billets contre la volonté des institutions financières internationales que tôt ou tard le pays devra solliciter. En effet, pour continuer à importer tout ce qu'elle consomme en blé, sucre, carburant, voire en voitures et autres biens, l'Algérie devra faire appel à des emprunts en devises auprès des institutions de Bretton Woods et d'autres partenaires qui ne voient pas d'un bon oeil le financement non conventionnel. 

Quand on sait que le pays ne dispose plus que d'une cinquantaine de milliards de dollars comme réserves de change, contre 200 milliards en 2014, on mesure toute l'ampleur de ce phénomène de baisse irréversible du matelas financier du pays. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 11/06/2020 à 15h02, mis à jour le 11/06/2020 à 15h04