Crise en Algérie et au Nigeria: les pénuries pour l'une, l'endettement intelligent pour le second

Les présidents Muhammadu Buhari du Nigeria et Abdelmadjid Tebboune d'Algérie. . DR

Le 22/04/2021 à 12h28, mis à jour le 22/04/2021 à 12h30

L'Algérie et le Nigeria dépendent tous deux des hydrocarbures et font face à une grave crise économique et budgétaire. Cependant, ils ont choisi des solutions différentes pour se tirer d'affaires, l'Algérie ayant décidé d'affamer sa population, tout en gardant un niveau d'endettement proche de zéro.

Depuis plusieurs mois, l'Algérie fait face à de sévères pénuries de biens de première nécessité, comme l'huile, le lait, voire les médicaments. Cependant, fidèle à sa politique de l'autruche, le régime continue de les nier, faisant comme si tout allait bien dans le pays.

Aujourd'hui, les finances publiques sont dans une situation telle qu'il est impossible à l'Etat algérien de financer correctement les dépenses sans recourir à la planche à billets, même si les autorités continuent d'affirmer le contraire. En effet, dans la Loi de finances 2021, il y est clairement prévu un déficit budgétaire record de 22 milliards de dollars, soit l'équivalent de près de 2 milliards de dollars de besoin de financement chaque mois. Le cumul sur les quatre premiers mois de l'année 2021 dépasse largement les 7,3 milliards de dollars en moyenne.

Comment, dans ce cas, l'Etat algérien peut-il prétendre ne recourir ni à la planche à billets ni à l'endettement interne ni auprès des partenaires étrangers, non plus aux marchés de capitaux? De ces quatre sources de financement, la seule qu'il leur est possible d'utiliser en toute discrétion est justement la planche à billets, dont il faut évidemment la complicité de la Banque centrale. Pour le moment, les autorités algériennes prétendent le contraire. Néanmoins, il est clair que s'ils parviennent encore à payer les salaires, assurer les charges de fonctionnement, alors que les caisses du Trésor ont un trou aussi béant, il sera difficile d'y croire.

Sauf que la planche à billets a beau faire des miracles, elle n'est d'aucune utilité quand il s'gait d'importer des biens de première nécessité pour nourrir ou soigner le peuple ou même pour permettre à l'industrie alégrienne de fonctionner correctement avec des machines ou des matières premières provenant de l'étranger. Il faut absolument disposer des devises. Et c'est là où les mensonges ont leurs limites.

Car, aujourd'hui, les réserves de changes du pays sont à un niveau critique, même si encore une fois les plus hautes autorités disent le contraire. Les divergences entre les chiffres que donnent les uns et les autres montrent d'ailleurs qu'ils veulent cacher de la poussière sous le tapis. Aussi l'ex-ministre de l'Industrie, Ferhat Aït Ali, avait-il énoncé le chiffre de 29 milliards de dollars à fin 2020 quand Abdelmadjid Tebboune dit qu'il restait encore un matelas de 42 milliards de dollars pour couvrir les importations. La vérité transparaît pourtant dans l'impossibilité qu'a l'Algérie de se procurer de l'huile de table ou des médicaments, au point que des enfants meurent sur les tables d'opération faute de produits de soins sanitaires et des mères de famille se bousculent dans les supermarchés pour quelques litres de la précieuse matière grasse.

En tout cas, les causes qui ont fait que les réserves de change sont passées de 193 milliards en juin 2014 à quelque 42 ou 29 milliards en cinq ans et demi sont toujours là. Il est probable que la situation se poursuive. Car le problème de l'Algérie est d'avoir l'économie la moins diversifiée de tout le continent, avec les hydrocarbures qui représentent 95% des recettes d'exportations et 70% des revenus budgétaires. Or, le train de vie du pays et de l'Etat a été déterminé sur la base d'un baril de pétrole au-delà de 120 dollars. Puisque les subventions et les niveaux des salaires ont tous été fixés entre 2010 et 2015 quand tout allait bien, mais quand le printemps arabe était aux portes de la dictature algérienne. Aujourd'hui, la donne a changé. Radicalement, d'ailleurs.

Pour sa part, le Nigeria, qui pourtant a une économie nettement plus diversifiée que l'Algérie, gère la crise avec plus de réalisme et moins d'idéologie anti-endettement. Hier mercredi, le Sénat a approuvé un nouveau plan d'endettement portant sur un cumul de 2,7 milliards de dollars. Ainsi, l'administration de Muhammadu Buhari pourra se procurer 1,5 milliard de dollars et 995 millions d'euros, auprès de trois institutions déjà identifiées que sont la Banque mondiale, de l'Export-Import Bank du Brésil et de l'allemande Deutsche Bank.

En réalité, le gouvernement nigérian, dont l'endettement était proche de zéro avant 2015, ne fait pas la fine bouche devant les fonds internationaux qu'il peut solliciter pour éviter à l'économie du pays de couler. Ainsi, en mars 2020, le parlement avait déjà approuvé un plan d'emprunts de 22,7 milliards de dollars du gouvernement Buhari, dont 17 milliards apportés par l'Exim Bank de Chine. Mais, comme l'a précisé Zainab Ahmad, la ministre des Finances du Nigeria, une bonne partie de ces fonds est destinée à financer des projets d'infrastructures nécessaires au développement du pays. Ce n'est donc pas pour acheter de l'huile de table ou encore du lait en poudre. le pays continue d'ailleurs de renforcer sa sécurité alimentaire en améliorant sans cesse la production de riz.

Aujoud'hui, la dette extérieure de l'Etat fédéral du Nigeria est de l'ordre de 35% du PIB, alors qu'elle était inférieure à 10%, il y a une dizaine d'années. Le pays est encore loin de la limite de 70% du PIB fixé par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) dans le cadre des règles de convergence pour la mise en place de l'Eco, la future monnaie unique de la sous-région.

L'Algérie aurait pu faire pareil, si seulement l'argent issu de l'emprunt allait servir à investir pour diversifier l'économie du pays et non pour acheter juste de la nourriture et des biens de consommation.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 22/04/2021 à 12h28, mis à jour le 22/04/2021 à 12h30