Soudaine et inattendue, la décision de l’Oncle Sam d’inscrire les ressortissants Tchadiens, dont le pays est un acteur important de la lutte contre le terrorisme en Afrique centrale et dans le Sahel, sur la liste «infâme» du «Travel Ban des USA» remet au centre du débat les relations Amérique/Afrique sous l’administration Donald Trump, aux commandes de la plus grande puissance du monde depuis 10 mois.
Il faut également ajouter à ce contexte, un fait factuel: une attaque terroriste à la frontière Niger-Mali, causant la mort de 5 soldats de Niamey et 3 militaires américains.
Nouvelle qui révélait en même temps, une chose peu connue, la présence de forces opérationnelles américaines dans un Sahel en proie à l’insécurité.
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L’élection surprise de l’homme d’affaires, certes sous les couleurs du parti républicain, mais non issu du sérail politique connu de cette grande formation, a suscité de nombreuses interrogations au sujet des éventuelles conséquences sur l’avenir des relations entre les deux ensembles.
Les premières notes de satisfaction après ce mini coup de Trafalgar, sont surtout venues des régimes du continent en rupture de ban avec Washington pour cause d’«indélicatesse» avec la grille de cadrage des droits humains sous l'ère Obama, à l’image du président burundais, Pierre Nkurunziza, du RD congolais Joseph Kabila, etc.
Alors que dans le même timing, au sein des lambris dorés des palais présidentiels africains et des chancelleries du continent accréditées auprès de Washington, on affichait la crainte d’un retour à l’isolationnisme, à la chasse aux immigrés clandestins, à la baisse des aides américaines, etc.
Rapidement après sa prise de pouvoir, le président américain a dressé une liste de pays dont les ressortissants sont interdits d'entrer aux Etats-Unis et a demandé à de nombreux pays africains d'accepter le retour de leurs ressortissants en situation irrégulière et condamnés pour divers délits aux Etats-Unis. Les pays ayant trainé les pieds pour répondre à cette injonction ont tout simplement vu leurs ressortissants et diplomates interdits de visas d'entrée aux Etats-Unis.
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Le pire a été franchi dernièrement avec la nouvelle liste du «Travel Ban» à laquelle a été ajouté le Tchad. Une décision surprenante et inquiétante tant ce pays est loin d'être instable et encore moins un nid de terroristes. Bien au contraire, le Tchad est à l'avant-garde de la lutte contre les nébuleuses terroristes au Sahel et en Afrique de l'Ouest (Boko Haram).
Réagissant au placement du Tchad dans la liste du «Travel Ban» le directoire de l’Institution panafricaine de stratégie (IPS), sous la houlette de Dr Cheikh Tidiane Gadio, ancien brillant ministre des Affaires étrangères sous le magistère du président Abdoulaye Wade, néo député de l’opposition, appelle les experts de la diplomatie sécuritaire de Washington à réviser leur copie.
En effet, pour l’IPS «il ne fait aucun doute que le Tchad est la locomotive du combat du continent africain contre le terrorisme et l’insécurité (lutte contre Boko Haram et tous les groupuscules qui écument la vaste bande sahélo saharienne)».
Les cadres, chercheurs et experts africains regroupés au sein de cette institution qualifient «d’immense surprise» la décision de l’administration Trump.
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Mais pour Moussa Ould Hamed, ex-DG de l’Agence mauritanienne d’information (AMI), un organe du gouvernement, «Donald Trump est un monsieur imprévisible. Il n’a pas d’idéologie, ni d’objectif précis cadrant avec nos grilles classiques d’analyse. Il opère le plus clair du temps sur le mode des prises de positions personnelles. Mais une certitude demeure, Il sera difficile pour les américains de lutter contre Boko Haram en Afrique de l’Ouest, en Afrique Centrale et affronter les groupuscules terroriste au sahel, sans partenariat avec le Tchad, qui offre l’image d’un pays militairement convaincant au niveau de la sous-région».
Isselmou Ould Salihi, analyste attentif de la question du terrorisme au Sahel est «surpris par le fait que des ressortissants tchadiens soient placés dans une listes aux côtés de citoyens d’entités comme la Somalie, le Yémen, la Libye,..., qui ne sont plus des Etats. Même si on évoque des problèmes liés au fichier des voyageurs et des incompréhensions bilatérales, le territoire tchadien n’abrite pas de bases de groupuscules terroristes. Mieux, ce pays joue un rôle pivot dans la lutte contre le terrorisme en Afrique Centrale, Afrique de l’Ouest et dans le Sahel».