Afrique du Sud. Livre: le "Gangster" Jacob Zuma et la pègre

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Le 09/11/2017 à 11h18, mis à jour le 09/11/2017 à 14h13

Jacob Zuma, "c'est un gangster, comme nous", dixit l'un des trafiquants de cigarettes protégés par le président sud-africain, lui-même accusé de voler le Fisc. Le ton du livre "The President's Keepers" est donné et les révélations ne s'arrêtent pas là.

Corruption, viol, Guptaleaks, déclarations sur le sida, on croyait avoir tout vu avec Jacob Zuma. The President's Keepers, le dernier brulot du journaliste d'investigation Jacques Pauw, révèle de nouveaux scandales sur le sulfureux quatrième président de l'ère post-apartheid, Jacob Zuma. 

Publié le 29 octobre, le livre s'arrache en librairie malgré les tentatives des services secrets sud-africains de l'interdire. Et pour cause, il contient de croustillantes révélations sur la relation qu'entretiennent les trafiquants de cigarettes et leur "protecteur" Zuma. Quand des informateurs prennent contact avec l'auteur Jacques Pauw, "il [lui] a fallu quelques jours pour comprendre que le plafond du scandale venait d’être enfoncé", commente le quotidien français Le Monde qui s'intéresse au sujet dans son édition du 6 novembre. Chanceux, Prauw tombe sur un enregistrement datant visiblement de 2016 et qui lui permettra de se faire une idée des relations entre les "gansters" et le chef de l'État. 

Un certain Glenn Agliotti y fait une confidence à ses complices, leur parlant d'un plan en or, un plan juteux et peu dangereux. Non seulement il ne s'agit que d'un trafic de cigarettes, mais cerise sur le gâteau, c'est le président Jacob Zuma lui-même qui couvre la magouille. "On a tout négocié. Trois ans [jusqu’à la fin du mandat présidentiel].C’est ma retraite qui se joue. J’ai dit à Zuma : “Vous allez devoir payer. Je vous ai aidé à devenir président et vous auriez dû finir en prison” [pour des scandales passés]", aurait dit Agliotti, selon les bonnes feuilles que publie Le Monde

Et quand l'un des comparses demande si "on peut faire confiance à ce gars", le cerveau de l'affaire s'empresse de le rassurer: "C'est un ganster, comme nous". Après cette réponse glaçante, il conseille à ses complices de vendre leurs Ferrari et de tout investir dans l'affaire. Il y a de quoi, puisqu'avec la protection de Zuma, les cigarettes seront vendues au prix du marché sans verser le moindre rand au Trésor sud-africain.

C'est d'ailleurs là que réside le scandale. Les immenses recettes qu'était censé collecter l'État sud-africain devaient servir à payer les allocations de 18 millions de bénéficiaires qui n'ont souvent "que cela pour vivre", précise l'article. Et même si la brigade de recherche et d'enquête du fisc sud-africain essayait comme elle pouvait de sanctionner les malfrats par des amendes, Zuma, ses proches et des agents des services secrets s'attelèrent à saborder son travail, révèle Pauw.

Du coup, les dossiers compromettants contre les "gangsters" ont été purement et simplement rangés au placard. Et la manne fiscale des cigarettes est partie en fumée. 

Ceux qui pensaient avoir tout vu avec Zuma ne sont pas au bout de leurs surprises. Car le chef d'État est aussi soupçonné d'avoir fait alliance avec le grand banditisme. Il est allé jusqu'à recruter des espions pour faire tomber les personnes les plus intègres parmi les enquêteurs du fisc. 

Les révélations de Jacques Pauw ne s'arrêtent pas là. L'auteur ajoute que, non content de n'avoir jamais payé ses impôts, Jacob Zuma perçoit au noir un salaire mensuel d'un million de rands, soit quelque 60.000 euros, de la part d'une société de gardiennage et de sécurité. 

Vu les révélations contenues dans The President's Keepers, il était presque évident que les "gardiens de Zuma" allaient s'opposer à la vente du livre. Mais Exclusive Books, l'éditeur de ce succès de librairie, ne l'entend pas de cette oreille. Zuma et sa bande devront attaquer l'auteur du livre en justice. Une longue bataille judiciaire commence, qui laissera largement le temps aux Sud-Africains de se délecter des révélations contenues dans l'ouvrage de Pauw.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 09/11/2017 à 11h18, mis à jour le 09/11/2017 à 14h13