Alors qu'il est clairement établi qu'Iyad Ag Ghali, à la tête de la plus dangereuse coalition de terroristes dans le Sahel, se trouve en Algérie, beaucoup s'accordent à penser que, pour rien au monde, les autorités algériennes ne le livreront jamais et continueront à le protéger.
En effet, Ag Ghali est devenu au fil des années, peut-être malgré lui, une pièce maîtresse dont se servent les sécuritaires algériens pour repousser le danger du terrorisme vers leur voisin malien du sud. C'est en tout cas ce qu'explique une longue analyse du quotidien français Le Monde, qui avait déjà consacré un article bien détaillé au terroriste en juillet dernier. Le plus fervent protecteur de AG Ghali n'est autre que Gaïd Salah, estime Le Monde, et il faut dire que l'hypothèse formulée est on ne peut plus crédible. Elle l'est tellement, qu'on devine que des sources très bien informées y sont derrière.
Il faut revenir à l'historique des évènements maliens et au parcours de Iyad Ag Ghali depuis 1990 pour comprendre qui il est et pourquoi le vice-ministre algérien de la Défense le protège.
Iyad Ag Ghali qui est issu de la puissante tribu des Ifogha est devenu djihadiste en 2012, plus par opportunisme que par conviction. En effet, il avait commencé par une guérilla indépendantiste d'inspiration nationaliste en 1990. Alger qui sursaute à chaque fois que les termes "indépendantiste" ou "nationaliste" sont prononcés ne peut résister à l'envie de se rapprocher de lui. C'est ce qui fut fait par l'ancien Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Alger parraine alors une réconciliation avec le gouvernement de Bamako. Dans la foulée, Ag Ghali est nommé conseiller à la présidence auprès de Amadou Toumani Touré. Pour mieux l'éloigner, il est alors désigner consul du Mali à la Mecque. Les choses auraient pu s'en arrêter là, mais Ag Ghali reviendra au nord Mali, juste au moment où la Libye est déstabilisée.
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C'est là, qu'il fonde Ansar Ed-dine (les partisans de la Religion) qui s'étend très vite et prend le contrôle du nord Mali où il instaure la charia dans l'émirat qui aura pour capitale Tombouctou.
Pour Alger, Ag Ghali, surtout intéressé par l'indépendance du nord-Mali, est une bonne carte à jouer contre Al Qaïda pour le Maghreb islamique (AQMI). Et le calcul n'est pas tout à fait faux, puisque AQMI voudrait, en plus du Mali, l'Algérie dans sa totalité. Car, faut-il le rappeler, AQMI, quant à elle, est une émanation du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien. Protéger Ag Ghali peut permettre non seulement de bénéficier de réseaux d'information, mais aussi créer un antagonisme de fait entre deux groupes aux objectifs distincts.
En 2013, à la demande du Mali, la France intervient, notamment avec le Tchad, et chasse l'alliance djihadiste. Pour réussir l'offensive militaire, l'ancienne puissance coloniale avait demandé et obtenu deux choses: la fermeture de la poreuse frontière entre l'Algérie et le Mali, mais aussi le survol de l'espace aérien algérien. L'opération Serval lancé sous la présidence de François Hollande sera une parfaite réussite. Les Maliens jubilent. Les terroristes d'AQMI changent de tactique et veulent punir Alger de s'être allié contre eux. C'est en ce moment que la base de vie d'In Amenas est prise pour cible. Des dizaines de personnes seront prises en otage. L'intervention de l'armée algérienne permettra de tuer 29 djihadistes, mais 40 otages également y perdront la vie. Jamais, des installations d'hydrocarbures n'avaient été prises pour cible, en une vingtaine d'années d'activisme terroriste. C'est donc une opération des terroristes en représailles à l'attitude d'Alger à leur égard.
A partir de là, au sommet de l'Etat algérien, on se renvoie la balle. Ahmed Gaïd Salah, le chef d'état-major de l'armée, désigne directement le général Mohamed Médiène et le DRS qu'il dirigeait depuis plus d'une quinzaine d'années, comme l'unique responsable de ce fiasco. Le vice-ministre de la Défense avait alors estimé que les services de renseignement avaient failli à leur mission.
C'est donc pour avoir un allié dans cette zone vaste comme deux fois la France, que l'armée algérienne de Gaïd Salah offre le gîte et le couvert à Iyad Ag Ghali. Sauf que l'hôte de Gaïd Salah est loin d'être fréquentable. Car, il est au centre de la déstabilisation de la zone sahélienne qui va du Mali au Niger, en passant par le Burkina Faso. Iyad Ag Ghali, qui a réussi à fédérer quatre autres mouvements terroristes autour du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (GSIM), est un solide garant de la paix pour l'Algérie, mais pas pour ses voisins du sud. Actuellement, il détient 6 otages.
Mais, pendant qu'il envoie ses combattants semer la mort dans les trois pays, il se la coule douce en Algérie. En effet, il vivrait tranquillement à Tin Zaouatine, en Algérie, vers la frontière avec le Mali. Et, selon Le Monde, en 2016, alors qu'il est hospitalisé dans un établissement de Tamanrasset, les services "occidentaux" n'ont pas réussi à lui mettre la main dessus.
Actuellement, Gaïd Salah a bel et bien remporté son bras de fer avec le général Toufik et s'impose en homme fort de l'Algérie, face à un Bouteflika impotent. S'il se pose en rempart face à ce qu'il appelle "le dessein abject que le colonisateur n'a pu atteindre sur la terre d'Algérie", cela risque de faire le bonheur de Iyad Ag Ghali. Les Maliens jugeront qui de Ag Ghali ou de l'ancien colonisateur a le dessein le plus abject.