Nigeria: Buhari quasi certain de remporter la présidentielle

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Le 26/02/2019 à 21h30, mis à jour le 26/02/2019 à 21h38

Le principal parti d'opposition nigérian a demandé l'arrêt immédiat du décomptage des résultats de l'élection présidentielle, dont la victoire était quasiment assurée pour le président sortant Muhammadu Buhari mardi soir, après l'annonce des résultats des deux tiers des Etats.

"Nigérians, ne tenez pas compte des résultats annoncés par la Commission électorale indépendante (INEC)", a lancé Tanimu Turaki, l'un des porte-parole du Parti populaire démocratique (PDP).

Depuis lundi, l'INEC lit Etat par Etat, parti par parti, les résultats dans les 36 Etats et la capitale fédérale d'Abuja. Aucune date butoir pour l'annonce officielle n'a été fixée, mais elle pourrait se dérouler dans les heures qui suivent ou dans la journée de mercredi.

"Nous, le PDP, demandons l'arrêt immédiat du comptage des résultats" a indiqué Turaki, arguant des fraudes massives du parti au pouvoir, notamment dans la configuration des lecteurs électroniques des cartes électorales.

Après le report in extremis des élections générales quelques heures avant l'ouverture prévue des bureaux de vote, les agents de la Commission ont dû reconfigurer 180.000 lecteurs de cartes.

Illégal

Dénonçant des intimidations, ainsi que l'arrestation "illégale" de deux représentants importants de l'opposition, M. Turaki assure que près de 200.000 voix ont été "retirées injustement et illégalement des comptages" dans les Etats de Nasarawa, Kogi, Plateau et dans la capitale fédérale d'Abuja.

"Dans l'Etat de Zamfara, aucun bureau de vote n'a fonctionné. Il n'y a pas eu d'élections", a asséné l'opposition.

Avec une vingtaine d'Etats déjà annoncés (sur 36), le président sortant, âgé de 76 ans, remportait mardi soir 54% des voix contre 42% pour son principal rival, l'ancien vice-président Atiku Abubakar, 72 ans, du PDP, soit une avance de près de 1,8 million de voix.

Les Etats du Sud, traditionnellement fidèles au PDP, n'avaient pas tous été annoncés, mais les gros bastions de Buhari non plus (Borno, Kebi, Zamfara), qui sont des régions très peuplées qui votent généralement en masse, contrairement au Sud.

Dès lundi après-midi, l'opposition avait dénoncé une "manipulation" des résultats par le parti de M. Buhari afin de se maintenir au pouvoir et elle pourrait contester en justice les résultats officiels.

Retards à l'ouverture des bureaux de vote, intimidations d'électeurs, destruction de matériel électoral: la société civile et les observateurs étrangers, notamment de l'Union européenne, ont dénoncé de nombreuses irrégularités dans la tenue du scrutin et ont invité les partis qui se sentiraient "lésés" à utiliser les recours judiciaires.

Le nouveau bilan des violences électorales est de 53 morts, a par ailleurs déclaré à l'AFP Yemi Adamolekun, de l'ONG Enough is Enough, membre du groupement de la société civile Situation room, qui a surveillé le déroulement du scrutin et avait lundi évoqué le chiffre de 39 morts.

Faisant état de niveaux de fraude et de violence "inquiétants", elle a affirmé que certains agents de l'INEC avaient été forcés de publier leurs résultats sous la contrainte et que des enquêtes étaient en cours sur les allégations d'intimidations.

Quel que soit le niveau de fraudes ou de désorganisation du scrutin, le niveau de participation, qui devrait s'établir autour de 40%, est très faible et constitue une épine dans le pied du prochain gouvernement.

Participation faible

L'affluence a ainsi reculé dans tous les Etats dont les résultats ont déjà été annoncés - sauf à Kogi, Ekiti et Adamawa - notamment dans le Sud-Est, bastion de l'opposition où Buhari est particulièrement impopulaire. Dans l'Etat d'Abia par exemple, où les mouvements séparatistes pro-Biafra ont une forte assise populaire, le taux de participation n'a été que de 18%.

A Lagos également, capitale économique de l'Afrique de l'Ouest et réservoir très important de voix avec plus de 6 millions d'électeurs enregistrés, le niveau de participation ne dépassait pas les 20%.

Les observateurs s'inquiètent de cette "faible mobilisation" qui "pourrait affecter la crédibilité du vainqueur de cette élection", déjà entachée par ces accusations de fraudes.

"Cela aura un impact négatif sur le prochain gouvernement", explique l'un d'eux.

"Il semble que les cartes d'électeurs (remises gratuitement) soient davantage perçues comme une carte d'identité pas cher (pour obetnir un compte en banque ou un passeport) qu'un moyen de voter", regrette Feyi Fawehinmi, commentateur politique et analyste nigérian. "Cela fait honte à notre classe politique".

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 26/02/2019 à 21h30, mis à jour le 26/02/2019 à 21h38