Gambie. Vérité et Réconciliation: l'ancien numéro 2 de Jammeh reconnait des responsabilités

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Le 22/10/2019 à 06h16

Un ancien compagnon d’armes et ex-bras droit de l’ex-président gambien Yahya Jammeh a admis lundi sa part de “responsabilités” pour l’arrestation, la torture et l’exécution d’opposants supposés, tout en niant son implication directe dans plusieurs cas emblématiques.

Edward Singhateh était entendu pour la troisième fois en une semaine par la Commission vérité et réconciliation (TRRC) chargée d’enquêter sur les crimes commis pendant les 22 ans du régime de Yahya Jammeh. 

Ce dernier, en exil en Guinée équatoriale depuis janvier 2017, échappe pour le moment à la justice de son pays, une ancienne colonie britannique enclavée dans le Sénégal, à l’exception d’une étroite façade atlantique prisée des touristes.

Singhateh, né au Royaume-Uni, est l’un des instigateurs du renversement par un groupe de jeunes officiers du régime de Dawda Jawara en juillet 1994. Ces officiers ont placé Jammeh à la tête d’un Conseil provisoire des forces armées, avant qu’il devienne chef de l’Etat et soit élu et réélu jusqu‘à sa défaite en décembre 2016 face à l’opposant Adama Barrow.

Edward Singhateh servira quant à lui fidèlement Yahya Jammeh au sommet de l’Etat jusqu’en 2007. “Je suis peut-être responsable dès le départ d’avoir placé Jammeh. Donc je me sens partiellement responsable pour tout ce qui s’est passé et j’en éprouve un profond remords”, a-t-il déclaré devant la TRRC.

Il a reconnu avoir personnellement arrêté en novembre 1994 dans le palais présidentiel deux des leaders de la junte, le vice-président Sana Sabally et le ministre de l’Intérieur Sadibou Heydara, convoqués par Yahya Jammeh qui les soupçonnait de vouloir le renverser. Le premier a été torturé et fait neuf ans de prison. Le second est mort en détention.

“J’ai eu tort d’arrêter des gens”

Edward Singhateh a affirmé qu’il n’avait pas imaginé que Sana Sabally, dont il allait prendre la place comme numéro 2 du régime, subirait de telles tortures. Mais il a reconnu que l’enquête qui concluait qu’il avait tenté de tirer sur Yahya Jammeh était un tissu de mensonges.

“Et vous n’avez rien fait? Vous auriez pu démissionner, partir en exil”, lui a lancé l’un des membres de la commission, Essa Faal. “C’est plus facile à dire qu‘à faire”, a répondu l’ancien militaire, qui a nié avoir agi par ambition politique ou par esprit de lucre.

Il a ensuite fermement démenti avoir pris part en juin 1995 à l’assassinat du ministre des Finances Ousman Koro Ceesay, lié selon lui à de l’argent libyen destiné à la rébellion séparatiste en Casamance (sud du Sénégal). Et il s’est excusé pour avoir laissé croupir une soixantaine de manifestants pendant un an dans une caserne.

Lors de ses auditions mercredi et jeudi, il avait reconnu sa responsabilité dans l’assassinat en novembre 1994 de 11 militaires accusés par le régime de préparer un contre-coup d’Etat. Il avait affirmé que Yahya Jammeh avait donné l’ordre de ne “pas faire de prisonnier”, mais assuré ne pas avoir lui-même procédé à des exécutions ou tiré sur des prisonniers qui s‘échappaient.

“En tant que tireur d‘élite, je détiens toujours des records au sein de l’Armée nationale gambienne. Si j’avais voulu tuer, aucun n’aurait pu s‘échapper. J’aurais pu les avoir à 300 mètres, et encore bien plus facilement à 15 m, alors qu’ils courraient en ligne droite”, a-t-il expliqué.

“Ce qui s’est passé n’aurait pas dû se passer. J’ai eu tort d’arrêter des gens et de les soumettre à des traitements inhumains”, a-t-il dit en fin d’audition, avant de présenter ses excuses en langue locale pour être compris par le plus grand nombre.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 22/10/2019 à 06h16