Barrage sur le Nil: le ministre des Affaires étrangères égyptien en tournée africaine pour expliquer la situation

Le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (Gerd) en cours de construction. . DR

Le 19/04/2021 à 15h03, mis à jour le 19/04/2021 à 15h08

Face au blocage des discussions sur le barrage éthiopien de la Renaissance, le président égyptien Abdel Fettah al-Sissi a envoyé son ministre des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, pour une tournée africaine à la veille de la seconde phase du remplissage du réservoir du barrage contesté.

Le différend sur le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD) que construit l’Ethiopie sur le Nil bleu, à quelques encablures de sa frontière avec le Soudan, continue de susciter des inquiétudes chez les pays en aval du Nil, le Soudan et l’Egypte.

Outre les échecs des discussions menées jusqu’à présent, dont la dernière a été parrainée par l’Union africaine, le Soudan, et surtout l’Egypte, appréhendent la décision éthiopienne de procéder à la seconde phase de remplissage du réservoir du barrage géant de 74 milliards de mètres cube.

Après un premier remplissage en juin 2020 par l’Ethiopie sans le consentement des pays en aval, Addis-Abeba a annoncé le démarrage de la seconde phase du remplissage du réservoir en juin 2021, durant la saison des pluies. Une annonce qui a suscité le mécontentement et les menaces des pays en aval, particulièrement de l’Egypte dont 97% des besoins en eau sont assurés par le Nil.

L’Egypte et le Soudan demandent à l’Ethiopie de ne pas entamer cette seconde phase avant que les trois pays ne tombent d’accord sur le mode de remplissage du réservoir et la gestion de l’exploitation du barrage.

C’est dans ce contexte que le président Al-Sissi a envoyé Sameh Shoukry auprès de 6 chefs d’Etat de toutes les régions du continent : Kenya, Comores, Afrique du Sud, Congo, Sénégal et la Tunisie.

Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmed Hafez, à travers ces visites, l’Egypte compte informer les pays africains de la réalité des négociations sur le barrage de la Renaissance et de son souhait à ce que les trois pays parviennent à un accord, juridiquement contraignant sur le remplissage et l’exploitation du barrage, tenant compte des intérêts des trois pays avant le démarrage de la seconde phase de remplissage prévue en juin prochain.

Pour y arriver, l’Egypte souhaite le lancement de négociations sérieuses et efficaces entre les trois pays afin d’arriver à l'accord souhaité.

Mais l’Ethiopie fait la sourde oreille aux sollicitations de l’Egypte et du Soudan. Une situation de fait accompli que dénoncent les pays en aval. Addis-Abeba, arguant que le barrage est situé en territoire éthiopienne et qu’il a été financé entièrement par les fonds éthiopiens, ne compte pas partager la gestion de l’exploitation avec l’Egypte et le Soudan. Elle craint un accord contraignant comme celui sur le partage des eaux du Nil de 1929 et 1955 qui accorde les eaux du Nil à l’Egypte et au Soudan, alors que plus de 80% des eaux du Nil viennent de son affluent éthiopien, le Nil bleu. Pour le second pays le plus peuplé d’Afrique, le barrage hydroélectrique d’une capacité de 6.450 MW, le plus grand d’Afrique, est essentiel pour accélérer son développement économique et son taux d’électrification qui se situe à 45% actuellement.

Pour le Soudan, qui est longtemps resté en marge du différend entre l’Ethiopie et l’Egypte, en pensant aux gains que lui procurait le barrage éthiopien qui pourrait réguler les inondations de sa capitale, la crainte est l’impact du barrage éthiopien sur ses propres barrages, construits à quelques dizaines de kilomètres et qui ont été rénovés pour retenir plus d’eau pour l’irrigation et la production d’électricité.

Enfin, pour l’Egypte qui dépend à 97% du Nil pour son approvisionnement en eau, le barrage de la Renaissance est celui de tous les dangers pour le pays des pharaons. Elle craint que le remplissage du réservoir du barrage, d’une capacité de 74 milliards de mètres cubes, ne réduise sa part d’eau évaluée à 55,5 milliards de mètres cubes. En juin 2020, lors d’une session spéciale du Conseil de sécurité de l’ONU, Le Caire avait souligné que "Le Nil est un problème existentiel pour l’Egypte et ses habitants". Et le président égyptien, regrettant ce qu’il qualifie d’obstination éthiopienne à ne pas trouver une solution juste et durable au différend sur le barrage, multiplie les menaces.

Ainsi, face au blocus sur les négociations, l’Egypte met aussi les autres pays africains devant leur responsabilité face à ce différend qui pourrait déboucher à une guerre majeure au niveau du continent tant les enjeux sont importants et difficilement réconciliables.

Par Moussa Diop
Le 19/04/2021 à 15h03, mis à jour le 19/04/2021 à 15h08