A l'occasion de sa première tournée en Afrique subsaharienne, entamée au Kenya et qui se terminera au Sénégal, le chef de la diplomatie américaine entend montrer l'engagement des Etats-Unis face à la montée en puissance de la Chine sur le continent.
Il dit aussi souhaiter encourager les solutions africaines aux problèmes, notamment à l'actuel conflit armé en Ethiopie.
"Nous soutenons fermement l'engagement, le leadership et la voix forte du Nigeria", a déclaré Blinken lors d'une conférence de presse dans la capitale Abuja.
Première économie d'Afrique subsaharienne, le Nigeria, où vit 20% de la population de cette région, est un acteur essentiel sur le continent aux yeux des différentes administrations américaines qui ont toutes courtisé les dirigeants nigérians depuis le rétablissement d'un pouvoir civil en 1999.
Mais depuis un an, le discours américain envers le Nigeria s'est fait plus ferme, notamment face à la sanglante répression d'un vaste mouvement de contestation contre les violences policières en octobre 2020.
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Blinken s'est félicité de l'enquête menée par une commission indépendante mise en place par le gouverneur de Lagos sur ces violences, mais a appelé à davantage d'action de l'Etat fédéral.
"Nous attendons la réponse de l'Etat et du gouvernement fédéral aux conclusions de l'enquête et espérons qu'elle comprendra des mesures visant à garantir la transparence et à répondre aux doléances des victimes et de leurs familles", a déclaré M. Blinken.
Le président Muhammadu Buhari, lors de sa rencontre avec M. Blinken, a déclaré que le Nigeria avait fait preuve de transparence et suivi les procédures: "Au niveau fédéral, nous devons attendre les mesures prises par les Etats et permettre au système de fonctionner. Nous ne pouvons pas leur imposer des idées".
A l'époque candidat à la présidence, Joe Biden avait exprimé sa solidarité avec les manifestants nigérians et exhorté le président Buhari à infléchir la riposte des forces de sécurité.
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Le sénateur américain Bob Menendez, membre du Parti démocrate et président la commission sénatoriale des Affaires étrangères, a appelé lors d'une audition de Blinken à une "refonte fondamentale du cadre de notre engagement global" avec le Nigeria.
Le Congrès américain a retardé la vente au Nigeria de 12 hélicoptères d'attaque américains Cobra, face aux interrogations sur l'engagement de l'armée à protéger les civils dans son combat contre l'insurrection jihadiste de Boko Haram depuis plus d'une décennie.
Mais le Nigeria a récemment commencé à réceptionner des avions d'attaque au sol Super Tucano. Le président Donald Trump avait donné en 2017 le feu vert à cette vente, suspendue par son prédécesseur Barack Obama à la suite d'une frappe accidentelle nigériane sur un camp de réfugiés, qui avait tué plus de 100 personnes.
Retiré d'une liste noire
"Le renforcement des capacités va bien au-delà de la livraison de matériel militaire", a déclaré Blinken, en promettant des efforts en matière de formation aux droits de l'Homme.
Avant sa visite, Antony Blinken a retiré le Nigeria d'une liste noire américaine des nations qui violent la liberté religieuse, sur laquelle l'avait placé Trump.
Le prédécesseur de Blinken, Mike Pompeo, qui ne s'est jamais rendu au Nigeria, avait appuyé cette décision à la demande de chrétiens évangélistes dénonçant des attaques qualifiées de systématiques contre cette communauté.
Le Nigeria a salué jeudi son retrait de cette liste.
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Dans l'avion emmenant Blinken à Abuja, un haut fonctionnaire américain a affirmé que l'administration Biden espérait s'engager davantage avec le Nigeria, un contraste implicite avec le manque d'intérêt perçu pour l'Afrique par Trump.
S'exprimant au côté de Blinken, le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama, a écarté les inquiétudes concernant la Chine, affirmant que la puissance asiatique offrait une "grande opportunité" pour un pays ayant besoin d'infrastructures.
"Nous serions allés avec n'importe qui d'autre, fournissant quelque chose à un taux compétitif pour nous", a-t-il déclaré.
Usant d'un langage plus subtil que l'administration Trump, Blinken a affirmé que les Etats-Unis n'étaient pas focalisés sur la Chine mais souhaitaient une "course vers le sommet".
Au Nigeria, Blinken doit également rencontré la société civile.
Pour Oge Onubogu, directrice pour l'Afrique de l'Ouest à l'Institut américain de la paix (Usip), les Etats-Unis doivent traiter plus directement avec le peuple nigérian, pas seulement avec le gouvernement.
"C'est ce que les gens regarderont", estime l'analyste.