Le nouveau président américain Joe Biden était très attendu sur de nombreux sujets par le continent africain. Et en un mois, on peut dire qu’il n’a pas déçu même s’il faut encore lui laisser le temps pour concrétiser certaines décisions, notamment celles relatives à la migration.
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Une chose est toutefois certaine, les relations entre les Etats-Unis et le continent africain qui ont globalement souffert de l’ère Donald Trump connaissent le début d’une nouvelle ère. Ainsi, dans un article précédent son investiture, nous avions dressé une liste de décisions prioritaires attendues par l’Afrique de la part du nouveau locataire de la Maison Blanche parmi lesquels figuraient la migration, les visas, la candidature africaine de l’OMC bloquée par un véto de Trump, le retour de l’aide américaine au développement… En gros, sur tous ces sujets, Biden n’a pas déçu. Mieux, outre le changement de ton en plus, il a aussi promu les fils du continent à des postes clés de l’administration et d’agences américaines.
Changement de politique africaine et de ton en attendant les actes
Contrairement à son prédécesseur qui avait refusé de s’engager véritablement en Afrique, ne nommant un Monsieur Afrique que deux ans après son arrivée au pouvoir, il avait clairement affiché son désintérêt pour le continent.
Pour Joe Biden, les premières décisions laissent présager des relations plus cordiales. D’ailleurs, pour le conseiller sur l’Afrique, il s’est entouré de membre des anciennes équipes de Bill Clinton et Barack Obama.
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A ce titre, on peut noter deux promesses à l’égard du continent. D’abord, l’organisation d’un sommet auquel il conviera les chefs d’Etats africains, à l’instar de celui organisé par Obama en 2014. Ainsi, contrairement à Trump, qui n’a rencontré que quatre chefs d’Etats africains durant son mandat, Biden pourra rencontrer tous les chefs d’Etat du continent.
Ensuite, dans une vidéo adressée à l’Union africain, en marge du 34e sommet de l’UA, il a promis respect, dialogue et même son souhait d’assister «en personne» au prochain sommet de l’institution panafricaine. Ce qui serait une première pour un chef d’Etat américain.
Migration et visa: fin du "Travel ban" de Trump
Biden est très attendu sur la migration et visa qui ont pollué les relations entre le continent africain et l’administration Trump. Et les décisions n’ont pas tardé.
Parmi les premières mesures prises par Biden figure un moratoire de 100 jours sur la plupart des expulsions de migrants. On se rappelle des nombreuses expulsions d’Africains (Guinéens, Sénégalais, Nigérians,…) au début du règne de Trump.
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Ensuite, il a levé l’interdiction d’entrée aux Etats-Unis pour les ressortissants de pays en majorité musulmans parmi lesquels la Libye, le Soudan, le Tchad, la Somalie,… dans le cadre de l’initiative «Travel Ban» de Trump. Il a dans décidé aussi de lever l’interdiction d’immigration frappant quatre pays du continent: Tanzanie, Soudan, Erythrée et Nigeria.
En plus, il s’est engagé sur une vaste réforme migratoire visant à régulariser le statut de 11 millions de sans-papiers aux Etats-Unis dont de nombreux Africains.
OMC: Levé du véto de Trump contre la désignation d’Iweala à la tête de l’OMC
Après le véto opposé par l’administration Trump à la désignation de Ngozi Okonjo-Iweala à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’administration Biden a levé ce véto le 5 février courant en annonçant «son soutien appuyé» à la nigériane.
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«L’administration Biden-Harris est heureuse d’exprimer son soutien appuyé à la candidature du Dr Ngozi Okonjo-Iweala au poste de prochain directeur général de l’OMC», soulignait la nouvelle administration américaine levant ainsi le véto imposé par la précédente qui soutenait la candidature de la ministre sud-coréenne du Commerce Yoo Myung-hee. Cette dernière a du coup renoncé au poste.
Cette levée du véto contre la candidate africaine au poste de directrice de l’OMC était très attendue par les Africains comme symbole de changement à la tête de l’administration américaine. Et le lundi 15 février, Dr Ngozi Okonjo-Iweala est nommée à l’unanimité nouvelle directrice de l’OMC, une première pour une africaine à la tête de l’institution née à Marrakech, au Maroc, en 1994.
Le retour de l’aide américaine et du multilatéralisme
L’aide au développement américaine a chuté durant le mandat de Trump. Une situation qui a beaucoup aidé la Chine à s’implanter davantage sur le continent. Sous Trump, le budget de l’aide au développement des Etats-Unis a été baissé de 28%, l’aide publique aux Etats-Unis a été réduite de 8 à 5 milliards de dollars et les budgets des agences américaines pour le développement international (Usaid), très présentes sur le continent, ont été fortement réduits.
Biden s’est engagé à corriger cette situation en marquant son retour dans les institutions multilatérales.
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C’est à ce titre qu’il a signé le retour des Etats-Unis au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une institution dont les Etats-Unis sont le principal donateur et l’Afrique le principal bénéficiaire. D’ailleurs, c’est l’OMS qui a permis aux pays africains de disposer des premiers tests anti-Covid-19 et les formations nécessaires pour faire face à la pandémie du Covid-19. C’est également elle qui a été derrière l’initiative du programme Covax qui vise à fournir des vaccins aux pays africains.
Et pour marquer son soutien à l’institution, le président américain a promis, lors de la réunion du G7, qui s’est tenue le vendredi 19 février, 4 milliards de dollars pour le programme Covax. Ce qui facilitera l’accès des pays africains aux vaccins anti-Covid-19. Une première tranche de 2 milliards de dollars sera débloquée rapidement, ce qui facilitera l’accès aux vaccins à de nombreux pays africains.
Lutte contre le terrorisme: Lloyd Austin pour le ré-examen du retrait des forces américaines
Alors que l’ancien président Trump s’était engagé dans un processus de retrait des forces américaines de l’Afrique, l’administration Biden s’est engagée à ré-examiner cette décision de retrait.
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L’annonce a été faite aux élus américains par l’ex-général Lloyd Austin. Le premier Afro-Américain à diriger le Pentagone a fait savoir son intention de réexaminer les retraits militaires d’Allemagne et de Somalie voulus par Trump. Il a souligné qu’il jugeait préférable de «se focaliser sur les opérations antiterroristes à l’avenir». Autrement dit, les Etats-Unis continueront à soutenir les opérations de lutte contre le terrorisme en Afrique, notamment au Sahel et en Somalie où les forces spéciales américaines sont présentes.
Des promotions des fils d’Afrique
Au-delà des actes et promesses, le 46e président des Etats-Unis va diriger l’administration la plus diverse de l’histoire des Etats-Unis. A ce titre, il a promu des Africains à des postes clés. Ainsi, Adewale Adeyemo, 39 ans, né au Nigeria, un fils d’immigrés nigérians, a été nommé au poste de secrétaire-adjoint au Trésor, ce qui est l'équivalent d’un vice-ministre des Finances des Etats-Unis. C’est le premier Afro-Américain à occuper un aussi haut poste au sein de ce ministère régalien.
Il a aussi nommé un Africain en tant que dirigeant intérimaire de la Millennium challenge corporation (MCC). Il s’agit de l'Americano-Guinéen Mahmoud Bah. Avant sa nomination, Bah qui a passé plus de 10 ans au MCC avait occupé divers postes dont celui de chef d’équipe pour le portefeuille régional et le représentant de cette agence en Côte d’Ivoire. Cette importante institution créée en 2004 est une agence indépendante du gouvernement américain qui fournit des subventions et une assistance économique à certains pays. Le programme est présent dans une vingtaine d’Etats africains et revendique une approche «innovante» de l’aide publique au développement.
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Ces nominations et tant d’autres pourraient constituer un vecteur d’une politique africaine inscrite dans la logique d’un «troisième mandat Obama».
Reste à savoir si au-delà des annonces et des symboles, Biden insufflera concrètement une nouvelle dynamique dans les relations entre les Etats-Unis et l’Afrique. Une chose est sure, les premiers jalons posés par le président laissent présager une nouvelle dynamique des relations entre les deux parties.