A la découverte des tissus traditionnels du Niger

VidéoAu Niger, les termes «tera tera», «kounta» ou «kanta» désignent les tissus traditionnels, véritable patrimoine culturel. En voie de disparition, des tisserands comme Mounkaila Amadou en plein atelier résistent encore à l’air du temps, en s'activant au musée national du Niger.

Le 27/02/2022 à 09h09, mis à jour le 27/02/2022 à 09h38

Tous les matins, Mounkaila Amadou étale ses œuvres textiles tissées comme le faisait son père aujourd’hui décédé. Âgé de 42 ans, il exerce cette activité depuis 24 ans. Un héritage familial et un savoir-faire qui lui a été transmis par son papa. Ces œuvres textiles tissées, d’une beauté exceptionnelle, sont propres à certaines ethnies du Niger. Et chacune d’elles a une utilisation bien précise.

«Ce pagne s’appelle "tera tera", il est originaire de l’ethnie Djerma. Il est utilisé pendant les cérémonies de mariage, généralement pour couvrir la jeune mariée. Et pour le jeune marié, il s’appelle ‘‘kanta’’, toujours chez les Djerma. Chez les Haoussa, c’est un tout autre motif. Il s’appelle ‘‘kounta’’, il est utilisé comme tapis ou comme cache-mur. Un peu plus loin, nous avons le motif peul, qui, lui, est utilisé pour la confection des tenues. On le mélange aussi avec des tissus en coton pour faire des boubous. Ici, nous avons le motif touareg, on le dépose là où sont assis les guerriers Touaregs. Là nous avons le motif béri béri, utilisé pour coudre des tenues que les femmes vont porter lors des cérémonies. Et enfin celui-ci est le motif sonray, on le met sous la table quand le guerrier doit s’asseoir, il peut aussi servir de couverture», explique le tisserand Mounkaila Amadou.

Faute de matière première disponible pour le tissage d’autres pièces, Mounkaila se contente, juste pour l’instant, de vendre ses étoffes. Outre le Niger, ses clients sont répartis dans le monde entier. Ils apprécient son travail et passent constamment des commandes. Les tarifs varient aussi selon les motifs.

«Le fil que nous utilisons vient du Burkina ou du Mali. On les tisse par bande et une fois terminé on fait l’assemblage des bandes pour obtenir un grand tissu. Le prix des bandes varie en fonction du métrage, soit de 5.000 fcfa à 15.000 fcfa la bande. Vous savez aussi que plus le motif est complexe, plus la bande coûte cher. Une bande peut être confectionnée en une journée, voire deux ou une semaine. J’ai des clients au Sénégal, au Burkina, en Côte d'Ivoire, en Europe et aux Etats-Unis aussi», poursuit-il.

Au Niger, certains créateurs de mode ont eu l’ingénieuse idée d’utiliser ce tissu traditionnel tissé pour le valoriser davantage. Zeinab Ibrahim en est une et depuis des années elle utilise son génie pour valoriser le Niger et son patrimoine à travers ses collections dans lesquelles ce tissu traditionnel tissé est spécialement utilisé.

«Cela a été un choix personnel pour moi de travailler avec les tissus traditionnels tissés du Niger en tant que créatrice. Ce choix aussi a été dicté par ma volonté de montrer la beauté de la femme nigérienne et la valeur de la femme africaine. Ce pagne à une grande valeur pour nous car nos grands parents l’ont porté ainsi que nos parents. Il exprime pour nous le mariage, la famille. Je les mets en valeur sur plusieurs tenues (les vestes, les ensembles femmes, les sacs à main, les ceintures, les chaussures, etc. Quand tu pars à l’extérieur et que tu vois ces pagnes ou ces objets, tu sais que c’est le Niger. Mes clients apprécient beaucoup l’originalité de mes collections et l’identité aussi parce que dès qu’on voit dream fashion on sent que c’est le Niger, on sent que c’est l’Afrique, on sent que ce sont les pagnes tissés par les mains magnifiques de nos artisans et tisserands», explique Zeinab Ibrahim, créatrice de mode nigérienne. 

Le Niger peut compter sur ces ambassadeurs que sont Mounkaila Amadou, Zeinab ibrahim et bien d’autres pour valoriser davantage cette richesse culturelle qu'est le tera-tera. 

Par Aboubacar Sarki (Niamey, correspondance)
Le 27/02/2022 à 09h09, mis à jour le 27/02/2022 à 09h38