Cameroun. Crise anglophone et Boko Haram: le traitement journalistique pointé du doigt

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Le 13/10/2017 à 18h24

Alors que le pays est secoué par différentes crises, les autorités appellent les journalistes à faire preuve d’élan patriotique dans le traitement de l’information. Ce, dans un contexte où d’aucuns assimilent ces appels à une tentative de museler la presse.

Au regard de l’actualité et du contexte sécuritaire actuellement en vigueur au Cameroun, les journalistes sont pris entre deux feux: celui d'assumer leur devoir d’informer et celui d'exercer leurs droits de citoyen. Où se trouve la frontière entre la nécessité d'informer et celle de préserver la paix sociale, à un moment crucial où la crise anglophone sévit dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du pays et où la lutte contre Boko Haram secoue la partie septentrionale du pays.

Comment assurer le traitement d’une information équilibrée si, en donnant la parole aux partisans de la sécession, on peut être accusé de soutenir une organisation terroriste? Comment rester neutre et assurer son devoir de réserve lorsque les évènements cités plus haut interpellent les journalistes? Tel est le dilemme auquel font face les professionnels des médias au Cameroun actuellement.

Idem pour les autorités camerounaises, qui doivent jongler entre le rappel à l’ordre et l’encadrement des médias, sans pour autant empiéter sur la liberté de la presse.

Depuis peu, le Conseil national de la communication (CNC) a lancé une campagne pour mettre fin aux dérives dans le traitement de l’information liée à l’actualité citée. Pour illustrer ces écarts, le CNC a convié les médias à une séance de travail et illustré ses reproches par des extraits de discours haineux entendus dans la presse camerounaise.

Si certains propos font froid dans le dos, difficile pour les médias d’accepter de se laisser dicter une ligne de conduite: celle de l’apaisement que prône le gouvernement camerounais. «En temps de crise comme en temps de paix, la pratique journalistique ne change pas. Le journaliste reste un reporter et non un supporter», déclare Peter Essoka, président du CNC.

L’institution qu’il dirige va poursuivre son travail en multipliant des séances de concertation, tout en insistant sur le devoir de responsabilité des journalistes. Mais des sanctions suivront si des dérives sont manifestes, a souligné le CNC.

L’épée de Damoclès plane donc toujours sur les médias, dont beaucoup ont des choses à se reprocher au regard de leur situation administrative.

«Le travail du journaliste est de collecter, de traiter et de diffuser l’information, mais il y a aussi l’intelligence et la sagesse dans la manière de le faire. Pour traiter l’information, il faut prendre en compte le public mais aussi l’éthique et la déontologie. Quand il s’agit de servir le peuple, il faut savoir quand et où dire certaines choses. Un journaliste qui se dit libre dans son exercice doit contrôler son langage. On ne peut pas encourager ce langage qui invite à la guerre ou à la violence», déclare le président du CNC.

Avant le 1er octobre, la date brandie par les sécessionnistes, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, en a «recadré» certains. Sur les différentes chaînes de télévision et de radio où il est passé, le ministre a fait la promotion du vivre-ensemble. La pilule a eu du mal à passer chez certains, même si au fond, les médias camerounais veulent enrayer l’escalade de la violence.

Par Elisabeth Kouagne (Abidjan, correspondance)
Le 13/10/2017 à 18h24