Dans la cathédrale Notre-Dame du Congo pleine à craquer, le cardinal Laurent Monsengwo a célébré un office religieux à la mémoire des six victimes de la dispersion de marches organisées par des laïcs catholiques le 31 décembre pour demander le départ du président Kabila.
Le nom des six victimes a été cité à trois reprises. Se contentant de célébrer la liturgie, l'archevêque de Kinshasa très critique envers le président a laissé à ses auxiliaires le soin de prononcer des sermons qui ont suscité des salves d'applaudissements, des chants, des slogans et des huées dans la nef et dans la tribune bondée.
"Si nous avons perdu un frère, une soeur, nous avons gagné des héros, des vrais, parce qu'ils ont mêlé leur sang à celui de tous ceux qui sont morts pour l'alternance au pouvoir, gage de la démocratie", a lancé l'évêque auxiliaire Donatien Bafuidinsoni, faisant se lever l'assistance.
Parmi elle, des leaders de l'opposition (Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe) et des activistes du mouvement citoyen Filimbi avec des pancartes demandant la libération d'un de leurs leaders récemment arrêté.
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La messe s'est aussi déroulée en présence des représentants de l'Union européenne et des Etats-Unis, des ambassadeurs de Belgique, de France, du Canada, de Grande-Bretagne, de la Suède, des Pays-Bas, ainsi que du secrétaire de la nonciature apostolique.
Le porte-parole de l'épiscopat, l'Abbé Donatien Nshole, a ensuite invité les fidèles à "barrer pacifiquement la route à toute tentative de confiscation ou prise de pouvoir par des voies non-démocratiques ou anti-constitutionnelles", suscitant de nouvelles réactions enthousiastes.
Des relations exécrables
"On assiste à une campagne d'intoxication, de désinformation, voire de diffamation orchestrée par des responsables des institutions de la République contre l'Eglise catholique et sa hiérarchie. C'est inacceptable", a poursuivi l'abbé Nshole, répétant un message lu la veille dans le cadre feutré d'une conférence de presse, et qui a suscité vendredi dans la cathédrale des huées contre le pouvoir.
Il a dénoncé "la diabolisation" du cardinal Monsengwo, rappelant qu'il est "membre du conseil des neuf cardinaux choisis par le pape François pour le gouvernement de l'Eglise universelle".
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L'homme fort de l'église congolaise et le pouvoir entretiennent de fait des relations exécrables. Le cardinal Monsengwo avait dénoncé la "barbarie" et demandé que les "médiocres dégagent" après les marches du 31 décembre.
Des "propos injurieux", avait déclaré le gouvernement, qui affirme qu'il n'y a pas eu de morts en lien avec ces marches.
Le bilan de six morts est avancé par les Nations unies et la nonciature apostolique.
Les organisateurs de la marche demandaient au président Kabila de déclarer publiquement qu'il quitterait le pouvoir d'ici la fin de l'année.
"La lutte continue, mais pacifiquement, avec nos chapelets", affirme à la fin de la messe une fidèle, Sylvie. "Il faut faire partir la médiocrité".
Cette cérémonie sous haute tension a connu une fin agitée: la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser un attroupement de fidèles sur la chaussée devant l'enceinte de la cathédrale Notre-Dame.
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Bilan: deux blessés légers d'après la police, qui accuse des activistes d'avoir créé "un embouteillage sans précédent" en suivant un chef de l'opposition ayant assisté à la messe, Vital Kamerhe.
L'Eglise, très influente au Congo, avait parrainé fin 2016 un accord majorité-opposition prévoyant des élections au plus tard fin décembre 2017 et le respect des libertés publiques.
Les élections ont été renvoyées au 23 décembre 2018 par les autorités qui ont invoqué des problèmes sécuritaires au Kasai (centre). Toute manifestation d'opposants est interdite en République démocratique du Congo.
Au pouvoir depuis l'assassinat de son père en 2001, élu en 2006, réélu en 2011, le président Kabila, 46 ans, a terminé son deuxième et dernier mandat le 20 décembre 2016 d'après la Constitution qui autorise le président à rester en place jusqu'à l'installation d'un successeur élu.