Il y a quelques jours, le très célèbre «Carrefour caca» à Yaoundé a été vidangé des fosses septiques qui faisaient sa réputation. Situé dans l'arrondissement de Yaoundé 6e, le lieu a été baptisé de la sorte à cause des débordements sur la chaussée quasi fréquents des boues de vidange issues des fosses septiques du camp des logements sociaux à proximité. Un problème quasi insoluble pour la municipalité jusqu'ici. En réalité, le vrai nom du lieu est «Carrefour acacias». Un nom souvent supplanté par la première appellation, une référence plus frappante dans l'esprit des usagers.
De nombreux lieux dans les grandes métropoles camerounaises portent ainsi des noms, les uns plus originaux et fantaisistes que les autres. Notamment, les Carrefours «Sorcier », «Trois morts», «Sans caleçon », «Double balle», «Trois voleurs», etc. La plupart étant des hauts lieux de luxure et de beuverie. Des dénominations très peu commerciales qui ont poussé certains élus locaux à entamer des campagnes d'adressage afin de débaptiser et renommer ces lieux, pour que ceux-ci projettent une meilleure image, notamment auprès des touristes. A l'exemple du «Carrefour j'ai raté ma vie» au quartier Village à Douala, la métropole économique.
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Une appellation due au fait que ce carrefour est un haut lieu de la prostitution dans la ville. La municipalité l'a ainsi renommé «Carrefour Nelson Mandela». Ce qui, chez certains, a provoqué un tollé. Pour les défenseurs de la mémoire de ce héros africain, il est en effet inadmissible d'associer son image à un pareil lieu de débauche. Mais qu'à cela ne tienne, l’appellation Nelson Mandela ne passe de toute façon pas chez les usagers qui estiment avoir plus de repères avec le nom original. D'aucuns préfèrent encore dire «Carrefour Elf », du nom de l'ancienne station-service du géant pétrolier qui s'y trouvait.
Immeuble de la mort
C'est dans le même ordre d'idées que la rue «Trois voleurs» à Bonapriso, un quartier chic de Douala, a été rebaptisé «Place Diman Soppo Ekambi», du nom du commandant en chef des troupes de Bonapriso face aux forces allemandes en décembre 1884. A Yaoundé, l’immeuble de la mort, laissé en abandon pendant de nombreuses années et devenu un repère de coupe-gorges et autres délinquants - d’où son appellation -, a été rebaptisé «immeuble émergence. Il abrite aujourd’hui des départements ministériels, à l’instar du ministère de l’Habitat et du Développement urbain.
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Selon le chercheur Alphonse Bernard Amougou Mbarga, les représentations sociales de l’espace urbain font l’objet d’une interprétation et d’une réappropriation par les populations par-delà les dénominations officielles des autorités publiques. «Produites par l’histoire sociale, les dénominations des rues et des quartiers de la ville de Douala nous plongent dans les stratégies de réappropriation de l’espace et de redéfinition des normes sociales (…) Ce processus des formes de déplacement et de spatialisation se juxtapose à des effets de recomposition, et à des pratiques sociales montrant que la société se construit entre le citadin, le citoyen et le populaire dans une nouvelle forme de percevoir et de pratiquer la ville», écrit-il notamment dans un article publié dans revue «Anthropologie et sociétés» en 2013.