Vidéo. Cameroun: «Ta fille n’est pas ta femme», un million de vues sur Youtube

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Le 18/12/2019 à 12h08, mis à jour le 19/12/2019 à 22h15

VidéoLe single du groupe camerounais X Maleya, vu plus d’un million de fois sur YouTube, a été récompensé par les parlementaires en raison de son engagement contre les violences faites aux femmes. Pourtant, plusieurs chaînes ont refusé de diffuser le vidéogramme de cette chanson. Voici la raison.

Le dernier single du groupe de musique camerounais X Maleya, «Ta fille n’est pas ta femme», a reçu le 11 décembre dernier un «prix spécial» décerné par le Réseau des parlementaires pour la promotion du genre (REPAGE) de l’Assemblée nationale du Cameroun. Selon les parlementaires, cette chanson «est un engagement contre les violences faites aux femmes».

En effet, ce titre est une incitation contre le viol, notamment l’inceste, mais aussi un appel à dénoncer ce phénomène. L’histoire racontée dans cette chanson est celle d’une jeune fille, Amina, partie vivre chez son oncle pour suivre ses études supérieures. Mais ce dernier va abuser d’elle sexuellement pendant des mois, sous le silence coupable de son épouse qui feint d’ignorer la situation au nom de «l’honneur familial».

«Cette chanson, c’est l’histoire d’une voisine qui nous l’a inspirée. Celle-ci s’est finalement suicidée parce qu’elle est tombée enceinte non pas de son oncle, mais de son père. C’est extrêmement choquant», a déclaré Roger Samnig, le lead vocal de X Maleya, dans une interview à la BBC.

Le clip, qui cumule plus d’un million de vues depuis le 27 septembre dernier sur YouTube, est cependant au cœur d’une polémique depuis sa sortie. Certains jugent les images «trop crues», tandis que d’autres saluent ce clip «choc» qui vient ainsi bousculer les codes. Des chaînes de télévision nationales et même internationales ont refusé de le diffuser, expliquant que les scènes sont trop violentes.

«Je ne comprends pas ce qui est choquant en rapport avec la nudité que nous voyons dans les vidéogrammes au quotidien, que ce soit des chaînes généralistes ou des chaînes spécialisées dans la musique. Peut-être ce qui nous gêne, c’est notre propre saleté que nous n’arrivons pas à voir. (…) Il n’y a pas de nudité dans ce clip. Nous décrivons juste ce que certaines personnes ont le malheur de vivre au quotidien. Que certaines chaînes aient décidé de censurer ça, nous respectons mais nous ne comprenons pas», affirme Roger Samnig, dont le groupe a pris part aux 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes organisés du 25 novembre au 10 décembre dernier dans le pays.

«Lorsque la vidéo est sortie, dans notre entourage, nous nous sommes rendus compte que sur 10 femmes, 6 au moins on connu ça. C’est très grave», poursuit-il.

Pour X Maleya, il fallait donc cette vidéo pour dénoncer les violences sexuelles subies par les filles en milieu familial. Un phénomène bien connu, mais qui reste encore tabou dans la société.

Selon une étude du ministère de la Santé publique, 500.000 femmes sont victimes de viol par an dans le pays, dont 18% d’inceste, le plus souvent dès leur jeune âge.

La loi camerounaise condamne par ailleurs le viol et l’inceste. En ce qui concerne l’inceste, la loi dit qu’est punit d'un emprisonnement d'un an à trois ans et d'une amende de 20.000 à 500.000 francs CFA, celui qui a des rapports sexuels avec ses ascendants légitimes ou naturels sans limitation de degré, avec ses frères ou sœurs légitimes ou naturels, germains, consanguins ou utérins.

Malheureusement, plusieurs cas de viols et d’incestes restent impunis parce que les victimes préfèrent se taire par honte, par peur ou par crainte de jeter l’opprobre sur la famille. 

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 18/12/2019 à 12h08, mis à jour le 19/12/2019 à 22h15