Cameroun: quand présenter sa carte nationale d’identité fait défaut, et que l'on se retrouve embarqué au poste

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Le 12/07/2020 à 11h54, mis à jour le 12/07/2020 à 14h55

Peu de Camerounais se déplacent avec ce document officiel, alors même que le contexte sécuritaire est tendu dans certaines villes. Les autorités appellent les citoyens à avoir cette pièce en permanence sur eux pour éviter des «situations désagréables».

Il ne fait pas bon de marcher actuellement dans les rues de Yaoundé, la capitale, sans carte nationale d’identité (CNI) aux heures tardives de la nuit. En effet, suite aux diverses opérations de sécurité menées actuellement par les forces de maintien de l’ordre, ce document fondamental est demandé par les forces de l'ordre. 

De ces opérations de sécurité qui s'accompagnent aussi de «rafles», il se dégage ce constat: très peu de Camerounais ont leur CNI sur eux.

«J’insiste, parce que c’est très important. Les gens doivent marcher avec leurs cartes nationales d’identité. Sur les opérations déjà menées, sur mille personnes, on en trouve rarement trente qui marchent avec leurs CNI. Or, c’est une pièce qui identifie la personne. Il faut que les gens marchent avec leur CNI pour que la police puisse faire son travail et éviter les situations désagréables», explique Naseri Paul Bea, le gouverneur de la région du Centre, dont dépend Yaoundé.

Les usagers expliquent l'absence de ce document par diverses raisons, notamment une certaine négligence.

«Je me rappelle, il y a quelques années, la police a mené une opération de sécurité dans notre quartier. Toutes les personnes interpellées sans CNI étaient conduites au poste de police. Je venais juste de garer mon véhicule pour acheter quelque chose dans une boutique. Tous mes papiers y étaient pourtant. Mais j'ai eu beau l’expliquer, j’ai quand même été embarqué. Depuis cette mésaventure, même lorsque je raccompagne un invité en route, je vérifie que j’ai toujours cette pièce. On ne sait jamais», déclare Pierre A, chauffeur de taxi.

Beaucoup critiquent le fait qu'il y ait des goulots d’étranglement dans l’établissement de cette pièce.

«A l’expiration de ma CNI, je suis allé dans un poste de police pour son renouvellement. Le récépissé qu’on m'a remis a déjà été renouvelé deux fois pour une période de six mois au total. Mais la CNI elle-même n’est toujours pas disponible», explique Thomas, un résident de la capitale camerounaise. 

Afin de sécuriser l'établissement de ce document, la police camerounaise vient de lancer un nouveau système d’identification avec une innovation: l’attribution d’un numéro unique et définitif de CNI à chaque usager.

Face à des cas comme celui de Thomas, la Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN, soit les services de police) ont instauré un numéro vert pour le suivi des dossiers.

Sur ce numéro, les citoyens peuvent notamment être renseignés sur ce qui pourrait ralentir l’établissement de ce document. Généralement, il s'agit de problèmes de double identité, d’erreurs sur les noms ou l’âge, etc. En effet, le nouveau système d’établissement se veut plus rigoureux.

«Certains usagers ainsi coincés réessaient plusieurs fois avec le même résultat. Aussi, parfois, ils préfèrent user de subterfuges en se promenant avec des déclarations de perte de CNI, voire des cartes d’étudiant», confie un officier dans un poste d’identification.

Pourtant, rappelle la DGSN sur son site Internet, la CNI est encadrée par une réglementation dont l’inobservation expose les auteurs à des sanctions pénales.

«Le défaut de carte nationale d’identité, encore appelé non possession de carte nationale d’identité, est une infraction punie par la loi du 19 décembre 1990, en son article 5, instituant la carte nationale d’identité. Les peines vont de 3 mois à 1 an d’emprisonnement et 50.000 à 100.000 francs CFA d’amende», peut-on lire sur le site de la DGSN. 

La loi fait obligation à tout citoyen de présenter sa CNI à toute réquisition. Le refus d'y obtempérer est une infraction réprimée par la même loi en son article 2.

Cette loi ne spécifie aucune peine, mais en cas de refus ou de non présentation, l’article R370, alinéa 12 du Code pénal, punit les auteurs de cette infraction d’un emprisonnement de 5 à 10 jours et d’une amende de 4000 à 25.000 Francs CFA.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 12/07/2020 à 11h54, mis à jour le 12/07/2020 à 14h55