La première apparition de Patrice-Edouard Ngaïssona devant les juges de la CPI a eu lieu deux jours après son extradition depuis la France, où il avait été interpellé en décembre à la suite d'un mandat d'arrêt délivré par la Cour qui siège à La Haye.
Ngaïssona, président de la Fédération centrafricaine de football, est soupçonné d'avoir commis ou aidé à commettre des crimes de guerre et crimes contre l'humanité dans l'ouest de la République centrafricaine entre septembre 2013 et décembre 2014.
L'homme de 51 ans, vêtu d'un costume gris et d'une cravate, s'est montré accommodant, assis derrière son avocat, qui a longuement dénoncé devant les juges de la CPI le "non-respect de la dignité" de son client de la part des forces de l'ordre françaises.
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"Nous avons des réserves" concernant les conditions de détention en France et du transfert de M. Ngaïssona vers les Pays-Bas, a déclaré Eric Plouvier, évoquant une "promiscuité" dans les "geôles françaises", avant d'être épinglé par le juge président.
Passeport diplomatique
"Ce ne sont pas des geôles", et tout d'abord, "nous ne sommes pas là pour parler des institutions françaises", a déclaré Antoine Kesia-Mbe Mindua.
L'accusé a été interpellé en France alors même qu'il était en possession d'un passeport diplomatique au titre de ses fonctions de président de la Fédération centrafricaine de football, a poursuivi la défense.
M. Ngaïssona a par ailleurs "été interrogé par la section de recherches de la gendarmerie de Paris en l'absence de son conseil", a souligné Me Plouvier, ajoutant que son client, diabétique, n'avait pas pu disposer des médicaments nécessaires pendant sa détention à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.
Il a ensuite été "promené, selon ses termes, menotté à l'aéroport de Roissy" (près de Paris) lors de son transfert vers La Haye, ce qui est contraire au respect de ses droits à la dignité, a poursuivi la défense.
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La prochaine audience dans cette affaire est prévue le 18 juin. M. Ngaïssona est notamment accusé de meurtre et tentative de meurtre, extermination, déportation ou transfert forcé de population ainsi que de l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans. Il rejette ces mises en cause.
Créées en 2013 après la prise du pouvoir à Bangui par les rebelles de la coalition de la Séléka, les milices d'autodéfense antibalaka (antimachettes) ont pris les armes, assurant défendre les intérêts des chrétiens face aux exactions des groupes armés musulmans.
Faiseur de paix ou chef de guerre ?
A la chute en 2014 du président Michel Djotodia, issu de la Séléka, ces milices peu structurées se sont lancées dans une chasse aux musulmans dans Bangui et ses environs, faisant des centaines de morts.
Malgré un lourd passif dans son pays à la tête des milices antibalaka, M. Ngaïssona avait réussi à se faire élire dans les instances dirigeantes du football africain, provoquant l'indignation des défenseurs des droits de l'homme.
Brièvement ministre centrafricain des Sports en 2013, il avait été élu en février 2018 au comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF).
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"J'étais un porte-parole qui a amené la paix en Centrafrique et non un chef de guerre", s'était défendu M. Ngaïssona devant la cour d'appel de Paris.
Son arrestation est intervenue quelques semaines seulement après la remise à la CPI d'un autre ex-chef de milice antibalaka, Alfred Yekatom, parfois surnommé Rambo.
Les services de la procureure de la CPI, fondée en 2002 pour juger les pires atrocités commises à travers le monde, ont connu une série d'échecs retentissants devant la justice internationale, qui a récemment acquitté l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo ou l'ex vice-président congolais Jean-Pierre Bemba.