Cameroun: la mort de l’ancien capitaine des Lions indomptables relance le débat sur la fin de carrière des footballeurs

Stephen Tataw, l'ancien capitaine des Lions Indomptables du Cameroun.

Stephen Tataw, l'ancien capitaine des Lions Indomptables du Cameroun. . DR

Le 06/08/2020 à 09h48, mis à jour le 06/08/2020 à 11h03

Alors que les hommages continuent de pleuvoir depuis le décès de Stephen Tataw, survenu le 31 juillet 2020, certaines voix dénoncent le peu de considération des instances sportives locales envers les anciennes gloires du célèbre football camerounais.

Depuis la mort de Stephen Tataw, capitaine des Lions indomptables lors de l’épopée du Mondial 1990 en Italie (première qualification en quarts de finale pour un pays africain), les hommages se multiplient au Cameroun comme dans d'autres pays. .

Parmi ceux-ci, celui de la légende du football argentin, Diego Maradona, qui a posté sur son compte Facebook, le 2 août dernier, deux photos de lui avec Stephen Tataw. Sur la première, ils posent en tant que capitaines de leur équipe respective: les deux joueurs échangent les fanions avant le coup d’envoi du match d’ouverture de cette compétition, le 8 juin 1990, au stade de San Siro de Milan.

Le second cliché posé par Maradona est une phase de match sur laquelle on le voit un corps à corps entre lui et le défenseur camerounais.

Des images qu'il a accompagnées d’un texte sobre: «il y a 30 ans, avec Stephen Tataw, capitaine des Lions indomptables du Cameroun au Mondial 1990 en Italie. Mes respects à ta famille, repose en paix», peut-on lire.

Au Cameroun aussi, les hommages se multiplient pour saluer la carrière du défunt, qui était âgé de 57 ans.

Cependant, certains témoignages sur la Toile pointent avec amertume le peu de considération dans laquelle sont entretenus les anciennes gloires du football camerounais, avec, en toile de fond, un débat entre internautes sur la fin de carrière, souvent difficile, des footballeurs internationaux.

«Nous avons évoqué son parcours sinueux dans l’administration du football qui contrastait avec les strass et paillettes de sa période de capitaine. Comme joueur, tout le monde le connaît fort, viril, engagé, leader naturel d’une équipe par ses prestations haut de gamme. Le gros du public connaît moins qu’il avait les nerfs à fleur de peau face aux frustrations vécues hors du terrain. C’était un vaillant soldat, un joueur aux valeurs bien ancrées. D’une personnalité rigide aux convictions bien établies. Il avait perdu le sourire et son sens de l’humour après sa carrière», raconte l'un de ses anciens coéquipiers, Jules Denis Onana, à propos de l’une de leurs dernières rencontres.

Au moment de son décès, Stephen Tataw était en charge du suivi des sélections nationales à la direction technique nationale, selon le président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), Seidou Mbombo Njoya.

Une fonction loin d’être à la hauteur de ce qu'il était, de l'avis de beaucoup.

«Même ceux qui étaient supposé l’élever, c’est-à-dire les exécutifs successifs à la Fecafoot, ont choisi de le ridiculiser. Savez-vous ce que celui que chacun présente aujourd’hui comme emblématique avait comme tâches il y a quelques années à la Fecafoot? Aller à l’aéroport attendre les équipes et les officiels, même à des heures indues... Comme un coursier de service», s'indigne le journaliste sportif Martin Camus Mimb sur sa page Facebook, qui dénonce aussi l’hypocrisie des témoignages élogieux sur le disparu.

«Le capitaine Tataw ne vivait pas bien et c’est arrivé au point où il se déplaçait en mototaxi, au vu et au su de tous. Sa voiture est restée en panne à la Fecafoot pendant des années et au lieu de l’aider à la réparer, les gens du foot ont plutôt préféré la lui acheter», indique Maboang Kessack, ancien international camerounais.

«On peut nommer quelqu’un sans que ce ne soit suivi d’un accompagnement. Moi par exemple, j’ai fait 5 ans comme sélectionneur-adjoint d'une équipe nationale sans jamais toucher un salaire! (...) Heureusement qu’ici en Europe, nous gagnons nos vies autrement sinon nous serions morts nous aussi. Allez savoir si Tataw avait un salaire. Quel poste occupait-il d’ailleurs? Rien du tout. Le capitaine vivait de dépannage ou si vous voulez de mendicité. Il n’avait pas de salaire», s'est-il exclamé au cours d'une interview sur les ondes d’une radio locale.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 06/08/2020 à 09h48, mis à jour le 06/08/2020 à 11h03