CEDEAO: les ONGS préviennent contre un affaiblissement des pouvoirs de la Cour de Justice

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Le 30/12/2017 à 11h44, mis à jour le 30/12/2017 à 13h31

En Afrique de l’Ouest, c’est au moment où la Cour de Justice de la CEDEAO (CJC) est devenue «un instrument essentiel pour la protection des droits de l’homme» qu'on pense à réduire le nombre de ses juges. ONGs et société civile préviennent qu’une telle réforme affaiblirait l'institution.

Dans une note de sensibilisation et d’orientation sur l’institution judiciaire, la fondation Trust Africa rappelle que la CJC, depuis sa création comme Tribunal à son actuelle forme de Cour Communautaire, est l’une des juridictions internationales les plus évoluées en termes de fonctions, structure et procédures.

«Le mandat élargi de la Cour - permettant l'accès aux personnes physiques et morales; l'application ouverte des normes juridiques de la Cour; et la non-exigence de l'épuisement des recours internes comme condition préalable à la recevabilité d'une plainte – confère à la Cour de la CEDEAO l'autorité la plus large de toutes les juridictions des droits de l'Homme dans le monde», explique la Fondation.

Cette autorité, ajoute Trust Africa, place la Cour dans un rôle stratégique essentiel de reddition des comptes en faveur des victimes de graves violations des droits de l’Homme et de la lutte contre l'impunité. Deux autres éléments contribuent à placer la Cour dans ce rôle.

Il s’agit de sa mission de tenir au moins deux sessions hors-siège chaque année et de la récente directive de la Cour demandant aux Etats membres de désigner une autorité nationale compétente chargée de l’exécution de ses décisions contre l'Etat membre concerné. Avec ces progrès susmentionnés, Trust Africa s’oppose à la réduction des juges de la Cour de sept à cinq, incluse dans la proposition de restructuration des institutions de la CEDEAO – formulée à Monrovia au mois de mai dernier. Trust Africa prévient qu’une telle reforme risque de réduire le nombre de sessions de la Cour.

Accumulation des dossiers et requêtes en instance, affaiblissement de l’autorité de la Cour, retour de l’impunité dans la sous-région sont d’autres risques que craint la fondation. «A défaut d’augmenter le nombre de juges, ne le réduisez pas», lance l’ONG à l’endroit des Etats membres de la CEDEAO. Elle appelle plutôt ces Etats à augmenter le soutien financier à la Cour, à collaborer davantage avec elle et à assurer la mise en œuvre de ses décisions.

Entre autres remarques, Trust Africa conclut que «la proposition de restructuration de la Commission de la CEDEAO bien que louable et noble -au regard de l’efficacité et des résultats recherchés -demeure une démarche malavisée qui détournerait des objectifs de la restructuration si la recommandation de réduction du nombre des juges de la Cour de la CEDEAO était adoptée».

Plusieurs autres associations ONG nationales et internationales s’opposent également à la proposition. Parmi elles, Amnesty international, la Rencontre Africaine de Défense des Droits de l’Homme (RADDHO), le Comité sénégalais des droits de l’Homme, le Forum de la société civile ouest-africaine, le Center for Accountability and Rule of Law (CARL) de la Sierra Leone.

Comme Trust Africa, ces organisations disent également non à une Cour de justice inefficace et appelle les Etats membres de la CEDEAO à rejeter la proposition de réduction du nombre de juges de la CJC. Au Togo, des organisations de la société civile ont récemment exprimé leur inquiétude sur le sujet dans un document de plaidoyer adressé à leur président de la République, Faure Gnassingbé, qui est par ailleurs président en exercice de la CEDEAO.

«Si elles étaient confirmées par la 79e session ordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO, les propositions de réduction des postes statutaires dans l’ensemble des institutions de la CEDEAO formulées par le Comité interministériel ad hoc sur la réforme institutionnelle de la CEDEAO, en faisant passer le nombre de juges de la Cour de justice de sept à cinq, constitueraient une menace certaine pour le fonctionnement et la productivité de l’organe communautaire», ont-elles prévenu.

En Guinée, le juriste Mohamed Camara, analyste politique, s’exprime également contre cette proposition «qui vient supprimer des acquis».

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 30/12/2017 à 11h44, mis à jour le 30/12/2017 à 13h31