Côte d’Ivoire. Présidentielle: 4 candidats et un boulevard pour Ouattara

Les 4 candidats retenus par le Conseil constitutionnel pour la présidentielle du 31 octobre 2020.

Les 4 candidats retenus par le Conseil constitutionnel pour la présidentielle du 31 octobre 2020. . DR

Le 15/09/2020 à 17h13, mis à jour le 15/09/2020 à 17h42

Sur 44 candidats à la présidentielle du 31 octobre prochain, le Conseil constitutionnel n’en a retenu que 4. Le président sortant Alassane Ouattara, qui brigue un 3e mandat lors de ce scrutin, part grand favori devant son principal challenger Henri Konan Bédié.

Le Conseil constitutionnel ivoirien a rendu publique, hier soir, lundi 14 septembre, la liste définitive des candidats retenus pour la présidentielle du 31 octobre 2020. Il s’agit du président sortant Alassane Dramane Ouattara, candidat du RHDP, qui brigue un 3e mandat, de Henri Konan Bédié, candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de Pascal Affi N’Guessan du Front populaire ivoirien (FPI) et de Kouadio Konan Bertin, candidat indépendant et dissident du PDCI.

Le Conseil a -comme chacun pouvait s'y attendre- rejeté les candidatures de Laurent Gbabgbo et Guillaume Soro, qui ont été condamnés par la justice ivoirienne. Le Conseil constitutionnel a également éliminé deux candidats issus du gouvernement de Alassane Ouattara. Il s'agit d' une part, d'Albert Mabri Toikeusse, ex-ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, qui a quitté le gouvernement le 13 mai dernier en s’opposant à la désignation d’Amadou Gon Coulibaly comme candidat du Rassemblement des houphouêtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti au pouvoir. Et d'autre part, de Marcel Amon Tanoh, ex-ministre des Affaires étrangères de Ouattara qui a démissionné de son poste en mars 2020 juste après la désignation du successeur de Ouattata.

En tout, 40 candidatures ont été rejetées par le Conseil constitutionnel.

Parmi les 4 candidats retenus, le président sortant Alassane Ouattara est le grand favori. Il a d’ailleurs promis à ses partisans de passer dès le premier tour. Il compte sur son bilan économique de la dernière décennie, faisant valoir un taux de croissance annuelle du PIB de l’ordre de 8% et qui a permis à la Côte d’Ivoire de se reconstruire après des années de guerre civile et d’instabilité politique. 

Par ailleurs, avec l’invalidation de leurs candidatures, Albert Mabri Toikeusse et Marcel Amon Tanoh -deux anciens proches de Ouattara- devraient revenir au bercail et renforcer le camp présidentiel, évitant ainsi l’éparpillement des voix.

Il a comme principal challenger Henri Konan Bédié, 86 ans, qui se lance dans ce qui devrait être sa dernière tentative pour retrouver le fauteuil présidentiel. Ayant présidé la Côte d’Ivoire de 1993 à 1999, avant d’être renversé par un coup d’Etat militaire, Bédié avait soutenu Ouattara en 2010 (au second tour face à Gbagbo) et en 2015.

En contrepartie, il espérait prendre le flambeau après les deux mandats de Ouattara. Toutefois, ce dernier, à la fin de son mandat, avait souligné la nécessité que les anciens dirigeants laissent la place à la nouvelle génération non impliquée dans les précédentes crises politiques, craignant certainement le retour des vieux démons.

Bédié sera néanmoins le principal adversaire de Ouattara, et ce grâce à l’appareil politique que constitue le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), principale formation politique de l’opposition ivoirienne.

Toutefois, le parti a perdu une partie de son aura. En effet, avec l’«Ivoirité» développée et entretenue par Bédié, le parti a perdu une partie de son électorat, notamment ceux ciblés par ce concept, du fait de leurs origines jugées étrangères. Le vieux continue à jouer sur cette corde sensible d’«Ivoirité» qui plait à certains de ses supporters, mais qui fait peur à certains Ivoiriens et aux 6 millions d’étrangers qui vivent en Côte d’Ivoire.

En outre, l’alignement du PDCI sur le RHDP de Ouattara durant ces dernières années a fait de nombreux mécontents au sein du parti, poussant certaines figures à quitter la formation. D’autres, tout en restant membres, ont décidé de ne pas soutenir la candidature de Bédié.

C’est le cas de Kouadio Konan Bertin, dissident du parti qui s’est porté candidat indépendant et qui figure dans la liste des 4 candidats retenus par le Conseil constitutionnel en tant que candidat indépendant.

L’ancien responsable de la jeunesse du PDCI table sur les jeunes pour faire une percée lors de cette présidentielle et marquer les esprits pour les prochaines échéances. Une chose est sûre, il prendra des voix à Bédié, notamment du côté des jeunes qui aspirent au changement générationnel.

Certains voient dans la validation de sa candidature par le Conseil constitutionnel la volonté des autorités ivoiriennes de mieux diviser l’électorat du principal parti de l’opposition.

Outre ces trois candidats, il faut aussi compter sur Pascal Affi N’Guessan, qui avait obtenu 9,29% des voix lors de la présidentielle de 2015. Réagissant à la diffusion de la liste des candidats, Affi Nguessan a déclaré que «cette liste partielle et partiale m’oblige à une victoire nette pour tourner cette page noire de l’histoire de notre pays».

Seulement, il lui faudrait obtenir le soutien de Laurent Gbagbo, resté populaire en Côte d’Ivoire. Toutefois, le candidat du Front populaire ivoirien (FPI) n’est pas certain de bénéficier du soutien des partisans les plus farouches de l’ancien président ivoirien, notamment de ceux que l’on baptise les «Gor» («Gabgbo ou rien»), qui représentent l’électorat de base du FPI.

Bref, les dés semblent jetés pour un 3e mandat pour le président sortant Alassane Ouattara du fait que l'opposition part en ordre dispersé.

Seule inconnue, comment se déroulera ce scrutin à haut risque? En effet, l’opposition demande depuis quelques mois une réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) qu’elle juge «inféodée» au pouvoir en place. Elle brandit ouvertement la menace d’un boycott du scrutin.

Du coup, les observateurs craignent des violences meurtrières à l’approche du scrutin du 31 octobre. Ainsi, 10 ans après la crise post-électorale de 2010, qui avait fait 3.000 morts après le refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Ouattara, l’annonce de sa candidature a provoqué des affrontements, notamment communautaires, avec une quinzaine de morts en août, le risque d’un nouveau cycle de violence est important.

Par Moussa Diop
Le 15/09/2020 à 17h13, mis à jour le 15/09/2020 à 17h42