«Maître de l'horloge», selon la presse ivoirienne, Alassane Ouattara n'a ouvertement adoubé personne, à trois ans d'une élection qui est déjà dans toutes les têtes.
D'abord, il a désigné un vice-président: Tiémoko Meyliet Koné, un économiste technocrate de 73 ans, méconnu du grand public et sans grande expérience politique en Côte d'Ivoire.
«Le premier message d'Alassane Ouattara c'est qu'il est en position de combat pour 2025. Il ne montre pas qu'il va vers un passage de témoin vers une autre génération», note l'analyste politique Rodrigue Koné.
Le poste de vice-président, vacant depuis deux ans, a son importance puisqu'en cas de décès du chef de l'Etat, c'est lui qui prend sa place et achève son mandat.
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Mais Koné «n'est pas un homme politique, il n'est pas reconnu sur la scène nationale. Il a un profil de technocrate, inoffensif au niveau politique pour Ouattara. On n'est pas dans une logique de transmission du pouvoir», ajoute Rodrigue Koné.
La nomination de Tiémoko Meyliet Koné n'est toutefois pas neutre: elle permet de donner des gages aux populations du nord du pays, dont il est originaire, le bastion électoral du parti au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes et la démocratie et la paix (RHDP).
Car un autre poids lourd de l'exécutif, le Premier ministre Patrick Achi, reconduit dans ses fonctions après un an à ce poste, est lui originaire du sud.
Transfuge du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), ancien parti unique désormais principale formation d'opposition, Patrick Achi fait partie des successeurs potentiels du chef de l'Etat.
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«En le reconduisant, Ouattara veut capitaliser sur son identité. Il vient du PDCI, il est du sud, il est une garantie d'élargissement au-delà de sa base électorale», note Rodrigue Koné.
Patrick Achi n'est pas le seul responsable ivoirien en lice pour prendre la place d'Alassane Ouattara. En février, dans une interview accordée à RFI et France 24, le président avait assuré avoir «une demi douzaine de noms» en tête pour lui succéder.
"Jeux ouverts"
Lors du remaniement de la semaine dernière, tous les titulaires de portefeuilles clés, des fidèles du chef de l'Etat, ont été confirmés dans leurs fonctions, à l'image de Kandia Camara aux Affaires étrangères ou de Téné Birahima Ouattara, son frère, à la Défense.
«On prend les mêmes et on recommence! La révolution attendue n'a pas eu lieu», soulignait le quotidien Le Nouveau Réveil, proche du PDCI, mentionnant un simple «réaménagement politique».
«Le président laisse les jeux ouverts concernant les supputations sur ses héritiers», résume Rodrigue Koné.
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Enfin, Ouattara garde aussi la main sur son parti. Un de ses proches historiques, Gilbert Koné Kafana, a récemment pris du galon en devenant président du directoire du RHDP, faisant reculer dans la hiérarchie du parti Adama Bictogo, autre poids lourd qui montrait des velléités d'indépendance, selon certains observateurs.
Chef de l'Etat depuis 2011, Alassane Ouattara demeure donc plus que jamais aux commandes et ne ferme pas la porte à un nouveau mandat en 2025.
«S'il donne la moindre indication de son intention de quitter le pouvoir, il risque de se démonétiser», estime une source diplomatique.
Reste la question d'un projet de loi pour limiter l'âge des candidats à 75 ans qui sera étudié en fin d'année à l'Assemblée nationale.
En 2025, Alassane Ouattara aura 83 ans. Ses deux grands rivaux, les anciens présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbabgo, qui ne donnent pas non plus l'impression de vouloir passer la main, auront respectivement 91 et 80 ans et seraient également disqualifiés si une telle loi était validée.