Côte d’Ivoire: le scandale des véhicules frauduleusement importés éclabousse des personnalités

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Le 24/05/2018 à 15h11, mis à jour le 24/05/2018 à 15h14

Porsche, Range Rover, Cadillac, Jaguar, Mercedes... Près de 2.000 véhicules de luxe sont au cœur d’un scandale de fraude. Une situation qui a profité à bien des privilégiés de la République.

On en sait un peu plus sur le sombre scandale des véhicules non déclarés aux douanes ivoiriennes. Des transitaires et autres intermédiaires véreux ont appâté et séduit de grosses têtes de la République avec des voitures de luxe à des prix défiant toute concurrence.

Selon plusieurs sources en effet, ces véhicules, qui peuvent atteindre jusqu’à 100 millions de francs CFA l’unité, soit 157.000 euros, étaient vendus 10 à 20 millions, autrement dit bien moins cher que ce qu’auraient pu proposer les concessionnaires légalement installés dans le pays. Une offre rendue possible grâce à un système de fraude qui privait l’Etat ivoirien de plusieurs centaines de milliards de droits de douane.

Des BMW, des Mercedes, des Porsche, des Range Rover, des Cadillac, des Jaguar, des Mercedes et des Lexus faisaient partie des véhicules prisés par les personnalités qui pour certaines ont vu leurs noms dévoilés par l’hebdomadaire ivoirien L’Eléphant déchaîné», à l’origine de l’éclatement de l’affaire.

Parmi les personnalités qui ont mordu à l’appât, l’une des plus emblématiques est l’ex-chef d’Etat Henri Konan Bédié, qui a acquis une Range Rover et une Volvo XC60. Le ministre des Affaires étrangères Amon Tanoh a quant lui acheté une Mercedes Benz et une Range Rover pour son épouse. Des dirigeants d'entreprises privées sont également concernés. On apprend que deux des enfants du patron du groupe NSIA ont acquis une Porsche Cayenne et une Cadillac.

Sur cette liste, l’acquisition la plus impressionnante est celle du pasteur Guy Vincent Kodja, ex-rappeur aujourd’hui à la tête d’une église évangélise. On lui attribue 13 véhicules de luxe frauduleusement immatriculés: des Cadillac, Chrysler, Jaguar, Dodge, Porsche, Mercedes et BMW.

Ce sont au total, selon les chiffres officiels, près de 1.300 véhicules neufs et 9.580 véhicules d’occasion qui ont été sortis du circuit de dédouanement, échappant ainsi aux frais et taxes y afférents.

L’administration douanière ivoirienne, qui espère dans cette affaire renflouer ses caisses à coup de centaines de milliards, a choisi de faire preuve de mansuétude, gageant de la bonne foi des acquéreurs. Il est ainsi demandé aux personnes ayant acheté un véhicule entre janvier 2016 et mars 2018 de vérifier la régularité de leur achat (vérification à faire avec le numéro de châssis sur le site internet des Douanes) et de passer, pour les personnes concernées, régler les frais de douane, sans pénalité, d’ici la fin du mois de juin. 

Pour ceux qui entendent être dans les délais, la facture peut s’avérer déjà salée, du moins du point de vue du citoyen ordinaire. Selon les estimations de L’Eléphant déchaîné, le ministre des Affaires étrangères devrait payer quelque 30 millions de FCFA, soit près de 46.000 d'euros, de droits de douane. Les enfants Diagou devront eux débourser 77 millions de FCFA, soit un peu plus de 117.000 euros, et le pasteur Guy Vincent devra s’acquitter de «plus de 300 millions de FCFA», soit environ 457.000 euros.

Passée la date limite de juin 2018, une traque sera lancée par les services douaniers sur toute l’étendue du territoire national.

Un peu moins d’une vingtaine de personnes ont déjà fait l’objet d’arrestation dans le cadre de l’enquête qui se poursuit. Mais plusieurs patrons d'entreprises de transit impliqués dans ce trafic ont eu le temps s’exiler, fuyant dès les premières heures après que ce scandale ait été révélé au grand jour.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 24/05/2018 à 15h11, mis à jour le 24/05/2018 à 15h14