L'assaut mené jeudi par des jihadistes à Kafolo d'un poste mixte armée-gendarmerie a fait "une dizaine de morts" parmi les militaires, selon le bilan officiel.
C'est la première attaque sur le sol ivoirien depuis l'attentat de Grand Bassam en 2016 (19 morts), alors que les pays voisins - Mali, Burkina et Niger -, subissent une multiplication des violences jihadistes depuis plusieurs années.
A la différence de l'attentat de Grand Bassam, oeuvre de kamikazes qui avaient ouvert le feu contre des civils sur la plage et des terrasses d'hôtel de la station balnéaire, l'attaque de Kafolo a été signée par des combattants aguerris contre une cible militaire.
"La réponse sera à la mesure de cette attaque.La Côte d'Ivoire a les moyens de faire face.Elle l'a démontrée par le passé.Je peux assurer que le niveau d'organisation de nos forces est tel que leur réponse sera rapide", a affirmé jeudi le ministre de la Défense Hamed Bakayoko.
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Le pays avait regagné depuis 2011 une certaine stabilité, après une décennie de troubles, et avait retrouvé sa position de poids lourd poids économique et politique de l'Afrique de l'Ouest.
Et malgré le discours rassurant du gouvernement jeudi, l'exemple du Burkina Faso, entraîné par la spirale jihadiste depuis cinq ans, est dans toutes les têtes.
"Nid de frelons"
"Cela a commencé un peu comme ça au Burkina.Les autorités minimisent l'ampleur de la menace.C'est très préoccupant, estime Mahoumoudou Savadogo, chercheur spécialiste du jihadisme.
Si les "jihadistes ont attaqué un poste de l'armée, c'est qu'ils étaient outillés et entraînés.Qu'ils connaissaient la zone.Il peuvent le refaire", dans un contexte politique marqué par la présidentielle d'octobre.
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Pour lui, comme pour le chercheur Lassina Diarra, auteur de "La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) face au terrorisme transnational", la Katiba Macina, un groupe jihadiste d'origine malienne, essaie de s'installer dans la zone dite des trois frontières (Mali, Burkina, Côte Ivoire), et lorgnerait même le Ghana.
La Katiba Macina, créée en 2015 par le prédicateur malien Amadou Koufa, est affiliée au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), qui a prêté allégeance à Al-Qaïda.
Toutefois, c'est bien l'opération "Comoé", lancée conjointement par les armées ivoirienne et burkinabè en mai pour déloger les jihadistes de la zone, qui semble avoir déclenché l'attaque de jeudi.
"Il y avait un nid de frelons qu'on a dérangé.Ca pique mais c'est logique", note une autre source sécuritaire.
"On peut dire que cette partie de la Côte d'Ivoire était jusque-là une sorte de sanctuaire pour les jihadistes", explique Lassina Diarra.
Lourd bilan
"Il y a des combattants jihadistes expérimentés.L'armée ivoirienne semble avoir plus de capacités que certaines autres de la région, mais sans collaboration avec les autres pays ce sera difficile", dans un contexte de frontières poreuses.
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Une source militaire nuance la montée en puissance de l'armée ivoirienne: "des efforts ont probablement été faits.Mais, là on a dix morts contre un assaillant tué, moins de 15 jours après des opérations de combats dans cette zone rouge.Les soldats devaient être prêts et affutés.Pourquoi le bilan est si lourd ?".
Pour lutter contre des tentatives d'implantation dans le Nord de jihadistes, une source haut placée assurait récemment à l'AFP que des mesures de surveillance de mosquées et de prédicateurs avaient été prises, même dans des zones enclavées, comme Kafolo.
Elle soulignait aussi que le gouvernement avait, dans le cadre d'un meilleur maillage du territoire, inauguré ou réhabilité de nombreux commissariats et gendarmeries à travers le pays.
Autre question importante, la présence ou non de combattants ivoiriens parmi les forces jihadistes."Pour le moment, il ne semble pas y en avoir ou peu", selon Lassina Diarra.
"Plus le jihadisme est endogène, plus il est dur à combattre.Il ne faut pas espérer déraciner en 15 jours des années d'implantation", prévient Mahoumoudou Savadogo.