Dans le quartier populaire d'Adjamé, au cœur d'Abidjan, c'est l'effervescence devant de petites échoppes de fournitures scolaires.
Dans ces «librairies par terre» où l'on vient échanger des manuels scolaires d'occasion pour quelques centaines de francs CFA (moins d'un euro), un sujet revient sur toutes les lèvres des parents d'élèves.
Avant la rentrée, le ministère de l’Éducation nationale a rappelé une règle, tombée en désuétude ces dernières années, interdisant à tout élève ayant moins de 8,5 de moyenne de poursuivre son cursus.
«Qu'est ce qu'on va faire des élèves qui seront exclus? C'est trop drastique!», s'alarme Mariam Eïd, une mère de trois enfants.
«On va en faire des bandits! On veut que l'enseignement soit à la hauteur, mais pas à pas», poursuit-elle, tout en vérifiant que le livre de mathématiques usé qu'elle achète n'a pas de page manquante.
Mais au collège Pierre Amondji d'Adjamé, dont la maxime «Qui cherche la perfection obtient l'excellence» est affichée en lettres capitales sur les murs de la cour, la mesure est plutôt bien accueillie parmi les élèves.
«Je trouve ça positif, ça va nous amener à redoubler d'efforts et travailler plus», estime Djénébou, qui passe le bac en fin d'année.
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«C'est une bonne mesure, le but c'est d'améliorer nos connaissances et sortir avec une bonne formation», renchérit son camarade de classe Seydou.
Mais ce dernier espère que la mesure n'encouragera pas la fraude et notamment le chantage aux bonnes notes aux examens exercé par certains enseignants.
«Certains professeurs sont difficiles...les notes sont très basses et pour passer en classe supérieure on est obligés de négocier avec eux», explique cet élève de Terminale.
Pas exclus du système scolaire
La ministre de l’Éducation Nationale, Mariatou Koné qui vit sa deuxième rentrée à ce poste défend de son côté ce tour de vis.
«C'est une mesure qui existe depuis les années 70 et qu'on rappelle pour inciter les élèves au travail et lutter contre la médiocrité», explique t-elle à l'AFP.
«Les élèves ne seront pas exclus du système scolaire. Il y a des passerelles avec l'enseignement technique et la formation professionnelle», ajoute t-elle espérant «rassurer les parents».
«On ne doit laisser personne de côté. L’État doit réorienter ces élèves dans la formation d'autres métiers. Tous nos enfants sont utiles dans le développement du pays», insiste Claude Kadio Aka, président de l'Organisation des parents d'élèves et étudiants de Côte d'Ivoire (Opeeci).
L'objectif de ces nouvelles réformes est assumé par la ministre: «remonter le niveau» de l'école ivoirienne et revaloriser les diplômes.
Signe de ce durcissement, ces deux dernières années le taux de réussite au bac flirte autour des 30% contre 45% les années précédentes.
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«Nos enfants sont dans des classes élevées et ne savent même pas écrire une phrase élémentaire», soupire Christelle Okingni qui a quatre enfants scolarisés et qui salue l'initiative.
Mais la «mesure des moyennes» ne suffira pas à bouleverser un système scolaire qui manque cruellement de moyens.
«Les élèves se soulèvent régulièrement pour dénoncer le manque de salles de classes et de tables», dénonce un professeur de français d'un établissement de Bouaké (centre), la deuxième ville du pays, qui préfère rester anonyme.
Il n'est en effet pas rare en Côte d'Ivoire de trouver des salles de classes avec 60, voire 80 élèves. Et le manque de professeurs ampute parfois l'année scolaire de plusieurs semaines.
«L'an dernier, nous avons eu un professeur de mathématiques et de sciences physiques seulement après le premier trimestre, ce n'est pas bien pour nous les élèves», déplore Aya, une élève de 5e du collège moderne de Bouaké.
La question de la gratuité se pose également plus que jamais, à l'heure où l'inflation mondiale n'épargne pas les ménages modestes ivoiriens.
Officiellement, l'école publique ivoirienne est gratuite, mais le prix des fournitures, uniformes et cartables grève rapidement le budget. Sans compter des frais d'inscription illégaux parfois demandés par certains établissements.
Mercredi, le gouvernement a notamment annoncé la distribution gratuite de 6 millions de manuels scolaires et 5,3 millions de kits de fournitures ainsi que la mise à disposition de 167.000 tables.