De ce qui ressort de ce dossier, le masque en bois a été emmené du territoire de l’actuel Gabon vers la France en 1917 par René-Victor Fournier, qui travaillait dans l’administration coloniale. Ses descendants vivant dans le sud de la France ont vendu le masque en 2021 à un brocanteur pour la modique somme de 150 euros. Flairant la bonne affaire, le brocanteur a mis ce masque Fang aux enchères. Et il ne s’était pas trompé. Sa mise de départ lui a rapporté une fortune, 4,2 millions d’euros.
Se sentant floués, les anciens propriétaires ont intenté une action en justice contre le brocanteur pour qu’il annule la transaction et leur restitue le masque.
Intervient alors l’État gabonais qui plaide le droit des pays africains de récupérer les biens dont ils ont été spoliés pendant la colonisation.
À Libreville, cette affaire suscite des réactions au sein de l’opinion publique.
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«Des deux côtés, il y a cette reconnaissance de la propriété de cette œuvre. Je crois en la démarche en cours. Je sais en tant que leader culturel que l’Afrique perd environ 500 millions de dollars par an en droits culturels» estime Loyd Labouba, responsable d’une structure culturelle privée à Libreville.
Lors de la vente aux enchères au printemps 2022, un groupe d’activistes gabonais avait exigé la restitution du masque. Aujourd’hui, le gouvernement gabonais exige la restitution du masque, affirmant qu’il a été exporté illégalement hors de son territoire.
De passage au Gabon pour des travaux de recherche sur les écosystèmes de mangrove, Stéphane Mounier, de nationalité française, milite en faveur de la restitution de ce bien culturel au Gabon, dont il devine le caractère précieux. «Si c’était un masque originel, je ne pense même pas qu’il devrait être dans une collection. Il devrait rester dans le pays. Il faudrait donc le récupérer» a dit cet enseignant-chercheur français.
Pour Evelyne, comme Magloire deux citoyens gabonais, la vente de ce masque en France est la conséquence du très peu d’intérêt que les Africains et donc les Gabonais accordent à leur patrimoine culturel. «Ces objets qui sont nos propriétés ne devraient même pas se retrouver au-delà de nos frontières sans aucune procédure d’encadrement. C’est très regrettable car c’est aujourd’hui qu’on mesure l’importance de ce masque» s’est indigné Magloire Biyogue, fonctionnaire au ministère gabonais des affaires sociales.
Ce masque constitue en effet l’arme de justice du rite ngil chez les Fangs. Dissimulé dans la demeure des chefs de cette communauté, il était sollicité secrètement, dans le cas d’un litige insolvable entre deux protagonistes. Avec l’interdiction de ces rites par la métropole, la construction des fétiches prend fin dans les années 1920. Si bien que le monde n’en compte plus qu’une petite dizaine aujourd’hui.