Désy et Délia sont deux jeunes élèves du collège Sainte Marie à Libreville. Elles auraient aimé parler leurs langues, le Myéné et le Fang. C’est peine perdue! Aucune de ces jeunes filles ne connaît un traître mot de son dialecte. Car à la maison, comme à l’école, le français reste le seul vecteur de communication au sein de la société gabonaise.
«Si on vulgarise nos langues locales à l’école, ce serait un avantage parce qu’on pourrait au moins parler nos langues» dit Désy, dans la cour de l’établissement.
À l’image de la plupart des États d’Afrique subsaharienne, le Gabon est un pays multilingue. On y compte près d’une cinquantaine de langues.
Convaincu de la difficulté de choisir une langue nationale parmi tant d’ autres, l’État gabonais a décidé de les promouvoir dans leur totalité. Pourtant, la nécessité pour le Gabon d’adopter une langue nationale revient dans les conversations entre gabonais.
Une première tentative de ce projet gouvernemental avait eu lieu en 1996 avec l’introduction des langues locales dans les établissements scolaires secondaires. Mais très vite, il a été abandonné. Jules Mba est un parent d’élève, favorable à l’enseignement du «gabonais» à l’école.
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«C’est une excellente initiative que d’enseigner toutes les langues du Gabon. Mais tout dépend de la volonté politique. Il appartient au gouvernement de créer les mécanismes d’adoption d’une langue locale commune», soutient-il.
Faute de planification, le même projet relancé par les autorités début 2000 n’a pas non plus abouti. La plupart des langues n’ont jamais été écrites. Finalement, les cours n’ont été dispensés que dans certains établissements pilotes de Libreville, la capitale Gabonaise.
«L’enseignement des langues gabonaises n’existe plus. On recrutait des enseignants que quand les établissements payaient, ce qui représentait une charge financière supplémentaire. La solution a été de supprimer ces programmes», explique Pascaline Chela, censeur pédagogique II du Lycée Sainte Marie.
La langue facilite la communication, les échanges et pourrait être considérée comme un levier du développement. La promotion des langues maternelles est un enjeu multiforme. Pour les linguistes, un enfant apprend mieux dans sa langue maternelle. Et ne pas les introduire dans les programmes scolaires est un drame estiment des professionnels de l’éducation.
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«C’est une perte énorme parce que les langues font partie de notre identité culturelle. Un peuple qui n’a pas de langue nationale ou qui ne sait pas s’exprimer dans sa langue nationale éprouve toutes les difficultés à s’exprimer dans les langues étrangères. La décision ne nous appartient pas. Si jamais les autorités venaient à relancer ce projet, nous en serons heureux», affirme Alix Kisito Mulunghibwague, directeur de la vie scolaire au Collège Bessieux.
L’intégration des langues gabonaises dans le système éducatif est-elle fatalement vouée à l’échec? Le linguiste, Daniel Franck Idiata n’y croit plus. «Je n’y crois plus du tout. Pendant 20 ans on a essayé de se battre». A en croire son propos, la Fondation Raponda Walker avec son programme «Rapido langue», a essayé d’insérer ces langues à l’école, sans succès. De même, les établissements confessionnels «se sont débrouillés» pour financer ces programmes, sans accompagnement de l’État. Le succès n’a jamais été au rendez-vous. C’est vraiment dommage, car «la langue est un outil essentiel de cette identité», dit-il.
Et qui mieux que le Sénégalais Amadou-Mahtar MBow, directeur général de l’UNESCO de 1974 à 1987, pour en parler: «L’expérience a prouvé que tous les efforts d’extension de la scolarisation et de l’alphabétisation n’ont qu’un impact limité aussi longtemps qu’ils ne s’intègrent pas dans les réalités de la vie quotidienne, dont la langue constitue l’aspect essentiel».