Il suffit d’une petite visite dans les plus anciens quartiers de la ville pour prendre la mesure du déclin qui menace un élément de leur patrimoine, la toponymie. Mbaki-Mbaki est un sexagénaire qui habite le secteur dit Taro Bar à Libreville. D’après lui, ce quartier du 3ème arrondissement de la capitale gabonaise portait un nom bien africain, aujourd’hui effacé de la mémoire des nouvelles générations.
«Le nom d’origine c’est Ambirambari en langue Omyéné qui fait référence à deux palmiers qui se trouvaient à la lisière d’autres quartiers. Mais c’est vers 1970-80 que le secteur a été rebaptisé Taro Bar, allusion à un bar très animé du quartier», explique le chef de ce quartier.
Tout le drame de l’érosion de l’identité résumé dans un nom du terroir qui faisait honneur à la flore locale troqué contre celui d’un débit de boissons alcoolisées.
Souvent, les noms des quartiers de Libreville évoquent non seulement le milieu physique où elles été bâties, ses fonctions mais également les conditions d’établissement de ses habitants. Ces appellations portent en elles des événements historiques œuvres de personnages emblématiques qu’ils soient locaux ou étrangers.
Mais c’est sans langue de bois que l’administration locale reconnaît que la restauration de la mémoire de Libreville est nécessaires aux générations futures.
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«Nous avons la toponymie des rues. Aujourd’hui, ce qui manque pour compléter le tableau c’est que les quartiers établissent des noms précis et légiférés. Par exemple, là où nous nous trouvons, c’était une pleine habitée par des ressortissants du Nigeria. Alors, les gens l’appelaient Plein-Niger. Mais le nom d’origine de ce quartier est Nigia. Il va falloir maintenant que le Conseil municipal se réunisse pour statuer définitivement sur les noms officiels des quartiers. Un peu comme on l’avait fait pour la toponymie des rues», a déclaré, Axel Jesson Ayenoué, maire du 4ème arrondissement de Libreville.
C’est donc un problème d’ordre général qui commande une redéfinition des politiques publiques de la ville. Car de plus en plus, Libreville a mal à son identité.
Pour les historiens et anthropologues, il faut remonter dans le temps pour comprendre comment on en est arrivés à la situation actuelle. En 1950, la «commune mixte» de Libreville, comme plusieurs villes d’origine coloniale d’Afrique noire, avait développé une organisation spatiale de type bipolaire avec, d’un côté, les quartiers du gouvernement et de l’administration coloniale où on trouvait des bâtiments administratifs, des villas et un ordonnancement des rues en trames orthogonales et, de l’autre, les quartiers et groupes de quartiers africains administrés par un chef de groupe qui servait de relais entre l’administration coloniale et les populations locales.
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«Le quartier Louis s’appelait à l’origine Anongo Ambani. C’est-à-dire Blancs et Noirs. Et le quartier est devenu Louis parce que c’est le nom porté par le Roi de cette zone qu’on appelait à l’époque Redowé, qu’on a aussi appelé Louis. Je pense que le problème de fond c’est un problème d’abord de réappropriation de l’adressage. Apartir des années 70, la ville a été confrontée à l’exode rural auquel elle n’était pas préparée. Cet exode a créé des bidonvilles à l’intérieur même de Libreville... En même temps, l’appropriation des noms en langue bantu doit être un travail documentaire» recommande Louis Philippe Mbadinga, journaliste et anthropologue.
Privés de musées dignes de nom, les Librevillois ne connaissent pas, ou du moins dans leur majorité, l’histoire de leur ville. Ils ignorent les différents rois qui l’ont gouvernée ni même l’emplacement de leur royaumes. Ils n’ont pas conscience que toutes ces ethnies y ont évu en harmonie.