Les projections de croissance de l’économie mondiale portant sur la période 2022-2027 du FMI sont basées sur le critère du Produit intérieur brut (PIB) exprimé à prix courants (en valeur nominale), c’est-à-dire que la valeur marchande de tous les biens et services est mesurée en utilisant le prix courant du marché, exprimé en dollars.
Rappelons que le PIB est la richesse produite dans un pays sur une période donnée. Il s’agit de la somme des valeurs ajoutées de tous les agents économiques d’un pays (Etat, entreprises, associations…), à laquelle est ajoutée la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et les droits de douane, avant de soustraire les subventions à l’importation. La valeur obtenue est ensuite convertie en dollars américains pour permettre des comparaisons entre pays.
Ainsi, si l’inflation galopante a tendance à augmenter mécaniquement la valeur du PIB des pays lorsque celui-ci est exprimé en monnaie locale, les dépréciations des monnaies du continent vis-à-vis du dollar américain a tendance à réduire et même neutraliser l’effet de la hausse des prix selon les pays.
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A titre d’exemple, au Nigeria, première puissance économique du continent, l’inflation a atteint 21% en septembre dernier, soit son plus haut niveau depuis plus de 17 ans. Celle-ci va impacter le calcul du PIB en monnaie locale. Et la faible dépréciation du naira de 5,26% vis-à-vis du dollar atténue un peu l’impact de l’inflation.
Le Maroc a vu son indice des prix atteindre 8,3% en septembre dernier. Parallèlement, le dirham marocain, globalement stable, s’est déprécié vis-à-vis du dollar de 16,36%, impactant négativement la valeur en dollar du PIB. C’est dire que l’effet de la hausse des prix est plus que neutralisé par la dépréciation de la monnaie marocaine vis-à-vis du dollar.
A l’opposé, des pays vont bénéficier de l’impact de l’inflation sur les prix et de la bonne résilience, voire même de l’appréciation, de leur monnaie vis-à-vis du billet vert américain. Il s’agit de certains pays pétroliers, dont l’Angola et l’Algérie.
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Ainsi, le dinar algérien, qui a débuté l’année avec un taux de change de 139 dinars pour 1 dollar, s’est dépréciée de 5,55% vis-à-vis du dollar à mi-juillet dernier, avant de remonter face au billet vert et de retrouver, le 22 octobre, son taux de change du début d’année, porté par la flambée du cours du baril de pétrole qui a fortement bénéficié à l’économie du pays et à ses réserves de change, sachant que les hydrocarbures représentent presque 95% de ses recettes d’exportation.
Mieux, le kwanza de l’Angola s’est apprécié de 17,78% vis-à-vis du dollar américain. C’est l’une des rares monnaies au monde à s’être appréciée fortement par rapport au dollar depuis le début de l’année. L’Angola, qui a ravi au Nigéria la première place des producteurs africains de pétrole, a tiré pleinement profit de la flambée des cours du baril de l’or noir. Du coup, le PIB angolais a bénéficié aussi bien de l’effet prix que de l’appréciation de la monnaie locale vis-à-vis du dollar.
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Concernant les prévisions, au niveau du continent africain, le PIB devrait passer de 2.980,11 milliards de dollars en 2022 à 4.288,08 milliards de dollars en 2027, soit une hausse de 43,89%. A noter que les 15 pays les plus puissants économiquement du continent devraient afficher un PIB de 2.487,56 milliards de dollars en 2022, soit 83,47% du PIB cumulé des 54 pays du continent. Et en 2027, ce ratio devrait légèrement augmenter à 84,49%. Il ressort que les pays dotés de ressources naturelles (pétrole, gaz, minerais…) figurent parmi ceux devant afficher des croissances de PIB appréciables durant la période 2022-2025.
Toutefois, il ne s’agit que de prévisions basées sur des hypothèses qui peuvent se concrétiser ou non. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à confirmer ou infirmer les prévisions du FMI: flambée ou chute des cours des hydrocarbures, inflation, découvertes de ressources naturelles, crises (sanitaire, économique…), catastrophes naturelles, stratégies de développement, appréciations et dépréciations des monnaies vis-à-vis du dollar, conjoncture économique mondiale…
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Et durant les cinq prochaines années, selon les projections de l’institution de Bretton Woods, d’importants changements sont attendus au niveau du classement des pays les plus puissants économiquement du continent.
L’évolution des PIB (en milliards de dollars) des 15 pays africains les plus riches durant la période 2022-2025 (Source: FMI).
Le Nigeria devrait conserver son rang de première puissance économique africaine sur la période 2022-2027 et surtout creuser son écart vis-à-vis de ses poursuivants les plus proches, à savoir l’Egypte et l’Afrique du Sud. Le PIB du pays le plus peuplé du continent, avec plus de 210 millions d’habitants, devrait presque doubler sur cette courte période en passant de 504,20 milliards de dollars à 945,34 milliards de dollars, soit une progression de 87,49%. Ainsi, en 2029, le Nigeria devrait peser à lui seul 22,05% du PIB du continent.
Si les données brutes du FMI ne donnent pas des indications sur cette exceptionnelle évolution, force est de noter que cette projection corrobore également celle de la Banque mondiale.
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Le Nigeria devrait profiter de sa position de second producteur de pétrole et de pays disposant des plus importantes réserves de gaz, mais aussi de son agriculture, avec les nouvelles orientations des autorités vers ce secteur, et bien sûr des investissements énormes dans les infrastructures.
Outre les importants investissements dans le ferroviaire, les ports en eau profondes et les autoroutes, il faut aussi souligner l’impact du complexe industriel initié par le milliardaire Aliko Dangote. Celui-ci inclut un gazoduc sous-marin, une méga-raffinerie de pétrole d’une capacité de traitement de 650.000 barils par jour, une usine de polypropylène d’une capacité annuelle de 3,6 millions de tonnes, ainsi qu’une usine de production de 3 millions de tonnes d’engrais par an. Ces investissements vont contribuer à diversifier l’économie nigériane encore dépendante des hydrocarbures.
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Loin derrière, l’Egypte devrait consolider sa position de seconde puissance économique du continent en voyant son PIB passer de 469,09 milliards de dollars en 2022 à 664 milliards de dollars en 2027, soit une hausse de 41,55%. Le pays tire profit des découvertes de gaz en Méditerranée et de la bonne santé de nombreux secteurs d’activité (télécoms, industries chimiques...), du secteur agricole, du tourisme (qui reprend après deux années du Covid-19), des infrastructures (villes nouvelles, centrales d’énergies renouvelables…), etc. Il devrait aussi tirer profit des investissements colossaux programmés par de nombreux acteurs européens dans l’hydrogène vert.
Rang | Pays | 2022 | 2023 | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 |
---|---|---|---|---|---|---|---|
1er | Nigeria | 504,20 | 574,27 | 651,34 | 737,97 | 835,82 | 945,34 |
2e | Egypte | 469,09 | 471,36 | 510,85 | 558,07 | 608,77 | 663,99 |
3e | Afrique du Sud | 411,48 | 422,35 | 438,57 | 455,36 | 472,61 | 490,57 |
4e | Algérie | 187,15 | 190,25 | 196,62 | 205,43 | 215,54 | 224,04 |
5e | Maroc | 142,87 | 150,59 | 158,72 | 167,41 | 176,31 | 185,89 |
6e | Angola | 124,79 | 135,56 | 142,20 | 149,08 | 156,46 | 164,41 |
7e | Kenya | 114,86 | 117,56 | 125,10 | 134,24 | 143,96 | 153,41 |
8e | Ethiopie | 111,18 | 126,18 | 140,05 | 156,81 | 175,40 | 192,09 |
9e | Tanzanie | 76,58 | 84,93 | 93,31 | 101,55 | 110,86 | 121,31 |
10e | Ghana | 75,99 | 70,08 | 73 | 76,97 | 81,75 | 87,57 |
11e | Côte d’Ivoire | 68,63 | 72,69 | 79,17 | 86,17 | 93,40 | 100,49 |
12e | RD Congo | 63,91 | 70,35 | 77,16 | 84,53 | 92,49 | 100,81 |
13e | Ouganda | 48,35 | 52,39 | 57,69 | 62,82 | 69,29 | 75,41 |
14e | Tunisie | 46,28 | 46,02 | 48,10 | 50,60 | 53,14 | 55,68 |
15e | Cameroun | 44,21 | 46,02 | 49,69 | 53,58 | 57,72 | 62,16 |
L’évolution des PIB (en milliards de dollars) des 15 pays africains les plus riches durant la période 2022-2025 (Source: FMI).
L’Afrique du Sud, pays le plus industrialisé du continent, devrait maintenir son rang de 3e économie africaine, avec un PIB devant passer de 411,48 milliards de dollars en 2022 à 490,57 milliards de dollars en 2027, soit une hausse de 19,22%. L’économie du pays arc-en-ciel va croître beaucoup moins rapidement que ces des deux premières puissances économiques du continent. Cette faible croissance s’explique par les problèmes structurels que rencontre le pays depuis plusieurs années: coupures d’électricité, déclin du secteur minier, corruption...
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Ces trois puissances sont suivies de loin par l’Algérie et le Maroc. L’Algérie devrait voir son PIB passer de 187,15 milliards de dollars en 2022 à 224,04 milliards de dollars en 2027, soit une hausse de 19,80%. Toutefois, la forte dépendance du pays vis-à-vis des hydrocarbures fait que sa croissance fluctue fortement en fonction de l’évolution du cours de l’or noir. Ainsi, le pays a vu, par exemple, son PIB à prix courant exprimé en dollars se contracter de 15,61%, passant de 171 milliards de dollars en 2019 à 144,3 milliards de dollars en 2020 lors de la chute du cours du pétrole dans le sillage de la pandémie du Covid-19. Et en 2014, année de la flambée des cours du pétrole (le cours du baril avait atteint un pic de 140 dollars), le PIB algérien avait atteint 213,81 milliards de dollars. C’est dire que l’évolution du PIB du pays dépendra uniquement de l’évolution du cours de l’or noir si d’ici là les dirigeants n’arrivent pas à enclencher la diversification économique.
Quant au Maroc, il verra son PIB croître sur la période 2022-2027 de 30,11% (ou +43,02 milliards de dollars). Si l’Algérie restera largement dépendante des hydrocarbures qui pèsent encore plus de 95% des recettes d’exportation du pays, l’économie du Royaume reposera quant à elle sur plusieurs secteurs d’activité dont l’agriculture, l’industrie automobile, l’industrie aéronautique, les services, les phosphates et les investissements dans les infrastructures.
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Pour le Maroc, le modèle qui a donné ses fruits au cours de ces deux dernières années commençant à s’essouffler, en dépit des résultats des nouveaux métiers mondiaux du Maroc (automobile, aéronautique, offshoring, agro-industrie…), la mise en place d’un nouveau modèle économique devrait dynamiser le potentiel de croissance économique du Royaume sur le moyen et le long terme. A ce titre, de nouvelles réformes et le plan de relance industrielle 2021-2023 devraient impacter positivement l’économie marocaine dans les années à venir.
Cependant, selon les projections du FMI, en 2027, le Maroc devrait perdre sa position de 5e puissance économique africaine au profit de l’Ethiopie. Cette dernière, deuxième pays le plus peuplé du continent, avec un peu plus de 110 millions d’habitants, devrait voir son PIB passer de 111,18 milliards de dollars en 2022 à 192,09 milliards de dollars en 2027, soit une hausse de 72,77%.
Après avoir affiché un taux de croissance à deux chiffres durant la période d’avant Covid-19, l’économie éthiopienne devrait continuer à afficher une croissance solide durant les cinq prochaines années et se hisser au 5e rang des puissances économiques du continent en 2027. Elle surclasserait le Maroc (5e en 2022), l’Angola (6e en 2022) et le Kenya (7e en 2022 et 8e en 2027).
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Concernant le top 15 des puissances économiques en 2027, au niveau de l’Afrique de l’Ouest en particulier, la Côte d’Ivoire, 11e en 2022 avec un PIB estimé à 68,63 milliards de dollars, va surclasser le Ghana, 10e en 2022. Accra devrait enregistrer une croissance moindre sur la période 2022-2027, avec un PIB en hausse de 15,26%, passant de 76 milliards de dollars à 87,57 milliards de dollars, alors que le PIB ivoirien devrait croître de 46,44% pour atteindre 100,49 milliards de dollars en 2027.
Idem pour la République démocratique du Congo (RDC), dont le PIB devrait connaître un bond notable, passant de 63,90 milliards de dollars en 2022 à 100,81 milliards de dollars en 2027, soit une croissance de 57,76%, ce qui va permettre au pays d’intégrer le top 10 des puissances économiques africaines en 2027, de justesse devant la Côte d’Ivoire.
In fine, une fois encore, il est utile de rappeler qu’il ne s’agit que de projections de croissance qui dépendent d’une batterie d’hypothèses qui peuvent se réaliser ou pas pour un pays, selon diverses raisons citées plus haut.