Après 5 années d’expérimentation, le Gabon se lance dans la production de semence de riz

Une exposition des variétés de riz gabonais.

Le 29/07/2024 à 09h41

VidéoPlus de 20 ans après des tentatives infructueuses, des chercheurs locaux et des experts sud-coréens se sont lancés dans la production de semences de riz. Cinq ans après la mise en place du premier champ d’expérimentation, la première dégustation vient d’avoir lieu sur le site de Kougouleu à 85 kilomètres de Libreville.

À perte de vue, plusieurs plates-formes d’expérimentation de riz gabonais accueillent cinq nouvelles variétés en pleine maturation, depuis six ans, avec un fond génétique provenant de la Corée du Sud. Testée à Kougouleu, un village situé à 85 kilomètres de Libreville, cette production de semences adaptées au sol gabonais vient aussi répondre à la préoccupation sur l’absence du riz made in Gabon sur le marché.

Grand importateur de riz avec une dépense annuelle estimée à 250 milliards de francs CFA, soit près de 400 millions d’euros, le Gabon est décidé à sortir de cette dépendance alimentaire. «Ce que nous achetons ne représente que 7% de la production mondiale. Alors si le riz est un aliment important pour notre vie, il faut donc que nous nous mettions à le produire nous-mêmes. C’est l’objet des études de recherche que nous menons au Gabon avec le test de variétés de riz sur des champs expérimentaux sur ce site», a déclaré Alfred Ngomanda, commissaire général du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (Cenarest).

C’est donc face à cette réalité que les responsables de l’Institut de recherche technologique du Gabon et l’ambassade de Corée ont lancé, le 9 octobre 2019 à Libreville, le projet de culture de riz dénommé Kafaci. Pe Dr Yonelle Moukoumbi Dea parle avec émotion d’une initiative qu’elle pilote de bout en bout depuis 2019. «Ce travail a permis de créer des variétés prêtes pour aboutir enfin au premier catalogue national des variétés. Je ne sais pas comment expliquer la joie qui m’anime aujourd’hui. C’est le couronnement des années de travail», a dit toute émue la coordinatrice du Programme National de Sélection et d’Amélioration Variétale-Production de semences (PNSAV-PS).

À l’issue de la genèse de l’ambitieux programme du Gabon et son évolution, l’utile a été jointe à l’agréable. Le panel d’invités de marque dont la présidente du Sénat du Gabon, Paulette Missambo, le Dr Papa Abdoulaye Seck, académicien en sciences agricoles, venu du Sénégal, et les populations du village Kougouleu sont passés à table pour savourer trois variétés de riz local déjà homologuées par les autorités du pays. Et chacun y est allé de son commentaire. «Nous venons de faire plusieurs découvertes. Notamment le riz n°1 et n°2 qui sont d’apparence similaire avec la particularité d’être collants et lorsqu’on goûte le riz numéro 3, il est bien celui que nous avons l’habitude de consommer», déclare Olga Mawondi, directrice générale du développement rural au ministère gabonais de l’Agriculture.

Au-delà de cette saveur partagée, certains dégustateurs ont émis le souhait que l’État accompagne davantage les entrepreneurs agricoles dans leurs efforts de production céréalière. «On ne peut pas planter beaucoup de riz si on n’a pas beaucoup de terre. Ici, c’est un site de l’agriculture qui a été prêté pour l’expérience. Nous voulons des terres sécurisées dans nos villages, dans nos départements pour que nous puissions lancer non pas seulement le riz, mais toutes les autres cultures», a déclaré Adèle Nkague Mba, agricultrice.

Dans cet élan de relance de la culture du riz au Gabon, Serge Ndzeng Ango, agent public de l’État, pense que le projet est une niche d’emplois en perspective, «je pense qu’il est très important que le gouvernement mette un accent particulier sur la riziculture parce que c’est un secteur encore vierge», plaide-t-il.

Rappelons qu’à travers ce programme, le Gabon veut réduire sa dépendance aux importations de cet aliment de base. Selon les données du Conseil gabonais des chargeurs, le pays a importé plus de 95.286 tonnes de riz en 2023, représentant une dépense de plus de 41 milliards de FCFA.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 29/07/2024 à 09h41