Banque africaine de développement: 17 pays afficheront des taux de croissance entre 5 et 11% en 2023 et 2024

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Le 26/05/2023 à 10h57

La Banque africaine de développement (BAD) est plutôt optimiste quant aux perspectives de croissance des économies africaines. Selon les nouvelles projections de son rapport annuel présenté en marge des 58èmes Assemblées annuelles qui se déroulent actuellement à Charm el-Cheikh en Egypte, le continent devrait afficher une hausse de son Produit intérieur brut (PIB) de 4% en 2023 et 4,3% en 2024. Toutefois, ces moyennes cachent des divergences énormes entre les 54 pays du Continent. Ainsi, 17 pays africains devraient enregistrer des croissances supérieures à 5%, aussi bien en 2023 qu’en 2024, selon les projections de la banque panafricaine. Décryptage.

En dépit des conséquences des turbulences occasionnées par la crise ukrainienne, les perspectives économiques restent positives et stables pour l’Afrique. Selon une vision générale, le continent africain devrait afficher un taux de croissance de 4% en 2023 et 4,3% en 2024, contre 3,8% en 2022, selon les projections du rapport de la BAD: «Perspectives économiques en Afrique 2023: mobiliser les financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique».

Selon le rapport, «cette résistance continue sera étayée par les améliorations attendues des conditions économiques mondiales, alimentées par la réouverture de la Chine et un ajustement à la baisse des taux d’intérêt à mesure que les effets du resserrement de la politique monétaire sur l’inflation commenceront à porter leurs fruits. La reprise prévue de la croissance reflètera la réactivité des pays aux évolutions mondiales, en fonction des caractéristiques économiques sous-jacentes».

Malgré cette résilience, la croissance des économies africaines, prises globalement, est sujette à plusieurs risques qui incitent à un optimisme prudent. Outre le resserrement des conditions financières mondiales qui affecte particulièrement les économies africaines, l’appréciation du dollar face aux monnaies africaines et ses effets sur les coûts du service de la dette, le niveau élevé des dettes publiques de nombreux pays du continent, la détérioration des situations budgétaires à cause des subventions liées à la flambée des prix des carburants et des produits alimentaires, la persistance de la crise ukrainienne qui accroît l’incertitude et qui pèse sur l’insécurité alimentaire et le coût de la vie en Afrique, le niveau de la demande des matières premières africaines, les conflits internes, les risques politiques… sont autant de facteurs qui peuvent compromettre les évolutions des PIB de nombreux pays africains et fausser les perspectives.

Par conséquent, la croissance ne sera pas uniforme. Certaines régions du continent afficheront des croissances meilleures que d’autres.

Ainsi, en l’Afrique du Nord, la croissance devrait atteindre 4,6% en 2023 et 4,4% en 2024 grâce en grande partie aux reprises au Maroc et en Libye. La Libye devrait voir sa croissance passer d’une récession de -12,1% en 2022, à une croissance de 17,9% en 2023 et 8,0% en 2024, grâce à une évolution favorable de la production. Quant au Maroc, la croissance devrait évoluer de 1,1% en 2022, à cause d’une sécheresse aigüe, à 3,3% en 2023 et 3,5% en 2024.

En Afrique centrale, la croissance va baisser passant de 5,0% en 2022, à 4,9% en 2023 et 4,6% en 2024, à cause de la tendance baissière des cours des matières premières et des produits pétroliers.

L’Afrique australe devrait afficher la plus faible croissance régionale du continent à cause des mauvaises performances de l’économie sud-africaine, troisième puissance économique du continent et dont le PIB devrait stagner avec une évolution de 0,2% en 2023 avant de croître de 1,5% en 2024. Une situation qui va impacter négativement sur la dynamique de la région dont le PIB devrait croitre de 1,6% en 2023 et 2,7% en 2024.

En Afrique de l’Ouest aussi, la croissance sera atténuée par les grandes économies de la région, le Nigeria et surtout le Ghana dont la croissance du PIB devrait s’établir à seulement 1,7% en 2023. La croissance du PIB de la région devrait se situer à 3,9% en 2023 avant de monter à 4,2% en 2024. Toutefois, neuf pays de la région vont afficher des taux de croissance supérieur à 5% en 2023 et 10% en 2024.

Enfin, l’Afrique de l’Est devrait afficher la meilleure performance avec un PIB en hausse de 5,1% en 2023 et 5,8% en 2024. Cette croissance sera portée par l’Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et le Rwanda.

Evolution de la croissance par région

Source: BAD

Reste que globalement, les taux de croissance régionaux cachent des inégalités de croissance notables. De nombreux pays africains devraient afficher des croissances fortes en 2023 et 2024. Selon les projections de la BAD, 18 pays africains pourront afficher des taux de croissance supérieurs à 5% en 2023. Leur nombre pourrait atteindre 22 en 2024. C’est dire que globalement les perspectives de croissance des pays africains sont bonnes.

Selon ces projections, la palme de la croissance du PIB du continent devrait revenir à la Libye. Le pays devrait bénéficier du calme apparent et surtout de la reprise de la production de pétrole depuis le début de l’année en se hissant au second rang des producteurs africains de l’or noir derrière le Nigeria. Ainsi, après une récession de -12,1% en 2022, le pays devrait renouer avec une croissance de 17,9% en 2023, grâce en partie à l’effet rattrapage, et 8,0% en 2024. Toutefois, les performances du pays seront fonction de la stabilité politique.

Outre la Libye, la République démocratique du Congo (RDC) devrait bénéficier des taux de croissance de l’ordre de 8,0% en 2023 et 7,2% en 2024, grâce notamment à son secteur extractif qui devrait afficher des croissances de 12% en 2023 et 2024. Le pays va bénéficier des impacts positions de la transition énergétique sur son secteur minier encore faiblement exploité. En outre, le pays devrait tirer profit des investissements prioritaires du Programme de transformation agricole.

Toutefois, la forte dépendance de l’économie congolaise des exportations de minerais (98,9% des exportations) constitue un risque majeur dans un contexte d’incertitude marquée par la crise ukrainienne, la chute des cours de certaines matières premières… L’insécurité à l’Est du pays constitue aussi une source de risque sur la croissance du pays.

Le Niger également figure en bonne place des pays devant enregistrer de fortes croissances en 2023 et 2024 avec des évolutions attendues respectivement de 7% et 11,8%. Si tous les secteurs d’activité devraient contribuer à cette croissance, ce sont les hydrocarbures qui en seront la locomotive grâce à la mise en service du nouvel oléoduc qui permettra d’acheminer le pétrole nigérien via le Bénin.

En ce qui concerne le Sénégal, la BAD a revu à la baisse de moitié sa prévision de croissance au titre de 2023 à seulement 5% au lieu de 10% initialement prévus. Cette forte révision s’explique par le retard du démarrage de la production du pétrole et du gaz. Selon les dernières prévisions, il faudra attendre le dernier trimestre de l’année pour espérer le début de l’exploitation des gisements de gaz et de pétrole. Pour cette année, la croissance sera donc portée par le secteur agricole. La situation devrait évoluer à partir de 2024, année durant laquelle la croissance pourrait atteindre 9,8% grâce aux hydrocarbures.

Enfin, le Rwanda maintient sa position de l’une des économies les plus dynamiques du continent. Après avoir réalisé une croissance de 10,9 en 2021 et un ralentissement à 8,2% en 2022, en raison des chocs climatiques qui ont fortement affecté sa production agricole et de la flambée des cours de nombreux produits importées (pétrole, engrais, denrées alimentaires…), à cause de la guerre en Ukraine, le pays des mille collines devrait maintenir son trend de croissance vigoureuse avec des taux de croissance de l’ordre de 7,3% en 2023 et 8,0% en 2024. La production agricole, les exportations, le tourisme et les services seront les locomotives de cette croissance. De même, celle-ci bénéficiera de la vision audacieuse de la neutralité carbone d’ici 2050 qui se traduit par des interventions ambitieuses d’adaptation et d’atténuation du changement climatique, pour un coût de 11 milliards de dollars d’ici 2030.

Les 17 pays africains devant enregistrer des taux de croissances prévisionnelles supérieurs à 5% en 2023p et 2024p

PaysCroissance du PIB 2022e (%)Croissance du PIB 2023p (%)Croissance du PIB 2024p (%)
Libye-12,117,98,0
RDC8,58,07,2
Niger7,27,011,8
Rwanda8,27,68,0
Côte d’Ivoire10,57,27,0
Ouganda6,36,56,7
Togo5,56,36,6
Bénin6,06,26,0
Ethiopie5,35,86,2
Cabo Verde10,55,76,2
Kenya5,55,66,0
Sénégal4,05,59,8
Guinée4,85,55,6
Djibouti3,75,46,5
Tanzanie4,75,36,3
Gambie4,45,25,6
Mali3,75,15,3

Source: BAD

Par Moussa Diop
Le 26/05/2023 à 10h57