Les pays les plus riches d’Afrique de 2021 à 2028, selon les dernières données du FMI

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Le 15/04/2023 à 15h20

Le Fonds monétaire international a mis à jour ses données relatives à la richesse mondiale. Mesurées sur la base du Produit intérieur brut (PIB), à prix courant, exprimé en dollar, l’institution étend ses projections de croissance des pays à l’horizon 2028. En Afrique, il ressort des projections du FMI actualisées que le ranking des 10 pays les plus riches d’Afrique connaîtra quelques bouleversements. Décryptage.

En dépit d’un environnement incertain, les projections du Fonds monétaire international (FMI) sur la période 2021-2028 laissent apparaitre une progression sensible du PIB (mesure globalement retenue pour évaluer la richesse d’un pays) du continent africain, tirée particulièrement par ses grandes puissances.

Selon les données actualisées de l’institution relative au produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire la quantification de la valeur totale de la «production de richesse» annuelle effectuée par les agents économiques résidant à l’intérieur d’un pays, à prix courant, exprimé en dollar pour faciliter les comparaisons, le classement des 10 pays les plus riches du continent africain va connaitre quelques chamboulements durant la période 2021-2028.

Globalement, ce Top 10 des pays les plus riches du continent de la période comprend les pays les plus peuplés (Nigeria, Ethiopie, Egypte, RDC, Afrique du Sud, Tanzanie…) et disposant d’importantes ressources naturelles (pétrole, gaz, minerais…).

Sur la période 2021-2028, ces pays verront leur PIB cumulé passer de 2.000 milliards à 3.145 milliards de dollars, soit une progression 57,25%.

Si la richesse des grandes économies africaines va croitre sensiblement durant la période, cette forte croissance ne sera pas uniforme. La Côte d’Ivoire et le Ghana quittent ce Top 10 alors que l’Angola fait son retour grâce à l’envolée du cours du baril de pétrole dont il est le second producteur africain et la RDC y fait son entrée. De plus, d’autres pays ont réussi à améliorer leur classement.

Selon les nouvelles projections, le Nigeria demeure, et pour longtemps encore, la première économie du continent. Après avoir repris sa place de premier producteur de pétrole africain, le Nigeria, qui dispose d’un PIB de 477 milliards de dollars en 2022, devrait voir sa richesse croitre fortement durant les années à venir pour atteindre 915 milliards de dollars en 2028, soit 438 milliards de dollars additionnels.

Le géant africain devrait largement creuser la différence avec son poursuivant immédiat, l’Egypte. L’écart de PIB entre les deux premières puissance économiques du continent devant passer de 18 milliards de dollars en 2021 à 405 milliards. Mieux, la richesse du Nigeria doublera presque celle de l’Afrique du Sud (468,56 milliards de dollars en 2028).

Premier producteur de pétrole et disposant des réserves de gaz les plus importantes d’Afrique, le Nigeria s’appuie sur sa démographie de 220 millions de consommateurs. Il reste que bien en cours de diversification accélérée, l’économie nigériane demeure dépendante des hydrocarbures

L’agriculture et l’industrie devraient peser davantage dans le PIB du pays dans les années à venir. En ce qui concerne l’agriculture, le pays y investi afin de retrouver son rang de pays agricole du début des années 1970. Avec plus de 80 millions de terres arables et des ressources hydriques abondantes, le Nigeria dispose de bien d’atouts pour réussir une révolution agricole.

Sur le plan industriel, les riches hommes d’affaires du pays contribuent à transformer le pays, à l’instar de l’homme le plus riche d’Afrique qui construit actuellement la plus grande raffinerie de pétrole d’Afrique, les plus grandes cimenteries du continent, après avoir réalisé la plus grande usine d’engrais d’Afrique. Cette diversification et la politique des grands projets d’infrastructures (ports en eau profonde, autoroutes, chemin de fer…) menée au cours de ces dernières années devraient booster l’économie nigériane dans les années à venir.

Derrière la première puissance économique africaine devrait suivre l’Egypte avec un PIB de 510 milliards de dollars en 2028, contre 475 milliards de dollars en 2022, soit une croissance de 7,37%. Après avoir tiré profit des réformes structurelles entamées après la crise aigüe de 2016, l’économie égyptienne a été durement affectée par la pandémie du Covid-19 qui a impacté négativement sur son secteur stratégique du tourisme et la crise Russie-Ukraine qui a grevé ses finances publiques.

Une situation qui a plombée la monnaie locale et aggravé l’inflation importée dans le sillage de la flambée des cours des produits agricoles et alimentaires, notamment le blé dont le pays est le premier importateur mondial avec 13 millions de tonnes importés annuellement pour nourrir environ 110 millions d’Egyptiens.

La faible évolution du PIB durant la période 2022-2028 s’explique aussi et surtout par l’affaiblissement de la livre égyptienne qui a perdu, à coup de «dévaluations» sa valeur par rapport au dollar américain. Elle est d’ailleurs derrière les chutes projetées du PIB du pays en 2023 (387 milliards de dollars) et 2024 (368 milliards de dollars).

En effet, la monnaie égyptienne a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. En plus, la politique d’endettement pour financer de grands projets dont la nouvelle capitale ont fortement contribué à plomber l’économie en absorbant des ressources qui pouvaient être orientées vers des secteurs productifs. Pour corriger le tir, l’Etat égyptien table sur des privatisations massives afin d’accorder au secteur privé un rôle fondamental dans le développement du pays où des pans entiers de l’économie sont encore sous l’emprise de l’armée.

Quant à l’Afrique du Sud, si elle arrive à reprendre la seconde place de puissance économique du continent à l’Egypte durant la période 2023-2026, elle devrait finir par céder, une fois encore, cette seconde place à l’Egypte à partir 2027.

Les problèmes structurels que traverse l’Afrique du Sud, notamment le déficit d’électricité, mais aussi les problèmes de corruption et d’insécurité font que le pays ne devrait voir son PIB croître sur période 2022-2028 que de 62 milliards de dollars, passant de 406 à 468 milliards de dollars, soit une évolution de 8,87%.

Une situation qui n’est que le reflet du déclin économique du pays le plus industrialisé du continent. Les sévères coupures d’électricité, la corruption, l’inflation et les réseaux logistiques délabrés plombe l’économie sud-africaine. Le pays le plus industrialisé du continent et riche en matières premières est plombé par ses dirigeants qui n’arrivent pas à avoir une vision stratégique pour sortir le pays du marasme et de la corruption. Leur incapacité à trouver des solutions au problème énergétique du pays depuis de nombreuses années donne une idée de la qualité de gouvernance du pays telle que pratiquée par l’élite actuellement au pouvoir.

Si le Top 3 des pays les plus riches d’Afrique ne devrait connaître de changement qu’à fin 2028, l’Algérie devra céder la 4e place de puissance africaine en terme de PIB à l’Ethiopie. Après une décennie 2010-2020 de forte croissance, le second pays le plus peuplé d’Afrique compte renouer avec des croissance à deux chiffres durant la décennie 2020-2030 avec un objectif de croissance annuelle moyenne de 10,2% sur la période. Après les impacts de la pandémie du Covid-19, de la crise Ukraine et surtout de la guerre au Tigré, l’économie éthiopienne a connu un ralentissement au cours de ces trois dernières années, tout en réalisant des croissances globalement appréciables.

Avec la signature de l’accord de paix au Tigré, le PIB du pays devrait reprendre son trend haussier à un rythme élevé grâce à la contribution de tous les secteurs: agriculture, industrie manufacturière, tourisme, mines… A noter qu’au niveau agricole, le pays table, cette année, sur une production record de 7 millions de tonnes de blé, soit presque la quantité nécessaire pour atteindre l’autosuffisance pour cette céréales. Le pays pourra aussi compter durant la période 2022-2028 de l’exploitation de son gigantesque barrage hydroélectrique de 6.450 MW de capacité de production qui va fortement accompagner le développement industriel et l’électrification du pays.

Selon les projections du FMI, l’Algérie sera reléguée au 5e rang des pays les plus riches du continent en terme de PIB. Le pays verra son PIB passer de 195 milliards de dollars en 2022 à 233 milliards de dollars en 2028 (soit 38 milliards de dollars additionnels), grâce quasi exclusivement à la rente pétrolière qui pèse encore plus de 95% des recettes d’exportation du pays.

Une situation qui s’explique par l’incapacité des autorités algériennes à déclencher une véritable diversification économique pour en finir avec la dépendance pétrolière. L’absence de vision stratégique explique en grande partie cette dépendance à la rente pétrolière en dépit des potentialités énormes dont regorge le pays pour enclencher une véritable sortie du presque tout pétrole et gaz.

De même, le Maroc devra aussi céder une place et occuper le 6e rang des grandes économies africaines avec un PIB devant passer de 138 milliards de dollars à 182 milliards de dollars sur la période 2022-2028, soit une hausse de 44 milliards de dollars.

Les politiques et réformes entreprises durant la décennie écoulée ont permis d’approfondir la transformation de l’économie marocaine avec notamment l’impact des nouveaux métiers mondiaux: automobile, aéronautique, offshoring… qui contribuent fortement à la création d’emplois et à la hausse des exportations. Le succès du secteur automobile illustre cette réussite avec environ 200.000 emplois et autour de 10 milliards de dollars de recettes d’exportation illustrent ces succès. Toutefois, le plan de relance industrielle 2021-2023, basé surtout sur la substitution des importations par la production locale, a été plombé par la conjoncture mondiale difficile de ces trois dernières années.


Derrière ces six pays suivent le Kenya (152 milliards de dollars), l’Angola (151,54), la Tanzanie (136) et la République démocratique du Congo (RDC) qui intègrera le Top 10 des puissances économiques africaines avec un PIB devant passer de 63 milliards de dollars en 2022 à 117 milliards en 2028.

Evolutions projetées des PIB des grandes économies africaines (en milliards de dollars)

Rang en 2028Pays20212022202320242025202620272028
1erNigeria441477507554662708805916
2eEgypte423475387368401434470510
3eAfrique du Sud419406399415430444457468
4eEthiopie99120156184213235256281
5eAlgérie163195206211218225229233
6eMaroc143138139147155164172182
7eKenya110116118121129136144152
8eAngola75121118124130136143151
9eTanzanie70778594103112124136
10eRD Congo566369778695106117

Source: données du FMI

La RDC est l’une des économies africaines devant réaliser d’appréciables croissances au cours des années à venir grâce notamment à sa production minière et aux réformes structurelles mises en place par les autorités. La RDC est l’un des pays ayant le sous-sol les plus riches au monde en ressources naturelles: pétrole, gaz, or, diamant, cobalt, lithium, cuivre, coltan… La transition énergétique devrait booster l’économie congolaise qui concentre une grande quantité de minerais dits stratégiques.

Enfin, il faut souligner que les projections du FMI sont assujetties à plusieurs risques et incertitudes qui peuvent impacter sur les évolutions du PIB des différents pays durant cette période. Ces incertitudes sont liées à l’inflation, aux déficits des comptes courants qui se creusent, aux déficits budgétaires qui se détériorent, aux monnaies qui se déprécient fortement, aux risques politiques et géopolitiques, aux évolutions des cours des matières premières, notamment des hydrocarbures,...

Par Moussa Diop
Le 15/04/2023 à 15h20