La reprise forte de la croissance tant attendue des économies africaines ne sera pas au rendez-vous cette année, si on se fie aux nouvelles prévisions de croissance de le Banque mondiale. Il faut dire que la conjoncture économique mondiale n’est pas des plus favorables.
L’inflation, le resserrement des conditions financières mondiales, les tensions sur les prix des denrées alimentaires et les perturbations des chaines d’approvisionnement aggravées par la guerre Russie-Ukraine figurent parmi les principaux facteurs qui entravent la croissance économique. A ces paramètres, se greffent également la précarité des situations budgétaires, les poids des services de dette, les fortes dépréciations des monnaies africaines et la baisse des cours de certaines matières premières… Ce sont autant de facteurs qui impactent négativement sur la croissance des économies africaines. A ces facteurs, qui touchent toutes les économies africaines, viennent s’ajouter ceux spécifiques aux difficultés conjoncturelles et/ou structurelles de chacun des pays.
Ainsi, «par rapport aux prévisions de juin, la croissance a été revue à la baisse pour près de 60% des pays, y compris pour plus de 70% des exportateurs de métaux qui devraient être pénalisés par la poursuite de la baisse des cours mondiaux», souligne le rapport de la Banque mondiale.
Lire aussi : Croissance: l’Afrique résiste quand le monde subit un net repli
Ces baisses ont touché particulièrement les grandes économies du continent. Ainsi, pour les trois premières puissances économiques d’Afrique subsaharienne, «la croissance des trois plus grandes économies d’Afrique subsaharienne -Afrique du Sud, Angola et Nigéria - s’est fortement contractée pour ressortir à 2,6% seulement en 2022».
Le Nigeria, première puissance économique du continent devrait enregistrer des taux de croissance de 2,9% aussi bien en 2023 qu’en 2024. Le pays, dépendant de la production de l’or noir n’a pas réellement profité de la bonne tenue des cours du pétrole en 2022 en enregistrant une croissance de l’ordre de 3,1% et devrait pâtir de la décrue des cours du baril en 2023. Le pays souffre d’une forte inflation et d’un manque de devises et fait face à un énorme service de la dette.
Quant à l’Afrique du Sud, en plus des facteurs cités plus haut, l’économie la plus industrialisée du continent souffre des impacts des coupures intempestives d’électricité qui pèsent lourdement sur l’économie du pays.
Certains pays vont, malgré la revue à la baisse des prévisions, afficher des croissances appréciables. C’est le cas de l’Ethiopie (5,3% en 2023e et 6,1% en 2024p), la Tanzanie (5,3% en 2023e et 6,1% en 2024p) et le Kenya (5,0% en 2023e et 5,3% en 2024p). Il s’agit globalement d’économies basées sur l’agriculture et qui sont engagées dans des programmes de développement d’infrastructures qui consolident leur croissance.
Toutefois, les systèmes alimentaires de certains de ces pays, «déjà mis à mal par les coûts élevés des intrants agricoles et les pertes de production dues aux conditions météorologiques, restent particulièrement vulnérables à de nouvelles perturbations qui pourraient entraîner une flambée des prix des denrées et aggraver l’insécurité alimentaire», explique l’institution.
Lire aussi : Afrique du Sud : une économie encore «fragile» avec un PIB en baisse de 0,7%
Au niveau des pays d’Afrique du nord, si l’Egypte devrait afficher les plus fortes progressions de la région (4,5% en 2023e et 4,8% en 2024p), grâce aux effets des réformes antérieures, le pays traverse une crise économique aigue, compliquée par une inflation inquiétante de plus de 21% qui érode les salaires réels, faisant peser un risque sur la consommation intérieure.
Les récentes dévaluations qui ont fait perdre à la livre égyptienne plus de 100% de sa valeur vis-à-vis du dollar, en moins d’une année, vont aggraver les tensions inflationnistes. A cela s’ajoute l’impact d’une hausse moindre de la demande extérieure affectant les secteurs manufacturiers et le tourisme, grands pourvoyeurs de devises du pays. En outre, explique le rapport de la Banque mondiale, «un resserrement de la politique budgétaire et monétaire pour juguler la forte inflation et un important déficit de la balance courante devraient encore brider la croissance».
Au Maroc, «la croissance devrait s’accélérer pour atteindre 3,5 % en 2023 (soit un taux inférieur aux projections précédentes) et 3,7% en 2024, le secteur agricole se remettant progressivement de la sécheresse de l’année dernière. Les dépenses publiques devraient compenser, en partie, la faiblesse de la consommation des ménages due à l’inflation élevée», souligne la Banque mondiale.
Quant à l’Algérie, en dépit du niveau du cours du baril de pétrole, la croissance de son PIB sera molle en s’établissant à 2,3% en 2023e avant de ralentir à 1,8% en 2024p. Une situation qui s’explique par la forte dépendance de l’économie algérienne aux hydrocarbures et son incapacité à se diversifier.
Nouvelles prévisions de croissance des grandes économies africaines pour 2023 et 2024 par la Banque mondiale
Pays | Croissance du PIB en 2022 | Croissance du PIB en 2023e | Croissance du PIB en 2024p |
---|---|---|---|
Nigeria | 3,1% | 2,9% | 2,9% |
Egypte | 6,6% | 4,5% | 4,8% |
Afrique du Sud | 1,9% | 1,4% | 1,8% |
Algérie | 3,7% | 2,3% | 1,8% |
Maroc | 1,2% | 3,5% | 3,7% |
Angola | 3,1% | 2,8% | 2,9% |
Kenya | 5,5% | 5,0% | 5,3% |
Ethiopie | 3,5% | 5,3% | 6,1% |
Tanzanie | 4,6% | 5,3% | 6,1% |
Ghana | 3,5% | 2,7% | 3,5% |
Source: Banque mondiale
A l’opposé des grandes économies africaines, il faut noter que plusieurs pays vont enregistrer des taux de croissance élevés, en dépit d’une conjoncture défavorable. Et la palme de la croissance au niveau du continent, toutes catégories confondues, devraient revenir au Sénégal (8,0% en 2023e et 10,5% en 2024p), au Niger (7,1% en 2023e et 10,1% en 2024p), au Rwanda (6,7% en 2023e et 7,0% en 2024p), à la RDC (6,4% en 2023e et 6,6% en 2024p) et à la Mauritanie (5,1% en 2023e et 7,9% en 2024p).