Banques. Le recentrage africain du britannique Standard Chartered, une décision stratégique aux multiples motivations

Le siège de Standard Chartered à Londres.

Le 27/11/2024 à 15h49

Angola, Cameroun, Gambie, et Sierra Leone hier. Botswana, Ouganda et Zambie aujourd’hui. Standard Chartered tourne-t-elle le dos à l’Afrique ou se repositionne-t-elle sur le continent ? La banque britannique vient d’annoncer étudier la cession de ses activités de banque de détail et de gestion de patrimoine dans trois pays africains.

La restructuration de Standard Chartered se poursuit en Afrique. «Nous continuons d’évaluer l’efficacité de notre modèle d’entreprise mondial et prenons régulièrement des mesures pour concentrer nos ressources là où nous avons la proposition client la plus distinctive.». C’est par ces mots que Bill Winters, le directeur général du groupe Standard Chartered, justifie l’annonce faite ce 27 novembre 2024 d’étudier la cession potentielle des activités de banque de détail et de gestion de patrimoine (Wealth & Retail Banking ou WRB) dans trois pays africains: Botswana, Ouganda et Zambie.

Cette annonce s’inscrit dans une stratégie de recentrage plus large de la banque britannique sur ses activités les plus prometteuses et rentables. Selon les résultats du 3ème trimestre 2024, Standard Chartered a en effet décidé de «doubler l’investissement dans sa gestion de patrimoine pour les clients aisés» qui constitue déjà «une franchise internationale, riche et à forte croissance». Dans le même temps, la banque souhaite «remodeler son activité de détail de masse afin de se concentrer sur le développement d’un vivier de futurs clients aisés et de banque internationale

Bill Winters souligne que ce «plus grand degré de concentration résultant des cessions proposées» doit permettre à Standard Chartered de «continuer à surperformer le marché» sur le segment très convoité de la gestion de fortune en Afrique subsaharienne. Une région où la banque a réussi à plus que doubler ses actifs sous gestion depuis 2021, portée par ses pôles au Kenya et au Nigeria.

Un renforcement du recentrage amorcé en 2022

Cette annonce de cessions potentielles en Afrique australe s’inscrit dans la continuité de la stratégie de recentrage entamée dès avril 2022. Standard Chartered avait alors annoncé son intention de se retirer de sept pays africains dont l’Angola, le Cameroun, la Gambie et la Sierra Leone, tout en cédant une partie de ses activités en Côte d’Ivoire et en Tanzanie.

Une décision stratégique qui permet au groupe de réallouer ses ressources vers des zones à plus fort potentiel, afin de mieux accompagner ses clients. La banque semble donc définitivement tournée vers une accélération de son recentrage sur les marchés les plus porteurs et les activités les plus rentables.

Un impact financier limité mais stratégique

D’un point de vue purement financier, le communiqué du 27 novembre 2024 souligne que «les conséquences des sorties proposées ne sont pas matérielles pour le groupe dans son ensemble.» Une formulation prudente qui laisse entrevoir un impact financier relativement limité pour un groupe qui a réalisé 4,9 milliards de dollars de résultat d’exploitation au 3ème trimestre 2024. En hausse de 11% par rapport à la même période de l’an dernier et de 12% à taux de change constant.

Cependant, cette décision revêt une importance stratégique majeure. Elle marque une nouvelle étape dans le vaste plan de restructuration engagé par Standard Chartered ces dernières années, visant à se recentrer sur ses métiers et zones géographiques les plus porteurs.

Le Botswana, l’Ouganda et la Zambie représentaient en effet probablement un poids trop faible dans les revenus et résultats du groupe pour justifier d’y maintenir une présence forte dans la banque de détail et la gestion de fortune. Des activités particulièrement coûteuses en investissements marketing, en réseaux d’agences physiques et en forces de vente.

Une tendance de repli en Afrique subsaharienne

Cette décision stratégique intervient en outre dans un contexte de repli progressif des grandes banques internationales de la région subsaharienne, jugée de plus en plus difficile et peu rentable. On se souvient du désengagement complet en septembre 2022 de Barclays en Afrique après la cession de sa filiale sud-africaine Absa. Ou encore début 2023 du retrait de Société Générale de plusieurs pays africains dont le Congo, la Guinée équatoriale, la Mauritanie et le Tchad.

Comme l’analyse Gary Greenwood, analyste de recherche en actions chez Shore Capital, «ce nouveau mouvement de Standard Chartered n’est donc pas une surprise et c’était quelque chose qu’ils avaient laissé entendre.» L’analyste voit dans cette annonce la simple concrétisation des «opportunités de vendre une partie ou la totalité d’un petit nombre d’entreprises» évoquées dès la dernière présentation des résultats.

Si Bill Winters assure que l’Afrique reste au cœur du réseau mondial de la banque où le groupe est présent depuis 170 ans, ce recentrage pourrait marquer un nouveau virage stratégique du britannique sur le continent. Son ambition semble désormais de se concentrer sur les besoins transfrontaliers de ses grands clients entreprises et institutionnels, plutôt que sur une présence de banque de détail peu différenciante dans certains pays.

Un avenir centré sur la banque d’affaires ?

Le patron affiche en effet la volonté de «resserrer le focus» de sa banque d’investissement sur les besoins transfrontaliers des grands clients entreprises et institutionnels à travers l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient. Il vise notamment à augmenter à 60% la part des revenus provenant des clients institutionnels, contre 40% pour les entreprises.

Cette ambition de devenir un acteur de référence de la banque d’affaires transfrontalière en Afrique semble plus réaliste que le positionnement actuel de Standard Chartered, pris en tenaille entre les banques locales bien implantées et les mastodontes mondiaux.

Si cette stratégie de recentrage devait se confirmer, on peut s’attendre à ce que Standard Chartered conserve dans la plupart des pays africains une présence de banque d’affaires dédiée aux grandes entreprises et institutions financières internationales. Mais qu’elle abandonne progressivement ses activités de banque de détail et de gestion de patrimoine pour les particuliers et PME, peu différenciantes et à faible rentabilité. Une évolution stratégique qui pourrait impacter durablement son modèle économique et son empreinte en Afrique subsaharienne.

Par Modeste Kouamé
Le 27/11/2024 à 15h49