Investissements africains à l’étranger : les 5 pays du peloton de tête, selon la CNUCED

Les investissements directs africains à l’étranger (IDAE) recouvrent un large éventail de secteurs, allant des industries extractives et manufacturières aux services financiers, des télécommunications à l’immobilier, en passant par l’agroalimentaire et les technologies de l’information.

Le 03/07/2024 à 10h11

Les investissements directs africains à l’étranger (IDAE) représentent une opportunité unique pour l’Afrique de tirer parti de son propre potentiel et de ses ressources, tout en renforçant sa position sur la scène économique mondiale. Dans une récente étude détaillée, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a analysé l’évolution de ces investissements et dressé un classement des principaux pays africains investisseurs à l’étranger pour l’année 2023.

Les pays africains ne sont pas que des réceptacles passifs d’investissements directs étrangers (IDE). Bien au contraire, les entreprises et hommes d’affaires de ces pays sont des acteurs économiques à part entière, investissant de manière croissante à l’étranger. Cette dynamique d’investissements directs africains à l’étranger (IDAE) reflète la montée en puissance des multinationales africaines et leur volonté d’étendre leurs activités au-delà des frontières nationales.

Selon le dernier rapport de la CNUCED, les IDAE recouvrent un large éventail de secteurs, allant des industries extractives et manufacturières aux services financiers, des télécommunications à l’immobilier, en passant par l’agroalimentaire et les technologies de l’information. Ces investissements sont motivés par diverses raisons, notamment la recherche de nouveaux marchés, l’accès à des ressources naturelles, le renforcement de la compétitivité et l’acquisition de nouvelles technologies.

De 2018 à 2023, le classement des investissements directs africains à l’étranger (IDAE) a connu des changements notables, reflétant les dynamiques économiques en cours sur le continent. Selon les données de la CNUCED, le Maroc s’est hissé à la première place avec 836 millions de dollars investis par ses entreprises à l’étranger en 2023, suivi du Kenya (588 millions), de l’Égypte (390 millions), du Nigéria (256 millions) et de la RD Congo (235 millions).

Le Maroc, premier investisseur africain à l’étranger en 2023

Le Maroc se place à la première place de ce classement, après une 3ème place en 2021 et une 4ème place en 2022. Selon le rapport de l’Office des changes sur la position extérieure du pays, «ses investissements se concentrent dans les secteurs manufacturiers, financiers, des industries extractives et de l’immobilier, principalement en Afrique de l’Ouest et en Europe».

La percée du Maroc comme premier investisseur africain à l’étranger en 2023 témoigne de la réussite de la stratégie de diversification économique et de positionnement régional menée par le Royaume ces dernières années. Plusieurs facteurs ont contribué à cette performance, notamment le fait que des entreprises leaders comme l’OCP, Attijariwafa Bank, Addoha, Managem ou la BCP ont été activement soutenues dans leurs projets d’expansion internationale, bénéficiant d’accompagnement et d’une diplomatie économique engagée.

Le Maroc mise également sur une palette diversifiée de secteurs performants à l’international comme les industries manufacturières, la finance, l’immobilier et les industries extractives. Cette diversification réduit la dépendance aux hydrocarbures tout en valorisant les avantages compétitifs nationaux.

En s’implantant massivement en Afrique de l’Ouest, une région en plein essor économique, le Maroc renforce son influence et se positionne comme porte d’entrée pour les investissements vers et depuis l’Afrique. Ce rayonnement s’étend également vers l’Europe.

Les réformes de facilitation des affaires, la stabilité politique et l’ouverture économique ont permis d’attirer et d’ancrer durablement des investisseurs marocains de poids à l’étranger. En investissant dans des secteurs à plus forte valeur ajoutée comme la finance, les services ou l’industrie, le Maroc étend sa présence au-delà des activités extractives traditionnelles.

Cependant, quelques défis demeurent à relever pour pérenniser ce leadership: former davantage de compétences locales, ou encore s’attaquer au financement des PME exportatrices. Une diversification accrue des marchés cibles au-delà de l’Afrique de l’Ouest sera également cruciale.

Le Kenya, deuxième plus grand investisseur africain à l’étranger

Le Kenya se positionne à la deuxième place du classement des investissements directs africains à l’étranger (IDAE), confirmant son dynamisme économique et sa capacité à projeter ses entreprises au-delà de ses frontières. Rappelons qu’en 2021 et 2022, le pays a été respectivement 1er et 3ème de ce classement. Cette performance repose notamment sur la solidité de son secteur financier, largement internationalisé, qui compte des acteurs majeurs comme Equity Bank, Kenya Commercial Bank ou Cooperative Bank. Ces institutions ont su tirer parti de l’intégration régionale en Afrique de l’Est pour étendre leur présence dans les pays voisins.

Parallèlement, le Kenya a su valoriser son avantage comparatif dans les technologies de l’information et de la communication (TIC). Des entreprises comme Safaricom, pionnière du mobile money, ou Wananchi Group dans le câble et l’internet, ont réussi à se déployer en Afrique de l’Est et même au-delà. Ce rayonnement s’appuie sur l’écosystème dynamique des start-ups kenyanes, véritable vivier d’innovations technologiques.

Enfin, le secteur agroalimentaire kenyan, porté par des groupes comme Bidco ou Mavunio EPZ, a su capitaliser sur l’expertise locale dans les produits agricoles pour se développer hors du pays. Cette internationalisation profite de la compétitivité des produits kenyans en termes de coûts et de qualité.

De son côté, l’Égypte poursuit sa remontée dans le classement des IDAE, portée par des conglomérats industriels diversifiés comme OCI ou Qalaa Holdings. Ces derniers accélèrent leur expansion régionale, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en tirant parti de leur expertise dans des secteurs clés tels que les engrais, les industries extractives ou les infrastructures.

Reléguées aux 4e et 5e rangs, les multinationales nigérianes (Dangote, BUA, Globacom...) et congolaises maintiennent néanmoins leur empreinte, misant sur les hydrocarbures, les mines et la finance.

Chute de l’Afrique du Sud dans le classement

Entre 2018 et 2023, le classement des IDAE a beaucoup évolué, et ce n’est pas l’Afrique du Sud qui dira le contraire. 1er de ce classement en 2018 et 2019, le pays d’Afrique australe a vu ses investissements directs à l’étranger chuter ces dernières années sous l’effet conjugué du ralentissement économique, des mouvements de restructuration de ses grands groupes et de l’instabilité réglementaire.

Les entreprises sud-africaines restent très présentes en Afrique, notamment dans la finance, les télécoms ou la distribution, mais peinent à renouveler leur modèle d’expansion face à un environnement mondialisé plus complexe et concurrentiel. Certains concentrent désormais leurs investissements sur des créneaux porteurs comme les infrastructures, l’énergie ou les mines.

Au-delà des classements, l’évolution des places dans le top 5 traduit une diversification bienvenue des investisseurs africains dans un contexte mondial difficile. Elles reflètent aussi les défis à relever pour les pays du continent, confrontés à un durcissement des conditions de financement qui freine les projets d’infrastructures dans des secteurs clés comme l’énergie durable.

Mieux canaliser l’épargne locale, accroître la facilitation des affaires et des investissements grâce au numérique, développer des marchés financiers intégrés: tels sont quelques-uns des chantiers prioritaires pour accompagner la montée en puissance des investisseurs panafricains de nouvelle génération.

Des investissements relativement modestes

Il est important de noter que les flux d’IDAE demeurent modestes en comparaison des IDE entrants. en Afrique, reflétant les défis persistants liés au financement, à la facilitation des affaires et à l’intégration régionale. Pour changer la donne, les gouvernements africains ont un rôle crucial à jouer pour créer un environnement propice aux investissements panafricains, en améliorant la gouvernance, en renforçant les infrastructures et en promouvant une véritable intégration des marchés.

De plus, selon la CNUCED, les IDAE gagneraient à être «orientés vers des projets durables, respectueux des normes environnementales et sociales, et contribuant au développement économique et social des communautés locales. Une attention particulière devrait être accordée aux secteurs porteurs tels que les énergies renouvelables, l’agriculture durable et les technologies vertes».

Top 5 des investissements directs africains à l’étranger de 2023 (en millions de dollars)

PaysVolume d’investissementsRang
Maroc8361er
Kenya5882ème
Égypte3903ème
Nigéria2564ème
RDC2355ème
Par Modeste Kouamé
Le 03/07/2024 à 10h11